Le mythe du chef est une réalité africaine, car dans certaines de nos contrés, tout commence par le chef et finit par le chef. Il est l’alpha et l’oméga, l’omniscient et l’omnipotent, celui qui a droit de vie et de mort et dont la parole ne peut être que pure vérité incontestée et incontestable. Dans cette configuration où le chef éclairé ou guide éclairé, c’est selon, sait tout, connait tout et prévoit tout, la contradiction devient un signe d’impolitesse punissable et intolérable. Puisque le guide éclairé pense déjà à la place des autres, ils ont tout intérêt à « mettre leurs cerveaux en congés » et à jouer les disciples sages et bien élevés. Conditionnés dans cet environnement aseptisé, où la soumission, voire l’assujettissement est la règle, nombre de nos collaborateurs, transposent leur vision traditionnelle du chef dans nos entreprises. Et deviennent par conséquent, eux aussi, « les sujets de sa majesté », dont parlait Cheick Anta Diop. Ils aiment écouter, écouter et encore écouter, puis absorber les idées ou décisions les plus indigestes et les plus farfelues, sans jamais oser lever le petit doigt pour donner une opinion contraire ou constructive, de peur d’être mal vus par le chef tout puissant. Ils sont prompts à acquiescer de la tête, même quand au fond d’eux-mêmes, ils ne seraient pas d’accord, ces sujets de sa majesté, vont plus loin, pour plaire au chef. L’oisiveté étant mère de tous les vices, ils deviennent les yeux et l’oreille du chef et se spécialisent dans la délation, le « mouchardage » et autres vilains comportements. L’objectif étant selon eux de devenir « les bons petits », d’un chef qui aiment bien les béni-oui-oui et les lèches-bottes, pour mieux se convaincre de sa puissance et de sa grandeur. Il est donc clair que si certains chefs parviennent à leurs fins et réussissent à construire des rapports de dominants à dominés avec leurs collaborateurs, ils y sont aidés en grande partie par cette race de collaborateurs qui n’ont de talent que lorsqu’ils sont des exécutants, voire des sujets ou esclaves. Ils ne prospèrent que parce que le système mis en place dans leurs structures respectives le leur permet. Le faisant, ils contribuent par conséquent au règne sans partage de ces « monarques des temps nouveaux », qui font la pluie et le beau temps dans nos entreprises. Les lois universelles de management resteront longtemps confrontées à cette équation africaine : comment amener les collaborateurs à Les collaborateurs, las de guerroyer pour s’exprimer, déposent les « armes »et se découvrent des talents d’immobilisme en attendant que les nuages se dissipent et que le temps fasse son effet. Ceux qui ne s’accommodent pas en silence, deviennent des experts dans le savonnage des planchers de leur hiérarchie. Préférant ruminer leurs opinions ou désaccords dans les couloirs ou les « chaumières ». Et pour plaire davantage au chef bien aimé, à défaut de lui proposer briser leurs chaînes (alors mêmes que certains s’y complaisent) et prendre leurs responsabilités dans la marche en avant de nos entreprises, qui ne peuvent se développer, que si toutes les idées sont exprimées et utilisées à bon escient ? La réponse viendra à la fois des hiérarchies, qui doivent « libérer » les collaborateurs et des collaborateurs eux des idées, ils lui proposent volontiers de lui servir de « porte-canne », de « porte-sac », voire de « porte-cellulaire ». N’ayant rien de constructif à proposer, ces collaborateurs, que dis-je, 5 mêmes, qui devraient se libérer et se mettre au travail, pour assumer leur part dans la vie et le progrès de nos entreprises.
Eugène Zadi, Ex-DGA CIE