
Conduire un particulier, un patron grand ou petit, n’a rien de commun avec le taxi ou n’importe qu’elle autre véhicule de transport. Koné Idrissa, chauffeur de taxi communal sur la ligne Zoo - Vallons, en sait quelque chose, lui qui renoue avec le taxi après avoir passé deux mois à conduire un cadre de l’administration publique.
«C’est un travail contraignant», reconnait-il tout de suite.
« Moi,
je devais monter le matin à 8 heures pour descendre parfois à 23heures.
A l’origine, je devais conduire mon patron. Finalement, je me suis
retrouvé au service de toute la famille :son épouse, ses enfants et même
la bonne. La femme de mon patron pouvait m’envoyer 5 fois dans la
journée.Pourtant, à la fin du mois, c’est le même salaire que je
percevais, c’est-à-dire 60.000Fcfa, sans plus», explique Koné Drissa.
L’autre
grande difficulté, selon lui, réside dans le fait qu’il faut forcement
attendre la fin du mois pour être payé« Ce n’est pas facile, surtout le
premier mois où tu commences à travailler. Tu dois manger, tu dois payer
le transport pour rejoindre le domicile de ton patron et rentrer le
soir chez toi par tes propres moyens. Car ce ne sont pas tous les
patrons qui autorisent le chauffeur, le soir, à la descente, à rentrer
chez lui avec le véhicule. Ce ne sont pas tous, non plus, qui assurent
le petit déjeuner à leur chauffeur, sous le prétexte que tu es payé à la
fin du mois. Or avec le taxi, tu as les petits ‘’gombos’’». Sanogo
Ladji, responsable Deux-Plateaux de l’Union des fédérations et syndicats
de conducteur de Cocody (UFESCO)indique que la liberté des chauffeurs
particuliers soumis aux desideratas de l’employeur est aliénée. « C’est
souvent la raison pour laquelle les gars préfèrent se débrouiller avec
un taxi, même si c’est en tant que contractuel. Ici, ils sont nombreux,
ceux qui étaient chez des particuliers et qui n’ont pas fait deux mois
là-bas. Ils sont vite revenus à la gare. En tant que chauffeur de
particulier, tu es propre mais tu n’as ni l’argent ni la liberté »,
relève-t-il.
Neveux et cousins à la rescousse
De
nombreux cadres moyens peinent à se trouver un chauffeur personnel.
Pour Sanogo Ladji, ce n’est pas faute de n'avoir pas essayé. Les
chauffeurs refusent souvent les conditions, parfois draconiennes, qui
leur sont proposées. « Les gens préfèrent faire appel à leurs neveux ou
leurs proches parents qui ne font rien». Ali Doumbia, chauffeur,
reconnait cet état de fait : « Mon oncle m’a fait venir du village et
m’a aidé à avoir mon permis. Au lieu de me laisser aller chercher du
travail ailleurs, il m’a pris comme son chauffeur. C’est en famille,
donc ça va », assure-t-il. Sékongo Lamine, patron d’une PME à Abobo,
indique que recourir aux parents est guidé par un besoin de confiance
et une volonté d’aider. «C’est mieux d’être entouré de personnes qu’on
connait plutôt que des gens qu’on ne maîtrise pas. C’est aussi une façon
de donner du travail à nos jeunes frères». Mais ni les liens parentaux
ni la proximité n’empêchent les abus et les récriminations. Stanislas K.
est un jeune Béninois. Il conduit depuis 2 ans, un homme d’affaires,
également guide religieux et naturothérapeute, ressortissant du même
pays que lui. Pourtant venir du même pays que son patron ne lui profite
pas, à l’entendre. « On me paye mon salaire en monnaie de singe. Et
quand le mois fini, tu n’as rien. C’est vrai que je mange à la maison,
je dors là, mais j’ai besoin d’économiser pour envoyer de l’argent à mes
parents au pays ».
Une activité encore mal organisée
«Quand
des personnalités veulent des chauffeurs, elles demandent autour
d’elles, à des connaissances. Parfois d’autres viennent vers nous, au
siège de notre syndicat. Alors, nous leur proposons des chauffeurs qui
ont au moins le permis B et qui sont déjà en activité. Par précaution,
nous exigeons du futur chauffeur qu’il fasse un essai au préalable.
C’est quand l’essai est concluant que son salaire est négocié», explique
Sanogo Ladji. De son côté, Moumouni Koné, chauffeur d’une famille de
Libanais, indique qu’il a dû déposer ses dossiers dans plusieurs
supermarchés, faute d’un lieu formel de recrutement de chauffeurs
particuliers. Selon lui, c’est de cette façon que procèdent de nombreux
jeunes qui veulent se faire recruter chez un particulier. Tous deux
reconnaissent que l’activité est très mal organisée. « Tout cela reste
informel et l’exigence de qualité n’est pas souvent garantie», reconnait
Sanogo Ladji. En définitive, ce sont des chauffeurs dont les conditions
de vie restent précaires face à des employeurs qui n’ont pas
entièrement satisfaction. Les griefs des patrons portent, quant à eux,
beaucoup plus sur le comportement que la qualité de la conduite. Sous
directeur d’une agence de communication aux II Plateaux, Kouakou Eric,
en garde un mauvais souvenir : « Un jour, il m’a déposé et est sorti
sans dire où il allait, de 10 heures jusqu’à 18heures. A la descente, je
l’ai cherché partout et il n’était nulle part. Je suis resté là, à
l’attendre, près du véhicule.Quand il est arrivé, il tenait à peine sur
ses deux jambes.J’ai décrié son attitude et il m’a fait un scandale. Je
suis rentré à la maison en taxi et le lendemain je l’ai viré».Madame
Koné Mariétou,pharmacienne au Plateau met également en doute la bonne
moralité des chauffeurs, en accusant le dernier qu’elle a engagé de
vendre son carburant, ou de ne jamais mettre la quantité requise.