En bon pragmatique, il vit ses principes. A 8 heures
tapantes du matin, heure du rendez-vous pour l’interview, M. Zézé Stanislas est
présent pour recevoir l’équipe de RH Mag. Sa vie en Europe et en Amérique, son
retour, la notation, la famille…
Autant de sujets d’échanges pour, au final, une interview
sans faux fuyants, empreinte de sincérité et de pédagogie.
RH Mag :
Stanislas Zézé est un nom bien connu dans les milieux de la finance en Afrique
et au-delà, notamment dans la notation financière et l’intelligence économique.
Avant d’en parler dans de plus amples détails, attardons-nous quelque peu sur
l’Homme, son parcours académique et
professionnel.
Stanislas Zézé :
Je me nomme Stanislas Zézé, PDG de Bloomfield Investment Corporation. J’ai fait
le lycée en France. J’ai étudié le droit des affaires à la faculté de Droit et
Sciences politiques de l’université de Nantes en France. Je suis diplômé de
l’Institut de Sciences Politiques et Economiques de Eastern Michigan aux Etats
Unis et également diplômé de la prestigieuse école d’Administration et de
Gestion de l’Université de Michigan. L’Ecole d’administration du Michigan est
un peu l’équivalent de l’Ecole nationale d’administration (ENA) en France. Les
grandes universités comme Harvard, Michigan, Chicago, Columbia, etc, ont des
écoles d’administration comme l’ENA. Quand je suis sorti de cette université,
j’ai intégré la National Bank of Detroit comme Directeur des risques. J’étais
le plus jeune des directeurs. C’était une expérience assez intéressante.
Ensuite, je suis allé à l’Institut International de l’Economie comme Directeur
de programme à Washington. Là-bas, nous travaillions sur des programmes de
développement en Afrique Subsaharienne. Après quoi, je suis entré à la Banque
Mondiale comme Analyste Senior en charge du contrôle opérationnel et de la
gestion de risque pays au Bureau du Vice-Président Contrôleur. Mon rôle était
de suivre la mise en application de COSO (système de contrôle interne) à
l’intérieur de la Banque Mondiale et de gérer le risque des Etats
bénéficiant des prêts de la Banque. J’y suis resté pendant environ 5 ans puis
j’ai décidé de rentrer au pays. J’ai décidé de rentrer en Afrique sur un coup
de tête car j’estimais que ma contribution sur le continent serait mieux
appréciée et aurait un plus grand impact. Quand je suis revenu en Côte
d’Ivoire, j’ai rejoint la Banque Africaine de Développement (BAD) à Abidjan,
ensuite à Tunis lorsque l’institution a été délocalisée du fait de la crise de
2002. A Tunis, j’ai ressenti une sorte de solitude que je ressentais dans mes
derniers mois aux USA. Il me semble que c’était un signe très clair que ma
place était en Côte d’Ivoire. C’est ainsi que j’ai décidé de démissionner de la
BAD pour rentrer en Côte d’ivoire en 2005 en pleine crise. A mon retour, j’ai rejoint
Shell Oil Product Africa en qualité de Directeur régional en charge du risque crédit
pour l’Afrique de l’ouest et du centre. Après l’expérience de la Shell, j’ai
décidé qu’il était temps de monter mon entreprise. J’ai donc créé Bloomfield
Group qui regroupe Bloomfield Financial, Bloomfield Investment Corporation et
Blueprint by Bloomfield.
Vous êtes
indiscutablement un modèle de réussite pour de nombreux jeunes diplômés africains
; vous n’y êtes pas arrivé sans des convictions fortes. Quels sont vos
principes et valeurs les plus chers, qui vous servent de boussole où que vous
alliez ?
L’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez va déterminer
la probabilité de votre réussite. Être un rêveur et un passionné sont deux
éléments fondamentaux pour la réussite d’un entrepreneur. Naturellement, il
faut être sérieux et travailleur. Il faut avoir une spiritualité. C’est très
important car ça nous canalise. Il y a également quelque chose de
fondamental : c’est qu’il faut avoir un esprit de gagneur. Je n’ai jamais
considéré l’échec comme une option quand j’entreprends quelque chose.
Moi, je ne peux que réussir. La question est de savoir dans
combien de temps et avec quels moyens cela se fera. Ce sont là ces différentes
valeurs qui m’animent et qui font qu’aujourd’hui je suis arrivé à ce niveau. Je
suis très rigoureux avec moi-même, avec mes collaborateurs et j’estime qu’il
faut être dans un état d’esprit bien particulier pour réussir.
L’attrait pour le
monde de la finance, les affaires comme on dit, a-t-il quelque chose à voir
avec votre carrière en Amérique ou aviez-vous nourri cette vocation depuis
toujours ?
En fait mon expérience a été dans la gestion des risques de
crédit durant ma carrière aux Etats-Unis. Evidemment, j’aurais pu créer une
entreprise dans plusieurs domaines par exemple dans l’agro-industrie, dans le
bâtiment, etc. Mais en réalité, on crée une entreprise parce qu’on estime qu’il
y a un besoin à combler dans notre société. J’ai observé et j’ai vu que le
problème essentiel du développement en Afrique, c’est le problème de l’accès
aux capitaux pour les pays et les entreprises. J’ai vu aussi qu’il y avait une
grosse asymétrie d’informations entre les demandeurs de capitaux et les
pourvoyeurs de capitaux. Les pourvoyeurs de capitaux estimaient qu’ils
n’avaient pas de visibilité sur les entités qui voulaient emprunter, pendant
que ces dernières, quant à elles trouvaient que les pourvoyeurs de capitaux ne
maîtrisaient pas leur business et leur environnement. J’ai estimé qu’une agence
de notation financière viendrait créer le pont entre les deux parties et
permettre une meilleure plateforme d’échanges. Le résultat est qu’aujourd’hui
après 08 ans d’existence, (Ndlr : l'interview a eu lieu en 2016) nous avons
réduit de façon significative le fossé entre ces deux acteurs. Nous avons créé
un environnement dans lequel les banques peuvent faire confiance aux
entreprises notées parce qu’elles ont une véritable visibilité à travers nos analyses.
L’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez va déterminer
la probabilité de votre réussite. Être un rêveur et un passionné sont deux éléments
fondamentaux pour la réussite d’un entrepreneur. Naturellement, il faut être
sérieux et travailleur. Il faut avoir une spiritualité.
Ces entreprises notées ont aujourd’hui la capacité de mieux
négocier les conditions d’emprunt. Déjà, par le fait d’être noté, vous devenez
systématiquement attractif aux investisseurs. Aujourd’hui, elles ont cette
vraie capacité à négocier avec les pourvoyeurs de capitaux que ce soit sur le
marché boursier ou auprès des banques. Nous avons encouragé les autorités de
l’UEMOA à introduire la notation financière obligatoire parce que nous estimons
que nous sommes dans un environnement qui, culturellement, ne s’y prête pas.
Donc la rendre obligatoire allait certainement créer cette culture de la
transparence et de la bonne gouvernance. Une réglementation a donc été mise en
place et, depuis 2011, toutes les sociétés cotées à la bourse doivent être
notées. Tous les metteurs d’obligations, exceptés les Etats, doivent l’être.
Tous les garants ainsi que toutes les opérations de titrisations aussi doivent
également être notés. Nous avons désormais un marché qui est très transparent
et qui devient de plus en plus attractif aux investisseurs locaux, régionaux et
internationaux. Nous sommes venus créer cet environnement de confiance dont
l’UEMOA et l’Afrique francophone avaient besoin pour pouvoir se développer. Je
crois que le fait d’avoir créé cette entreprise répond à un besoin fondamental
de développement.
C’est un métier
d’avenir, sommes-nous tentés de dire…
C’est un métier d’avenir. Je dirai même que c’est un métier
qui est cœur du développement parce que vous ne pouvez pas développer votre
entreprise ou votre pays si vous n’avez pas de capitaux. Pour avoir des capitaux,
il faut montrer patte blanche et la notation financière permet justement de le
faire.
Parlons du processus
de notation. En quoi consiste-t-il ?
C’est un processus qui est très simple ! Après la signature du contrat de notation financière, nous faisons ce qu’on appelle une « collecte d’informations ». Nous faisons une présentation de démarrage qui va expliquer un peu à l’entité notée comment nous allons procéder. Nous allons collecter des informations quantitatives et qualitatives. Tout ce qui est quantitatif est lié aux chiffres, aux états financiers, aux budgets, et ce qui est qualitatif concerne la stratégie, l’équipe dirigeante, l’environnement sociopolitique et économique dans lequel évolue la structure ou la collectivité locale ou même le pays concerné. Une première analyse est faite des informations collectées. Ensuite une série d’entretiens est organisée avec les dirigeants de l’entreprise ou du pays.
Cette étape est fondamentale pour la compréhension des fondamentaux de l’entité notée et la confrontation des chiffres et des informations produites. Nous
allons ensuite faire des analyses
approfondies et ressortir ce qu’on
appelle une note de synthèse qui va regrouper tous les entretiens et les analyses qui ont été faits.
De ce rapport de synthèse, nous allons sortir un rapport
provisoire qui sera envoyé à l’entité notée pour réaction dans un délai maximum
de 07 jours. Une fois que nous avons les commentaires, les analystes vont
finaliser le rapport et le soumettre au comité de notation financière en
faisant des propositions de notes et perspectives, une (01) à court et (01) à
long terme.
Mais dans le contexte
africain où on exècre la transparence, il doit y avoir pas mal de freins à la
notation.
De manière générale, vous savez, culturellement, nous ne
sommes pas des gens transparents en Afrique francophone, pas que nous ayons
envie volontairement de cacher les choses, mais c’est dans notre culture. Ça
peut être un blocage, mais on peut le surmonter avec de la pédagogie. Il y a
aussi la disponibilité et la fiabilité des informations. Donc, Il y a un
travail très important et fondamental afin de nous assurer que les informations
reçues correspondent à la réalité. C’est la raison pour laquelle nous faisons
cette contre-expertise à l’aide des entretiens et du “market intelligence”.
L’impact de la notation financière sur la réduction du coût de l’emprunt est
indéniable. En effet nous avons des structures dans notre portefeuille qui ont
aujourd’hui réduit leur taux d’emprunt de 600 points de base, c’est-à-dire de
06points, qui empruntaient à 12%, il y’a 4 ans et empruntent aujourd’hui à 6%.
Ils y en a qui empruntaient à 6% et sont désormais à 3%. Cet impact est
évidemment ressenti de façon très claire sur les économies qu’ils réalisent.
Dans ces conditions, nous nous rendons forcément compte de l’importance
grandissante de la notation financière dans le dispositif d’accès au
financement et de plus en plus d’entreprises entre volontairement dans ce
processus de transparence et de bonne gouvernance.
Peut-on avoir une idée du nombre
d’entreprises qui ont recours à la notation financière auprès de vous ?
Dans notre portefeuille, nous avons près d’une centaine
d’entités composées de pays, collectivités locales, entreprises privées et
publiques, institutions financières et instruments financiers. C’est quand même
extraordinaire d’avoir réalisé ces résultats en seulement 08 années
d’expériences, surtout dans le contexte de notre environnement. Aujourd’hui
nous avons pénétré l’Afrique centrale et l’Afrique de l’est. Il est important
de savoir que la notation financière est exigée par les bailleurs de fonds désormais
pour l’aide au développement. C’est le cas en Afrique centrale en ce moment.
La Côte d’Ivoire s’est rendu compte que cette notation lui a
valu une crédibilité extraordinaire sur le marché des capitaux. Même si la note
est spéculative, le rapport détaillé a fait ressortir son potentiel
extraordinaire.
Est-ce que la Côte
d’Ivoire a déjà été notée ?
La Côte d’Ivoire est notée à l’international, notation pour
laquelle nous avons fait la préparation. Maintenant, nous avons pour ambition
de noter le pays en monnaie locale parce qu’il a été noté en devise étrangère
par Moody’s et Fitch. Par ailleurs, la Côte d’Ivoire s’est rendu compte que
cette notation lui a valu une crédibilité extraordinaire sur le marché des
capitaux. Même si la note est spéculative, le rapport détaillé a fait ressortir
son potentiel extraordinaire. Puisque les investisseurs dans le cadre des
eurobonds pour la Côte d’Ivoire ont misé sur le long terme, ils ont vu la
capacité du pays à générer du cashflow de par son économie, la résilience de
son économie et la bonne gestion des finances publiques.
Doit-on considérer
que la notation est à la finance ce que les examens de passages sont à l’école
?
Non, pas vraiment ! Parce que vous pouvez passer un examen
et ne pas le réussir. Généralement, quand vous ne réussissez pas à un examen,
le fait de ne pas le réussir n’est pas un avantage. Pour la notation
financière, c’est vraiment différent. Pour elle, il faut mettre l’accent sur le
fait que c’est un exercice qui représente un tableau de bord pour l’entité
notée. Elle vous permet de savoir vos forces et vos faiblesses ; elle permet
également aux pourvoyeurs de capitaux d’avoir une visibilité sur l’activité des
emprunteurs, de les connaître, ce qui crée justement une dynamique, une
relation très claire qui vous sera utile pour avancer très rapidement.
Lorsque vous avez une mauvaise note, vous êtes toujours considéré comme
quelqu’un de bien parce que vous faites preuve de transparence. Même quand vous
avez une mauvaise note, c’est mieux qu’une entité qui n’a pas de note.
Certains, de par le
monde, doutent de la crédibilité de la notation et dénoncent des ingérences
politiques. On a parfois vu aussi des diagnostics qui se contredisent...
Deux notations différentes de deux agences, c’est
parfaitement normal sauf qu’on ne peut pas avoir une différence de plus d’un cran. Par exemple, si je
dis en monnaie locale que la Côte
d’Ivoire est BBB, une autre agence de notation africaine peut donner soit BBB-,
BBB ou maximum BBB+ mais jamais plus que ça parce que nous travaillons avec les
mêmes informations. Généralement, la différence est un cran ou une perspective,
c’est une question d’approche par l’agence. Vous avez l’exemple de la note de
la France dégradée par Standard & Poor’s (S&P) parce que le stock de la
dette de la France commence à prendre une proportion qui bientôt ne sera plus
soutenable. Moody’s et Fitch ont affirmé que le constat de S&Pétait
soutenable mais que pour l’instant ils préfèrent ne pas se prononcer là-dessus.
Un an après, ils ont rejoint S&P parce qu’effectivement
la situation de la dette de la France commençait à les préoccuper. Idem pour
les Etats-Unis, S&P dit qu’il baisse la note des USA parce que les blocages
politiques peuvent amener à une situation de défaut ; les autres disent que ces
blocages ne sont pas spécialement accentués. Mais, plus tard, ils rejoignent la
même opinion. On travaille avec les mêmes informations et les résultats seront
forcément les mêmes. Après, l’approche qu’on veut avoir et qui est spécifique à
l’agence va faire qu’il peut avoir un décalage d’un cran ou de perspective.
L’influence politique dont vous parlez est plutôt à l’avantage des agences et
non le contraire. Ce sont les agences qui ont une influence sur le politique et
le non politique sur les agences.
Vous avez prononcé
une conférence devant un parterre de directeurs financiers et Comptables lors des Journées de la Finance et
de la Comptabilité le jeudi 13 août 2015 à Yamoussoukro. Dans votre auditoire,
certains n’ont pas manqué de vous
demander pourquoi ils devraient vous faire confiance plutôt qu’aux
majors de la notation qui dominent le secteur. Votre réponse a été on ne peut
plus claire…
Si vous vous référez au parcours de Bloomfield Investment,
vous vous rendrez compte que vous n’avez jamais entendu parler d’un scandale de
Bloomfield Investment alors que c’est le cas au niveau des agences
internationales. Je pense qu’il faut que les Africains soient moins complexés.
Ce n’est pas parce qu’une agence vient de New-York qu’elle
est plus crédible qu’une agence qui vient d’Abidjan ou de Yaoundé. Il faut que
les Africains soient conséquents.
L’influence politique dont vous parlez est plutôt à l’avantage des agences et non le contraire. Ce sont les agences qui ont
une influence sur le politique et le non politique sur les agences.
Être une agence de notation financière africaine ne devrait
pas systématiquement équivaloir à de l’incompétence ou un manque de
crédibilité. La considération que l’extérieur donnera aux entreprises
africaines dépendra de la considération que les Africains donneront eux-mêmes à
leurs propres entreprises. C’est quand même étonnant parce nous avons commencé
en Afrique, mais notre reconnaissance est venue de l’Europe. Et c’est lorsque
les Africains ont vu qu’on était reconnu à l’extérieur qu’ils ont eux aussi
commencé à nous reconnaître. C’est curieux tout ça, mais c’est une attitude
malheureusement culturelle. Si on veut progresser on doit arrêter de penser de
cette façon.
Comment Bloomfield
Investment Corporation s’en sort aux côtés de Standard & Poor’s, Moody’s et
Fitch, surnommés les “Big three’’ ?
Nous entretenons de bons rapports. Nous organisons des
séminaires ensemble avec Fitch et Standard & Poor’s. Nous avons des
échanges occasionnels avec Moody’s. Ces agences internationales ont commencé à
comprendre l’importance des agences régionales et commencent même à s’appuyer
sur elles parce que nous sommes sur le terrain. Nous avons une meilleure
compréhension et connaissance du risque et de l’environnement. Nous avons de meilleurs outils pour le suivi parce
que nous sommes sur place. Donc, elles vont s’appuyer sur nos analyses pour
prendre des positions parce qu’elles sont loin. Ceci dit, nous n’intervenons
pas forcément sur la même niche. Donc nous ne sommes pas vraiment en
compétition avec ces agences. Nos notations sont en monnaies locales pendant
que celles des Big three sont en dollars US.
Vos différents prix à
divers fora comme celui du Leadership Forum en 2014 à Abidjan sont des
témoignages de reconnaissance qui vous ont certainement marqué et conforté dans
votre choix...
Je crois que ces reconnaissances sont le résultat du travail
de toute l’équipe de Bloomfield Investment. Il est certes exact que je suis le
dirigeant et le fondateur de cette agence, mais tout seul je ne suis pas Bloomfield.
C’est toute une équipe qui m’accompagne. Ces prix sont aussi le témoignage de
l’impact que nous avons eu sur le marché financier en Afrique en général et
dans l’UEMOA en particulier.
N’est-ce pas aussi
l’illustration de ce que les dirigeants politiques ont compris l’importance de
la notation pour le développement des économies africaines ?
Mais bien sûr ! D’ailleurs, le fait qu’on soit agréé et qu’il
y ait une règlementation sur la notation financière montre bien son importance.
Par ailleurs, de nos jours, lorsque les investisseurs veulent investir dans un
pays donné, ils demandent à savoir s’il est noté, si ses entreprises le sont ou
s’il existe un système de notation dans le pays ou la région. Vous voyez donc
qu’il n’y pas que nous qui leur ferons savoir l’importance du système de
notation financière : c’est tous les investisseurs à l’international qui en parlent si bien que
la notation financière est devenue leur
guide par excellence. Vous n’êtes pas notés, vous n’intéressez personne !
Bloomfield Investment
Corporation : cela ne fait-il pas trop anglo-saxon ?
Vous pensez que si j’avais appelé ma société « Akwaba
Finance » ou « Gagnoa Corporation », ça aurait eu le même impact ? Non
(rire) ! Le nom est choisi pour que ça ait un impact, il faudrait que le nom
que vous choisissez pour votre société corresponde au secteur d’activité et à
l’environnement : ainsi « Bloomfield Investment » passe bien dans la finance en
plus qu’il soit universel. Par ailleurs, Bloomfield est le nom d’une ville des
Etats-Unis d’Amérique, « Bloomfield Hills » dans l’Etat du Michigan qui est
considérée comme une des villes les plus riches du monde. Ce nom incarne donc
pour moi une réussite financière, une rigueur parce qu’on ne devient pas riche
sans une certaine intelligence, une certaine vision, sans avoir été rigoureux
dans son entreprise, à moins qu’on ne passe par des coups fourrés. Et donc ce
nom marche bien pour nous, partout où on va, ce nom passe bien.
Pour clore le
chapitre Bloomfield, parlez- nous de vos perspectives !
Nous sommes très ambitieux avec de belles perspectives en
Afrique. Aujourd’hui, il existe quatre agences de notation financière en
Afrique mais Bloomfield est la mieux médiatisée dans le monde .En outre, nous
venons de signer un contrat avec « Bloomberg», ce qui permet aux 350 000
investisseurs dans le monde abonnés à Bloomberg d’avoir accès à nos
informations grâce à une plate-forme Bloomberg dédiée à Bloomfield Investment.
L’objectif donc pour nous est d’être la 1ère agence de notation
financière en Afrique et avoir des bureaux régionaux implantés dans les grandes
capitales Africaines et avoir également des bureaux d’études à Londres et New
York. Nous voulons être la 1 ère source
d’information économique et financière
d’Afrique. Et nous allons atteindre notre objectif parce que nous nous en
donnons les moyens.
Notre politique, c’est de les prendre jeunes et les formater
selon la culture d’entreprise Bloomfield. Nous avons une équipe sérieuse et
extraordinaire que ce soit ici en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au Rwanda. Nous
sommes une sorte de melting-pot africain.
Abordons un autre
sujet si vous voulez ; celui des ressources humaines. Vous avez fait votre
parcours professionnel aux Etats-Unis et dans de grandes institutions comme la
Banque Mondiale, Shell, l’Institut International pour l’Economie et la Banque
Africaine de Développement. Est-ce qu’au plan local, vous parvenez à avoir des
collaborateurs à la hauteur de vos attentes ?
Bien sûr ! Nous avons une vingtaine d’analystes, de jeunes
Africains formés à l’international et localement pour certains, qui sont très
dynamiques, très compétents et surtout jeunes ; la moyenne d’âge se situe
autour de 25 ans. Ceux qui ont la quarantaine ne sont que 2. En plus, ils sont
très intelligents et quasiment tous bilingues avec une expérience en Afrique,
en Europe et en Amérique. Notre politique, c’est de les prendre jeunes et les
formater selon la culture d’entreprise Bloomfield. Nous avons une équipe
sérieuse et extraordinaire que ce soit ici en Côte d’Ivoire, au Cameroun ou au
Rwanda. Nous sommes une sorte de melting-pot africain. Je pense sincèrement
encourager les Africains à revenir en Afrique parce que c’est fondamental.
L’Afrique ne va pas se développer par les Européens mais plutôt avec les
Africains. Donc, il est impératif que les Africains qui vont se former à
l’étranger rentrent pour participer à ce développement-là. Ceci dit, c’est un
métier qui est assez spécifique. Ceux qui ont fait la banque ou les cabinets
d’audit ont beaucoup plus d’aisance avec ce métier. Nous les formons pour les
rendre opérationnels. Localement, nous recrutons dans un programme très
intéressant qui donne une base très importante aux jeunes. C’est la Maîtrise
des sciences et techniques comptables et financières(MSTCF). Nous avons à peu
près 05jeunes que nous avons recrutés et qui sont devenus analystes seniors,
des analystes confirmés. Nous avons recruté localement 02 économistes. Nous
sommes dans cette optique de promouvoir les jeunes Ivoiriens parce que nous
estimons que c’est une obligation morale pour nous de tirer cesjeunes vers le
haut. Nous avons une culture d’entreprise ici qui encourage les jeunes à être
professionnels, sérieux, rigoureux et à toujours opter pour la qualité du rendu
et dans le temps imparti, c’est-à-dire un travail de qualité avec des délais
respectés. Nous leur inculquons aussi la notion de confidentialité,
c’est-à-dire être muet à l’extérieur sur les données traitées. C’est notre rôle
de nous rassurer que les jeunes comprennent l’importance d’avoir un comportement
responsable et exemplaire en milieu professionnel. Je pense que dans ce milieu,
il y a énormément d’opportunités. Nous avons non seulement des analystes qui
font des analyses financières, mais aussi des analystes de crédit et des
économistes. Notre business est en train de s’étendre en Afrique. Nous avons
ouvert au Cameroun et au Rwanda des représentations pour y créer des emplois.
L’année prochaine (ndrl : 2017) nous allons ouvrir au Nigeria.
Vous êtes un
observateur averti de la société ivoirienne. L’émergence est-elle possible avec
les ressources humaines disponibles actuellement à l’échelle du pays ?
Une des qualités de la Côte d’Ivoire, ce sont les ressources
humaines. Le Président Félix Houphouët-Boigny a
mis un accent particulier sur ce volet. La décennie 2000-2010 nous a
retardé sur le plan de l’éducation nationale à cause des crises sociales et
politiques. Quand vous allez dans beaucoup de pays en Afrique, vous rencontrez
de nombreux DG ou DAF ivoiriens. Les Ivoiriens s’exportent très facilement.
Nous sommes des personnes sérieuses qui avons de vraies qualités ; nous
sommes des gens compétents et performants. Pour moi donc, la Côte d’Ivoire a
les ressources humaines, les ressources naturelles et les infrastructures qu’il
faut pour se développer. Ce qui nous reste pour atteindre l’émergence, c’est le
changement de mentalité, et ça c’est fondamental. Si on ne change pas de
mentalité, on n’y arrivera jamais ! Ce que je veux dire par changer de
mentalité, c’est prendre conscience qu’on ne peut pas être un pays émergent si
on n’est pas discipliné et on n’a pas le respect des règles. Quand vous prenez
par exemple le comportement peu civique des gbakas ou des wôrôs-wôrôs, ce n’est
pas digne d’un pays en voie d’émergence ! Des gens qui garent partout, qui
créent des gares partout de façon anarchique. Dès l’instant qu’on les tolère,
c’est qu’on encourage l’anarchie. On dira certainement qu’ils se débrouillent…
mais qu’ils aillent se débrouiller dans des endroits légalement réservés pour
ça ! Vous savez, nous avons la devise qu’il faut pour être émergent ou
développé : Union, discipline, travail. Si on respecte cette devise-là, on peut
se donner une date pour être émergent parce que dès qu’on change de mentalité,
tout le reste suit ! Regardez le Rwanda ! Entre ce pays et la Côte
d’Ivoire, y’a pas match, comme on dit ! En termes de ressources, humaines comme
naturelles, on ne peut pas comparer ces deux pays. Mais aujourd’hui, le Rwanda
est considéré comme le 7 ème pays
le mieux géré de la planète. Là-bas, les
rues sont propres et vous ne verrez jamais de constructions illégales ou
anarchiques aux bords des rues ! C’est juste un changement de mentalité opéré
en 20 ans qui a changé radicalement les comportements des citoyens. A notre
niveau, il nous faut juste ce changement de mentalité. Nous avons déjà les
ressources humaines disponibles ; les infrastructures, nous les avons et elles
sont en train d’être développées davantage. Il nous faut maintenant avoir la
mentalité d’un pays émergent. S’il y a lieu de contraindre pour être
discipliné, il faut le faire. Car l’être humain a tendance à ne pas faire
les choses de façon volontaire. Une des qualités de la Côte d’Ivoire, ce sont
les Ressources Humaines. Le Président Félix Houphouët-Boigny a mis un accent
particulier sur ce volet. La décennie 2000-2010 nous a retardés sur le plan de
l’éducation nationale à cause des crises sociales et politiques.
Les Ressources
Humaines ont-elles une grande importance dans la notation financière d’une
entreprise ?
Absolument ! Quand on fait les entretiens, on demande des CV
parmi les documents à fournir, parce que pour nous, c’est l’homme qui fait
l’entreprise. Même les ordinateurs sont manipulés par les hommes. Si vous avez
une entreprise qui n’a pas de ressources humaines bien formées, évidemment ce
sera difficile pour l’entreprise de progresser. L’entreprise doit aussi
présenter un profil de carrière bien clair à son personnel de sorte que le
travailleur constate qu’il a de l’avenir dans cette entreprise. Les Ressources
Humaines sont donc au centre de la notation financière parce qu’il faut
s’assurer que les Ressources Humaines d’une entité soient capables de l’amener
à bien gérer ses opérations en vue de générer du cash-flow.
Vous êtes membre de
l’Association des Administrateurs
publics américains et du Pi Sigma
(société honorifique de science
politique). Cela dénote, de votre
niveau d’éducation et d’un ancrage
fortement américain. Pourtant, cela
ne vous a pas empêché de revenir
vous investir en Afrique. Ce n’est
malheureusement pas le cas de
beaucoup d’Africains expatriés… Qu’est-ce
qui les bloque là-bas ?
Les Africains qui partent du continent pour des études aux Etats-Unis ou en France ont plus de prédisposition et de facilité à rentrer, après, dans leur pays. Ceux qui y restent sont toujours en train de demander comment ça se passe au pays. Ils ont toujours cette nostalgie du pays. Il peut même arriver que certains critiquent l’Afrique. Mais, croyez-moi, c’est pour se donner bonne conscience et justifier le fait qu’ils restent là-bas. Cependant, au plus profond d’eux, ils ont envie de rentrer. Après, c’est un choix et une décision courageuse qu’il faut prendre parce que vous ne pouvez pas rentrer dans votre pays en aventure. L’aventure, c’est là où vous êtes ! Et donc moi, en tant qu’Ivoirien, je ne peux pas me dire qu’il faut que toutes les conditions soient réunies pour que je rentre.
Ces conditions, qui va les réunir à notre place ?
S’il faut que la Côte d’Ivoire soit développée avant qu’on
ne rentre, mais qui va la développer ? C’est à vous, à nous, à tous les expatriés de venir l’aider à se développer ! C’est un état d’esprit…
La réussite, on peut la manipuler. Certains hommes doivent prendre conscience de leur capacité à influencer les
évènements. Chaque fois que vous pensez
positif, vous avez de fortes chances
de changer le cours des choses en
votre faveur. C’est pareil quand
vous êtes négatif dans la tête, vous
êtes souvent confronté à des difficultés
que votre subconscient aide à créer.
Si vous travaillez, vous êtes sérieux, disciplinés,
vous y arrivez. Après, il faut être
un stratège… Ce ne sont pas les plus
intelligents qui réussissent forcément, ce
sont généralement les plus futés, les plus malins, les plus stratèges. Et ça,
il est important de le comprendre ! Pour moi, un retour au pays, c’est tout à
fait naturel et, dans mon cas, cela s’est fait sur un coup de tête, une prise
de conscience. Il est important que les gens comprennent qu’à un moment de la
vie, il y a des sacrifices à faire pour réussir.
Quand on fait les entretiens, on demande des CV parmi les
documents à fournir, parce que pour nous, c’est l’homme qui fait l’entreprise.
Même les ordinateurs sont manipulés par les hommes.
Vous l’avez dit. On
ne vient pas en aventure dans son pays… Mais il peut exister tout de même des
difficultés d’adaptation...
C’est justement parce qu’on fait des comparaisons qu’on
trouve des difficultés d’adaptation… Et
puis, s’il y a des difficultés que tu ne peux résoudre, alors il faut t’y
adapter !
Quand vous allez
vivre en France, vous vous adaptez au nouvel environnement, n’est-ce pas ?
Mais c’est C’est justement parce qu’on fait des
comparaisons qu’on trouve des difficultés d’adaptation… Et puis, s’il y a des
difficultés que tu ne peux résoudre, alors il faut t’y adapter ! Quand vous
allez vivre en France, vous vous adaptez au nouvel environnement, n’est-ce pas
? Mais c’est pareil quand vous revenez,
il faut vous adapter. On se crée souvent de faux problèmes. Mais si problème il
y a, il faut se battre pour que ça change. Je le répète, l’être humain a la
capacité de s’adapter et de faire changer les choses, pour qu’il soit épanoui,
parce que c’est ça aussi, être épanoui où on se trouve et dans ce qu’on fait.
Par exemple, quand tu es en face d’une situation d’indiscipline, il ne faut pas
chercher à t’y habituer mais plutôt cherche comment vivre avec pour pouvoir
mieux la rectifier. Je vis ici, mais je suis contre l’indiscipline, mais je ne
vais pas quitter la Côte d’Ivoire parce que les gens sont indisciplinés. Je
reste et je me demande comment faire pour que cela change. On inculque des
valeurs de discipline à tous nos travailleurs, on les exhorte à être
disciplinés, on vient à 08h00 au travail, à 08h00 tout le monde doit être là,
sinon on sanctionne. On n’utilise pas
son téléphone portable dans l’open-space ! Mais quand les gens ne sont pas
sanctionnés, c’est là que s’installent le désordre et l’indiscipline.
A quoi servent les règles s’il n’y a pas de sanction ? S’il
y avait des sanctions, on ne trouverait plus de policiers corrompus par
exemple.
J’insiste sur ce
point. Pensez-vous vraiment que les autorités politiques font tout ce qu’il
faut pour faciliter le retour et l’intégration des diplômés africains dans
leurs pays d’origine ?
Le rôle de l’Etat n’est pas d’aider les gens de façon
individuelle, mais de créer un cadre pour aider tous les Ivoiriens, pas un
cadre spécifiquement pour ceux qui viennent de l’étranger. Quand l’Etat vous
fait partir à l’étranger pour des études, il y a un plan de retour, mais quand
le choix de partir à l’étranger est personnel soit pour des études, soit pour
affaires, il ne faut pas demander à l’Etat de te créer un cadre pour ton retour
! Je trouve que c’est injuste par rapport à ceux qui sont sur place ici. Vous
rentrez dans votre pays, vous venez créer vos propres opportunités. Si la
décision de partir et de revenir est personnelle, alors c’est à vous de vous
donner les moyens pour réussir votre entreprise. L’Etat peut aider mais il ne
faut pas que ça devienne une obligation. Quand ce n’est pas dans sa stratégie
de gouvernement, il ne faut pas lui en vouloir. Il ne faut pas que ce soit une
exigence pour rentrer au pays. Malheureusement, beaucoup de personnes utilisent
cet argument comme prétexte pour ne pas rentrer et se donner ainsi bonne conscience.
Mais je le répète, ce n’est pas une obligation pour l’Etat de Côte d’Ivoire de
créer un cadre spécifique pour le retour de milliers d’expatriés. Le cadre
qu’il crée pour la création d’emplois, d’affaires et d’opportunités, c’est pour
tous les Ivoiriens, quel que soit leur lieu de résidence.
Connaissez-vous
d’autres compétences comme vous, qui ont fait leur come-back ?
Vous avez mon ami Serges Diop, PDG de ALC, Kadi Coulibaly,
DG de Hudson & Cie, Aboubakar Ouattara DG de Goodwill et plusieurs autres.
Les jeunes ivoiriens qui sont rentrés et qui s’en sortent super bien, il y en a
énormément, soit en tant qu’entrepreneur soit en tant que staff dans des
entreprises. Le rôle de l’Etat n’est pas d’aider. les gens de façon
individuelle, mais de créer un cadre pour aider tous les Ivoiriens, pas un
cadre spécifiquement pour ceux qui viennent de l’étranger. Quand l’Etat vous
fait partir à l’étranger pour des études, il y a un plan de retour (...) il ne
fautpas demander à l’Etat de te créer un cadre pour ton retour !
Quelle place
accordez-vous à la formation ?
Dans tout mon système, la formation et la pédagogie sont
essentielles et représentent en quelque sorte le secret de la réussite La
formation sous toutes ses formes, académique ou pratique, est la base d’une entreprise
prospère. Et c’est en cela que les ressources humaines sont très importantes.
Pour avoir étudié aux USA, dites-nous ce qui fait tant le
prestige et l’attrait des universités américaines et qui fait défaut à notre
système d’enseignement. Déjà, ce sont des universités pragmatiques et pratiques
; on inculque aux étudiants qu’ils peuvent aller à l’école et travailler en
même temps. L’apprentissage, les stages, le volontariat sont très importants
aux Etats-Unis. On vous met dans un état d’esprit tel qu’à votre sortie de
l’université, vous êtes directement opérationnel. Ce qui n’est pas le cas ici.
Même en France, c’est maintenant qu’ils ont commencé à adopter ce système.
L’autre chose qu’on inculque aux étudiants aux Etats-Unis, c’est par exemple : « Ne me dis pas que tu as un
diplôme en médecine, mais montre-moi que tu es médecin ! » Et cet état
d’esprit, il est très important. Si tu n’as pas de diplôme en mécanique et que
tu pratiques très bien la mécanique, alors tu es un mécanicien ; mais si tu as
un diplôme en mécanique et que tu ne pratiques pas bien la mécanique, alors tu
n’es pas un mécanicien ! Avec cet état d’esprit, vous êtes amenés à travailler
et à réussir. Et surtout, sachez qu’aux Etats-Unis, on n’aime pas les gens qui
échouent. Tout le monde est donc dans un esprit de vainqueur, de gagneur, de
conquérant. Là-bas, vous devez travailler pour réussir. Si vous ne travaillez
pas, vous n’aurez absolument rien. C’est différent du système francophone où on
forme les gens pour être des fonctionnaires…
Les perspectives pour
l’Afrique sont jugées bonnes par les institutions de développement, Banque
Mondiale, FMI, BAD et autres. Pourtant, le chômage ronge les sociétés
africaines et constitue un péril. L’entreprenariat semble la seule alternative.
Vous y croyez ?
Bien sûr ! Il faut toujours faire de la pédagogie, il faut
en parler ! Le patronat a créé la CGECI
Academy, des concours pour encourager les jeunes entrepreneurs… Ce n’est
certainement pas cela qui va résoudre le problème de l’entreprenariat jeune,
mais ça encourage forcément. Et plus on en parlera, plus les gens seront
motivés, y compris même ceux qui ne participent pas à ces concours. Ainsi, ils
comprendront qu’on peut réussir dans l’entreprenariat. Aujourd’hui, les jeunes
devraient savoir qu’ils sont allés à l’école pour apprendre et non parce qu’au
bout il y a un travail qui les attend ! C’est après avoir appris qu’ils doivent
se poser la question de savoir ce qui leur conviendrait le mieux. Plusieurs opportunités
s’offrent à eux après la formation : travailler ou entreprendre… On se rend
bien compte que l’Etat ne peut pas les insérer tous dans la fonction publique,
d’autant plus que sa capacité à créer des emplois est limitée. Imaginez que la
moitié des étudiants qui sortent des universités entreprennent et créent des
emplois. Ils réduiront non seulement le chômage mais également ils boosteront
la consommation qui, à son tour impactera la production ; tout cela motive
l’économie et c’est ainsi qu’on se développe. Dans tout mon système, la formation et la pédagogie sont essentielles
et représentent en quelque sorte le secret de la réussite. La formation sous
toutes ses formes, académique ou pratique, est la base d’une entreprise
prospère. Et c’est en cela que les ressources humaines sont très importantes.
L’aspect famille dans votre carrière… Pour moi, c’est le
socle de la réussite ! Pour être un homme équilibré, il faut avoir une famille,
votre bonheur à la maison va impacter votre bonheur à l’extérieur. Si vous êtes
malheureux à la maison, la probabilité de réussir dehors est très limitée. Les
gens qui réussissent ont derrière eux une famille plutôt solide.
Comment
réussissez-vous justement à lier performance professionnelle et équilibre
familial ?
Je voyage beaucoup c’est vrai, mais quand je rentre à
Abidjan, je suis à la maison. A 06h30, je suis au boulot et à 18h00, je rentre
passer du temps avec mes filles pendant deux heures puisqu’elles se couchent à
20h30. Les week-ends sont entièrement consacrés à ma famille. Je suis donc tout
le temps à la maison, je passe énormément de temps avec mes filles et mon
épouse.Pas de boîte de nuit ou de bar pour moi… Et donc mes enfants savent que,
quand je suis absent, c’est parce que je suis hors du pays. La consolidation
doit se faire à tous les niveaux. Passer du temps avec son épouse est également
primordial. Ainsi, on prend les vacances tous ensemble avec les enfants pour
une période de deux semaines et des vacances d’une semaine avec mon épouse et
moi uniquement. C’est très important, ces moments dans la consolidation des
rapports dans la famille. Et à mes
enfants, je leur inculque déjà l’esprit du travail. Quand je voyage, je leur
dis ce que je suis allé faire et pourquoi. C’est important que je le fasse. Je
leur dis par exemple que j’ai signé un contrat et par conséquent elles pourront
toujours aller à l’école Jacques Prévert, manger du jambon et passer des
vacances à l’étranger en France, en Espagne ou au Portugal… Je leur explique
que c’est le travail qui peut leur assurer tout cela. Ma femme a une ONG et on
implique les enfants dans certaines de ses activités. Une fois, alors que nous
étions allés distribuer des cadeaux dans un orphelinat, ma fille aînée qui
avait encore 4 ans, m’a demandé pourquoi ces enfants ont un seul cadeau. Je lui
ai fait comprendre que c’est parce qu’ils n’ont pas eu la chance d’avoir un
papa et une maman comme elle. Et comme elle avait la chance d’avoir beaucoup de cadeaux, elle avait le devoir moral de leur en donner…
C’est cela aussi leur inculquer la notion de partage. Mais
pour le faire, il faut passer du temps avec eux !
Un conseil pour
finir…
Les ressources humaines sont fondamentales dans la réussite
de toutes les organisations. C’est le volet le plus important car tout tourne
autour de cela. Que ce soit un pays ou une entreprise, il est important de
mettre l’accent sur la formation du personnel et des administrateurs. Cela
passe évidemment par un système éducatif très fort. Mais, au-delà, la formation
sur tout ce qui est pratique est naturellement nécessaire, et ça, c’est le
conseil que je donnerais à tous les chefs d’entreprise, à tous les
entrepreneurs, aux gouvernants. Mettre l’accent sur la formation permet d’avoir
une société équilibrée.