De
la Belgique à la Côte d’Ivoire, en passant par l’univers du chocolat et de l’investissement, Bart
Willems trace un parcours singulier, riche de contrastes et d’expériences.
Installé en Afrique de l’Ouest depuis 1999, il dirige aujourd’hui le
groupe OMOA, acteur majeur des paiements électroniques en Afrique, implanté
dans plus de dix pays. Entre déploiement et maintenance de guichets
automatiques et logiciels, personnalisation de cartes et digitalisation des
transactions, le groupe qu’il pilote façonne chaque jour l’avenir de la FinTech
sur le continent. Mais derrière cette success story, les défis restent nombreux
: pénurie de talents, formation continue, fidélisation des compétences… Avec
une stratégie audacieuse mêlant centres de compétences, alliances
internationales et politique RH centrée sur l’humain, Bart Willems relève le
défi. Dans cet entretien, il revient sur les coulisses d’un leadership
exigeant, exprime sa foi en l’innovation africaine, et affirme une conviction
forte : « L’Afrique doit croire en elle-même et en ses talents ». Une immersion
au cœur d’un projet entrepreneurial où ambition rime avec transformation
continentale.
Parlez-nous
de vos défis du recrutement et de la formation
Comme
beaucoup d’acteurs du secteur FinTech, OMOA est confronté à des défis majeurs
en matière de recrutement et de formation. Notre croissance rapide, conjuguée à
une réorganisation de certains services et départements, rend la recherche de
profils qualifiés plus complexe — notamment dans les fonctions support comme
les achats ou le pilotage de projets (PMO).
OMOA
intervient sur l’ensemble de la chaîne de valeur des paiements électroniques.
Nous sommes actifs dans la gestion et la maintenance des guichets automatiques
(GAB/DAB), la personnalisation des cartes ainsi que dans le traitement digital
des transactions à travers notre centre OPS au Togo. Le groupe est présent
dans une dizaine de pays d’Afrique, dont la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin,
le Burkina Faso, le Niger, ou encore le Cameroun, le Tchad, la Guinée
équatorial, la RCA, le Congo et la RDC avec un holding historiquement basé au
Luxembourg. Dans notre région aujourd’hui il y a un parc de près de 6,000
machines GAB/DAB, dont 60% sont de marque NCR, que nous représentons dans
la région. Plus de la moitié de ces équipements, soit environ 3,000 unités,
sont sous notre maintenance, ce qui fait de nous un acteur leader en Afrique
subsaharienne.
Notre
secteur est en constante évolution — tant au niveau régional que mondial — avec
des avancées rapides, notamment en intelligence artificielle. Cela exige des
profils variés : des techniciens en informatique, électronique ou
électromécanique pour la maintenance ; des ingénieurs spécialisés en génie
logiciel, développement ou informatique pour le traitement des données et la
gestion des cartes. L’un des obstacles majeurs reste le manque de filières
spécialisées dans nos domaines (GAB, DAB, traitement de transaction). Pour y
répondre, nous avons développé une stratégie proactive de recrutement à la
source, en partenariat avec des écoles et universités. Nous intégrons les
jeunes diplômés comme stagiaires ou cadets, et assurons leur formation en
interne. Nous savons que 30 à 50 % d’entre eux quitteront
l’entreprise dans un délai de 12 à 24 mois, mais nous assumons cette réalité :
c’est une forme de contribution au développement des compétences
africaines dans le secteur. Même lorsqu’ils nous quittent pour d’autres
entreprises, en Afrique ou à l’étranger (Canada, États-Unis…), ces
collaborateurs deviennent souvent des relais d’image et de compétence,
notamment lorsqu’ils rejoignent nos clients bancaires.
Enfin,
en tant que leader sur un marché hautement sensible — celui des paiements
physiques et digitaux — nous avons une obligation de fiabilité et de
sécurité. Cela nous pousse à investir massivement dans la formation
continue afin de garantir que nos équipes soient parmi les plus
compétentes et certifiées du secteur. C’est ainsi que nous consolidons notre
leadership tout en préparant l’avenir du métier en Afrique.
Face
aux défis liés à la formation et à la rétention des talents, y a-t-il des initiatives que vous
avez mis en place pour y faire face ?
Chez
OMOA, nous avons mis en œuvre plusieurs initiatives stratégiques pour faire
face à ces enjeux, tout en consolidant notre position de leader dans le
secteur. Nous investissons fortement dans la formation continue de
nos équipes à travers deux centres de compétences : l’un basé
à Abidjan pour l’Afrique de l’Ouest, l’autre à Douala pour
l’Afrique centrale. Ces centres jouent un rôle clé dans le développement des
savoir-faire techniques et des compétences managériales. Notre partenariat
avec NCR, dont nous sommes partenaire Platinum, nous engage à
respecter des standards internationaux élevés. Cela nous donne accès à des
formations de pointe, mais aussi à des exigences fortes en termes de
certification et de mise à niveau continue. Nos collaborateurs seniors
participent régulièrement à des sessions au centre de formation NCR de
Dubaï et, à leur retour, transmettent leur expertise à travers notre
programme interne OMOA Academia, en formant leurs collègues en Afrique
francophone.
En
parallèle, nous utilisons la plateforme en ligne NCR University, qui
permet à nos techniciens et ingénieurs de se certifier régulièrement.
Aujourd’hui, 100% de nos techniciens sont certifiés NCR, garantissant
ainsi un haut niveau de qualité et de fiabilité dans nos interventions. Notre
filiale de Lomé, spécialisée dans la personnalisation de cartes et le
traitement digital, est également certifiée PCI (Payment Card
Industry), une norme exigeante qui nous impose une mise à jour permanente de
nos compétences, notamment en cybersécurité.
Nous
avons aussi adopté une approche lucide face à la fuite des talents, une
réalité dans notre secteur. D’un côté, nous proposons des rémunérations
compétitives, souvent supérieures à celles des banques, et un environnement B2B
exigeant mais formateur. De l’autre, nous savons que certains jeunes
collaborateurs partiront après deux à trois ans — et nous l’assumons. Pour
nous, former des talents qui deviendront des ambassadeurs d’OMOA dans
d’autres structures ou chez nos clients fait partie de notre contribution
au développement du secteur en Afrique. D’ailleurs, il n’est pas rare que
ces anciens reviennent, enrichis de nouvelles expériences.
Un
autre enjeu auquel nous faisons face est la perception du marché,
notamment en matière de prix. En Afrique, les discussions commerciales
commencent souvent par une négociation tarifaire. Or, nous affirmons clairement
que la qualité a un prix. Comme je le dis souvent : « Une Mercedes
n’est pas une Dacia. » Nos tarifs reflètent non seulement la
robustesse de nos solutions, mais aussi les investissements que nous réalisons
en formation, sécurité et certification. Cette approche nous permet
de valoriser notre positionnement, de démontrer notre sérieux, et de
convaincre nos clients de miser sur des solutions fiables et durables. Dans un
environnement où les risques de fraude et de cyberattaques sont
croissants, notre rigueur et notre capacité d’anticipation sont des atouts
reconnus.
Enfin,
nous croyons fermement que l’Afrique dispose des talents nécessaires
pour répondre à ses propres besoins. C’est pourquoi nous œuvrons à bâtir
un écosystème local de compétences, en formant d’abord à des métiers de
base, puis en spécialisant nos collaborateurs à travers des parcours ciblés.
Cette stratégie nous permet de développer une expertise locale forte,
capable de s’adapter à l’évolution rapide des technologies et des attentes du
marché. Notre approche repose sur un équilibre entre excellence opérationnelle,
investissement humain et compétitivité, avec un objectif clair : former,
fidéliser, et faire rayonner les talents africains au service d’un secteur en
pleine transformation.
Au-delà
des salaires attrayants qui peuvent retenir vos talents, parlez-nous de votre
politique sociale…
Chez
OMOA, nous avons développé une politique sociale forte, fondée sur la proximité,
la confiance et l’engagement. Avec environ 200 collaborateurs, nous restons une
entreprise à taille humaine, où l’esprit familial et la cohésion
d’équipe sont au cœur de notre culture. Je considère personnellement OMOA
comme une grande famille.
Nous
faisons le choix de la flexibilité : les horaires de travail ne sont
pas rigides, car nous avons confiance en nos équipes. Nous recrutons non
seulement des profils qualifiés, mais aussi des femmes et des hommes qui
partagent nos valeurs : l'excellence, le service, la passion, le
respect, l'intégrité et le talent.
La
passion, justement, est un critère essentiel pour nous. Nous recherchons des
collaborateurs engagés, curieux, animés par le désir d’apprendre et de
progresser. Quand de jeunes diplômés rejoignent nos rangs, ils arrivent souvent
avec une énergie débordante et une ambition saine que j’encourage pleinement.
Cette passion est le moteur de l’excellence, une valeur centrale chez
OMOA.
Notre
secteur est hautement concurrentiel, que ce soit dans les domaines des GAB/DAB,
des cartes bancaires ou du processing. Pour rester à la pointe,
nous misons sur trois piliers : l’excellence technique, la passion du
métier et un service client irréprochable. C’est pourquoi nous
attendons de nos collaborateurs plus qu’une maîtrise technique. Nous
recherchons des profils avec une vraie sensibilité commerciale, capables
de comprendre les besoins des clients, de les anticiper et de s’adapter pour
dépasser leurs attentes. La satisfaction client n’est pas un objectif
parmi d’autres : c’est notre priorité absolue. Cette exigence suppose aussi
un haut niveau d’implication. Dans certains cas, cela signifie intervenir
rapidement, même en dehors des heures classiques, lorsqu’un incident survient.
Cette réactivité, ce sens du dépassement de soi, c’est ce qui fait la
différence entre OMOA et d’autres acteurs du marché.
Quelle
place occupent les thèmes de la diversité et de l’inclusion dans votre
stratégie de gestion des talents ?
La
diversité et l’inclusion sont des réalités vécues au quotidien chez OMOA.
Présents dans une dizaine de pays africains, nous bénéficions naturellement
d’une grande richesse en termes de profils, d’expériences, de cultures et de
nationalités. À titre d’exemple, dans notre centre de processing à Lomé (OPS),
bien que la majorité des collaborateurs soient togolais, nous comptons six ou
sept nationalités différentes.
Nous
adoptons une approche résolument ouverte : nous recrutons les compétences
là où elles se trouvent, sans barrière géographique ni culturelle. Bien
entendu, des différences culturelles peuvent parfois entraîner des malentendus,
mais ils sont toujours gérés avec intelligence et bienveillance. Cette
diversité est une force que nous valorisons pleinement. Cela dit, certains
métiers techniques — notamment les fonctions d’ingénierie impliquant des
interventions sur site à des horaires décalés — restent aujourd’hui moins
accessibles aux femmes, ce qui explique une certaine sous-représentation dans
ces domaines. En revanche, dans d’autres départements comme le processing ou
les fonctions support, la parité progresse, et nous travaillons activement
à la renforcer.
L’arrivée
de notre nouvel actionnaire, SPE Capital, a renforcé cette dynamique. Nous
avons mis en place des indicateurs précis pour suivre nos progrès en matière de
diversité et d’inclusion, notamment sur la représentation des femmes dans
l’ensemble de nos équipes. Nous ne pratiquons pas une discrimination positive
systématique : la compétence reste notre critère premier. Mais lorsque des
profils féminins qualifiés se présentent, nous les considérons comme une
richesse supplémentaire. Notre ambition est d’atteindre un équilibre réel
et durable, à tous les niveaux de l’entreprise.
Vous
êtes implanté en Afrique depuis un certain temps. Quelles solutions à long
terme envisagez-vous pour renforcer le vivier de talents dans le secteur des
fintechs ?
Il
me semble essentiel d’adopter une vision globale et systémique. Pour renforcer
durablement le vivier de talents dans le secteur des fintechs, il faut
considérer l’ensemble de l’écosystème, depuis les établissements de formation
jusqu’aux entreprises.
Aujourd’hui,
les écoles jouent un rôle important, et dans l’ensemble, elles délivrent un
travail de qualité. À Lomé, au sein de notre centre de traitement OPS,
nous avons noué des partenariats stratégiques avec des institutions
telles que l’Institut Africain de l’Informatique
(IAI) ou l’Université de Togo. Ces collaborations permettent de
rapprocher efficacement les mondes académique et professionnel. Nos deux
directrices, de OPS et notre DRH Groupe, rédigent chaque année un rapport
détaillé, qui met en lumière les points forts des formations, mais aussi les
axes d’amélioration, en lien avec les réalités terrain. Ce dialogue entre
écoles et entreprises est, à mon sens, essentiel. Il permet d’ajuster les
cursus aux besoins réels du marché, d’éviter les écarts entre les compétences
acquises et celles attendues, et de mieux préparer les jeunes à leur insertion
professionnelle.
Par
ailleurs, en Afrique, de nombreux jeunes font preuve d’une grande autonomie.
Ils s’orientent spontanément vers des formations en ligne ou
certifiantes proposées par des institutions externes, et nous les soutenons
dans cette démarche en investissant activement dans leur développement.
C’est aussi dans cette optique que nous encourageons nos équipes à se former
via des plateformes telles que NCR University, qui propose un accès
permanent à des contenus spécialisés dans nos métiers. Sur le long terme, je
suis confiant. Nous constatons déjà une nette amélioration du niveau général,
tant sur le plan technique que comportemental. Et c’est
fondamental, car notre secteur — la monétique, la gestion des flux financiers
et des données sensibles — repose avant tout
sur l’intégrité et la confiance. En 25 ans, nous n’avons
heureusement jamais connu d’incident majeur sur ce plan.
Pour
continuer à progresser, il est impératif de renforcer les passerelles
entre le monde académique et les entreprises. Ces synergies sont un levier
puissant pour structurer et faire émerger un véritable réservoir de
compétences locales, capable de répondre aux enjeux de l’innovation financière
en Afrique.
Quelles
sont les compétences techniques et comportementales les plus difficiles à
trouver sur le marché actuellement ?
Dans
notre secteur, une conviction forte guide notre approche : chaque
collaborateur, quel que soit son poste, est aussi un ambassadeur commercial.
Chacun contribue, directement ou indirectement, à la promotion et à la
satisfaction autour de nos produits et services. Cela représente parfois un
véritable défi, notamment pour les profils techniques comme les ingénieurs, qui
ont souvent une approche rigoureuse et méthodique, parfois moins orientée vers
la communication ou la flexibilité commerciale. Trouver l’équilibre entre
expertise technique et posture client est devenu une priorité.
Nos
ingénieurs terrain, en charge de la maintenance ou des interventions
préventives, sont très souvent les premiers interlocuteurs de nos clients. Leur
comportement, leur écoute et leur réactivité influencent directement la
perception globale de notre entreprise. Un retard ou un incident mal géré sur
le terrain peut impacter la relation commerciale, voire la
confiance. C’est pourquoi nous insistons sur une culture commune : la
satisfaction client est l’affaire de tous !
Autre
point sensible : la communication interne. Lors du lancement d’un nouveau
produit ou d’une évolution de notre offre, l’information circule rapidement
côté commercial, mais pas toujours de façon fluide vers les équipes techniques.
Or, ce sont souvent ces dernières qui sont en première ligne. Il est donc
essentiel qu’elles soient aussi bien informées et préparées que les équipes de
vente. Pour répondre à ces enjeux, nous avons mis en place plusieurs
initiatives à travers notre programme OMOA Academia. Nous y proposons des
modules de formation qui ne se limitent pas à la technique, mais intègrent
aussi des compétences transversales : gestion de projet, communication,
finance, logistique, ressources humaines… Par exemple, nous formons nos commerciaux
à la compréhension des coûts réels des ventes, pour leur permettre de mieux
gérer les marges et d’adopter une approche plus stratégique.
Nous
avons également structuré un PMO interne et développé une
véritable culture projet. Aujourd’hui, nous menons des centaines de
projets en parallèle, qu’ils soient techniques, opérationnels ou stratégiques.
Cette organisation permet à chacun de monter en compétences dans des
environnements complexes et transverses, en lien direct avec les objectifs
globaux du groupe.
Cybersécurité,
intelligence artificielle et gestion de projets : quelle place dans la
stratégie de développement d’OMOA ?
Ces
trois thématiques — intelligence artificielle, cybersécurité et gestion de
projets — sont désormais au cœur de notre réflexion stratégique chez
OMOA.
L’intelligence
artificielle commence à émerger en Afrique, et nous explorons activement
ses potentialités. Elle représente pour nous un double levier : d’une part,
pour améliorer nos processus internes (efficacité opérationnelle,
automatisation, prédiction des incidents) ; d’autre part, pour enrichir
notre offre client, en imaginant de nouveaux services à valeur ajoutée.
Nous nous posons les bonnes questions : comment exploiter la data dont nous
disposons ? Quels cas d’usage concrets développer ? Et comment faire évoluer
nos métiers en intégrant l’IA de manière responsable et durable ?
L’analyse
de données reste encore peu développée sur le continent. Pour illustrer, je
repense à mon expérience en Europe : après un achat ciblé en grande surface, je
recevais dès le lendemain des promotions personnalisées sur des produits
complémentaires. Ce type de logique prédictive est encore très rare en Afrique.
Pourtant, les banques et les acteurs de la fintech pourraient en tirer
un énorme potentiel, à condition de mieux connaître leurs clients et de
traiter intelligemment les données disponibles. À l’avenir, l’IA jouera sans
aucun doute un rôle clé dans la transformation du secteur.
Concernant
la cybersécurité, c’est un enjeu mondial, qui nous concerne
directement. Les menaces ne connaissent pas de frontières : elles peuvent venir
de n’importe où — du Pakistan, du Venezuela ou d’ailleurs. Chez OMOA, nous
avons fait le choix d’investir massivement dans la prévention, la formation et
la vigilance continue. Les cyberattaques évoluent chaque jour ; notre capacité
à les anticiper dépend d’une veille active, de solutions
technologiques adaptées et d’une culture de la sécurité partagée
par tous. Jusqu’à présent, nous avons été épargnés par des incidents majeurs,
mais nous restons en alerte permanente. La sécurité est un pilier
essentiel, non seulement pour nous, mais aussi pour nos clients — en
particulier dans un secteur comme le nôtre, lié aux flux financiers et aux
données sensibles.
Recrutement
et marque employeur : quels sont les défis et initiatives d’OMOA ?
Chez
OMOA, nous mettons un point d’honneur à offrir un environnement de
travail chaleureux, flexible et humain, ce qui est très apprécié par les
candidats et les collaborateurs. Nous cultivons une ambiance familiale et
ouverte, loin des cadres rigides et hiérarchiques. Cette flexibilité s’exprime
notamment par notre capacité à accompagner les réalités
personnelles de nos employés, en particulier les femmes. Si un enfant
tombe malade ou qu’une urgence survient, il est tout à fait possible de
s’absenter. En retour, nous attendons autonomie et sens des
responsabilités : tant que le travail est fait, la confiance est totale.
L’un
de nos défis reste toutefois la visibilité de la marque OMOA. En tant
qu’entreprise B2B, nous sommes moins connus du grand public que des groupes
bancaires comme Ecobank ou Société Générale. Cela peut influencer la perception
initiale des candidats. Néanmoins, nous avons mis en place une stratégie
de recrutement structurée, avec des objectifs clairs en matière d’attractivité,
de satisfaction et de rétention des talents, qu’il s’agisse de jeunes
diplômés, de profils expérimentés ou de stagiaires à potentiel.
Notre rémunération
est compétitive sur le marché. Toutefois, certains candidats font le choix
de partir à l’international — vers le Canada, l’Europe ou les États-Unis — où
les services sont souvent plus développés et les perspectives de carrière
perçues comme plus larges. Ces départs sont compréhensibles, souvent liés à des
projets familiaux ou des opportunités personnelles. Moi-même, j’ai quitté mon
pays d’origine pour explorer de nouveaux horizons, je respecte donc ces choix.
Malgré
tout, notre turnover reste contenu et maîtrisé. Pourquoi ? Parce que nous
offrons bien plus qu’un emploi : des formations de haut niveau, des
parcours d’évolution stimulants, et des partenariats solides avec des
acteurs de référence, comme NCR et Thales, 2 leaders mondiaux dans leurs
secteurs respectifs. En adoptant des standards internationaux exigeants,
notamment les certifications PCI en matière de sécurité, nous avons su
construire une réputation solide et un environnement de travail qui
valorise l’excellence. Nos collaborateurs savent qu’ils évoluent au sein d’une
entreprise respectée, exigeante, mais aussi porteuse de sens. Et c’est
cette excellence partagée qui crée l’engagement durable et la fidélité des
équipes.
Quelle
serait, selon vous, la mesure prioritaire pour renforcer la qualité du capital
humain chez OMOA dans les 2 à 3 années à venir ?
Selon
moi, la priorité pour les 2 à 3 années à venir est claire : mieux
structurer et formaliser les parcours de carrière au sein de l’entreprise. En
tant que Directeur Général, je considère que cette démarche est essentielle
pour renforcer l’engagement, la visibilité des perspectives d’évolution, et
donc la rétention des talents.
Nous
avons déjà entamé ce travail dans certaines directions, notamment techniques.
Par exemple, dans le cadre de notre activité GAB/DAB, nous avons mis en
place un système de classification interne allant de stagiaire à cadet,
jusqu’au niveau de senior expert, que l’on atteint généralement après 12
ans d’expérience. Ce système est structurant, mais il mérite d’être mieux
défini, clarifié et enrichi. Chaque niveau devrait être associé à des
compétences clairement identifiées, des prérequis
objectifs et des formations spécifiques permettant aux
collaborateurs de se projeter dans leur évolution. Aujourd’hui, cette logique
est encore partiellement appliquée, notamment dans les directions de
support, où les parcours sont moins lisibles que dans les équipes d’ingénierie
ou de terrain.
Nous
organisons déjà des évaluations semestrielles, qui permettent d’échanger
avec chaque collaborateur sur ses objectifs, ses aspirations et ses axes de
progression. Mais la traduction RH formalisée de ces échanges est
encore insuffisante. Il nous manque une véritable cartographie des
compétences et un accompagnement structuré par palier de progression. C’est
donc un chantier prioritaire que nous devons mener à bien — pour rendre plus
lisible l’évolution interne, mieux valoriser les talents, et fidéliser les
collaborateurs sur le long terme.
Seriez-vous
ouvert à un accompagnement externe (cabinet RH, experts sectoriels, etc.) pour
relever ces défis ?
Absolument.
Nous avons déjà collaboré avec des consultants externes qui nous ont
grandement aidés à structurer notre démarche. Leur intervention a été
particulièrement bénéfique, notamment pour clarifier et formaliser
notre vision, notre mission et nos valeurs. Des concepts essentiels, mais
qui doivent impérativement être traduits en actions concrètes et
en orientations stratégiques opérationnelles.
Nous
avons consacré près de deux ans à cet exercice de fond, avec pour
objectif d’aligner notre raison d’être avec le développement de nos
produits et services, mais aussi avec les compétences clés à
renforcer chez OMOA pour accompagner notre croissance.
Aujourd’hui,
nous sommes pleinement entrés dans une phase d’exécution. Cela ne signifie
pas que nous agissons seuls : nous continuons à faire appel à des experts
sectoriels sur certains volets spécifiques, et à des cabinets de
chasse pour identifier les profils rares ou stratégiques. Nous organisons
aussi des programmes de team building et d’accompagnement managérial
avec des partenaires spécialisés.
Grâce
à notre présence dans 12 pays et plus de 20 ans d’expérience,
nous avons pris du recul pour réviser notre approche globale, notamment via
l’initiative "Good to Great". Aujourd’hui, notre feuille de
route est claire, avec des objectifs mesurables à horizon 2029. Nous
restons donc ouverts à tout accompagnement externe susceptible d’enrichir notre
trajectoire et de renforcer notre capital humain.
Votre
mot de fin...
Je
crois profondément en l’Afrique. Mais pour que le continent réalise pleinement
son potentiel, il est essentiel que les Africains croient aussi en
eux-mêmes. Trop souvent, la première réponse à un défi est d’aller chercher
ailleurs. Pourtant, les solutions existent ici, portées par des
talents locaux et des entreprises engagées, comme OMOA. Nous devons
apprendre à miser sur la qualité, même si elle a un coût. Dans un secteur
aussi stratégique, sensible et réglementé que celui des paiements,
la sécurité ne peut jamais être compromise. Une faille peut coûter
très cher. Voilà pourquoi notre priorité doit être de construire des
solutions robustes, fiables et africaines.
Des
choses exceptionnelles se font déjà sur ce continent. Il est temps de leur
donner toute leur place. Merci.