Docteur Agathe Gnéplé Psychosociologue du travail et Ergonome

Comment l’ergonomie peut-elle contribuer à une meilleure gestion des ressources humaines pour la performance de l’entreprise ?

 

Ergonomie et ses objectifs


L’ergonomie est l’étude des conditions de travail pour les adapter à l’homme. En d’autrestermesl’ergonomieestunescience pluridisciplinaire (psychologie, sociologie, physiologie, medecine,  ingénierie…) quipermet  par  l’analyse  ergonomique du   travail  (AET),   de    diagnostiquer  les dysfonctionnements humains, organisationnelsettechniquesdessituations detravailpouvantimpacterlasanté,lebien- être et la sécurité des travailleurs donc leur productivité.

En   d’autres  termes, l’ergonomie    est    ladisciplinescientifiquequivisela compréhension des interactions entre les humains et les autres composantes d’un système, et l’application de méthodes, de théories et de données pour améliorer le bien-être des personnes et la performance globale des systèmes. 

Les définitions de l’ergonomie mettent en avant deux objectifs fondamentaux : - d'une part le confort et la santé des utilisateurs : il s'agit de prévenir les risques (accidents, maladies), de minimiser la fatigue (liée au métabolisme de l’organisme, à la sollicitation des muscles et des articulations, au traitement de l’information, à la vigilance), de créer les conditions d’un travail satisfaisant ; - d'autre part l'efficacité : l'efficacité pour l'organisation se mesure sous différentes dimensions (productivité, qualité, fiabilité). Cette efficacité est dépendante de l'efficacité humaine : en conséquence, l'ergonome vise à identifier les logiques des opérateurs et à concevoir des systèmes adaptés. L’ergonomie permet de considérer l’ensemble des facteurs des situations de travail mettant ainsi en évidence les difficultés relatives à la réalisation des missions (tâches) assignées aux salariés. Le souci de tout responsable RH devrait être de s’imposer une vision globale du cadre d’exécution des tâches, lui permettant une perspective à long terme sur les actions menées par les salariés lors de la réalisation des activités qui leur sont dévolues. 

L’ergonome dans l’entreprise 

L’ergonome intervient à tout moment de la vie de l’entreprise. Car on peut distinguer l’ergonomie de conception et l’ergonomie de correction des situations de travail. En amont des problèmes liés aux conditions de travail, l’ergonome intervient lors de la conception des moyens de travail en mettant à la disposition des concepteurs les informations issues de situations similaires, à implémenter ; en aval, il s’agit de contribuer à la correction des dysfonctionnements existants dans l’environnement de travail. Dans les deux cas, l’ergonome procède par des recommandations en s’appuyant sur des normes aux postes physiques et aux activités intellectuelles dites cognitives. Par exemple, la hauteur d’un bureau, d’une chaise ; la distance entre l’écran de l’ordinateur et les yeux pour traiter de l’éblouissement entre autres ; le port de tenues vestimentaires (blouses, casques, gants, chaussures antidérapantes, lunettes de protection ...) adaptées aux conditions d’ambiance physique telles que température extrême (trop froid ou trop chaud) au poste de travail, présence de lubrifiants ou produits corrosifs; type d’organisation du travail propice à une bonne compréhension et exécution des tâches, etc..., pour ne citer que ces exemples. Ainsi, selon les domaines très variés induits par des secteurs d’activités différents, trois types d’ergonomie sont désormais reconnus. Aussi, comme dans de nombreuses disciplines, le besoin a-t-il d’abord été physique avant d’être complété par une perspective plus conceptuelle et abstraite. Les ergonomes sont ainsi amenés à considérer plusieurs approches complémentaires : 

·      l’approche physique des situations de travail (analyses de poste pour adapter un travail physiquement difficile, répétitif, etc.), 

·       l’approche plus centrée sur l’organisation (études sur l’aménagement des horaires de travail, le stress au travail, la gestion des conflits, l’aménagement des organisations de travail, etc.), 

·       l’approche plus cognitive et sociale (utilisation de l’informatique et des nouvelles technologies, réseaux sociaux, etc.). 

Liens avec les gestionnaires des ressources humaines et l’intérêt pour leurs organisations 

Un premier intérêt est celui de permettre de recruter et de retenir « les meilleurs talents » pour la réussite de votre entreprise. Lorsque vous recrutez les personnes qu’il faut, il faut les mettre à la place qu’il faut si vous voulez en tirer le maximum de pro t réciproquement, et le plus longtemps possible. C’est un objectif qui nécessite un investissement à tous les niveaux humain, financier, organisationnel, technique. Une approche ergonomique de tous types d’activités, montre que l’expérience est un facteur de productivité car elle permet aux travailleurs de mettre en œuvre des stratégies d’appropriation de leurs conditions de travail a n de faire face aux multiples contraintes rencontrées dans l’exercice de leur travail et de se protéger ainsi des risques. Le « savoir-faire de prudence » dont il s’agit, relève de la compétence qu’a un individu à mobiliser dans son activité un ensemble de savoir dans le but de protéger sa santé et celle des autres. L’amélioration des conditions de travail devient une occasion pour retenir votre personnel, attirer les meilleurs candidats dans votre organisation et vous faire reconnaître comme un bon employeur, soucieux du bien-être, de la sécurité et de la santé de ses travailleurs. L’Ergonomie en analysant le cadre de vie et de travail va alors s’imposer comme pour « donner goût » au travail et permettre ainsi au travailleur de demeurer à son poste et donner le meilleur de lui avec le maximum de confort, de sécurité et de santé. Le recours à l’ergonomie devient un élément de motivation. 

Les enjeux de la prise en compte de l’ergonomie
 

Si dans la plupart des entreprises de plus de 50 agents, des politiques de santé et bien- être au travail sont mises en place dans un souci d’adapter l'environnement de travail, elles ne semblent pas encore suffisamment prises en compte. Il est bon de savoir que, l'ergonomie des équipements est au cœur des préoccupations des employés, après le stress et l'anxiété. En e et, nombreux sont ceux qui souffrent de maux associés à un poste de travail inadapté. Or, dans la quasi-totalité des entreprises, même celles appliquant des stratégies de bien-être au travail, les collaborateurs en sont encore à s’approprier les conditions de travail, les réorganiser à leur manière pour arriver à travailler avec le maximum de confort. Ces solutions trouvées par les travailleurs ne sont pas que physiques ; elles sont aussi et surtout intellectuelles et psychologiques. Une fois que les solutions physiques échouent, ils élaborent alors ces dernières a n d’arriver à atteindre les résultats escomptés, d’où l’accroissement de l’inconfort et l’insécurité auxquels ils doivent remédier par des mécanismes internes. 

Formation en ergonomie adaptée à chaque réalité 

Il serait judicieux pour un responsable ressources humaines d’avoir des rudiments en Ergonomie pour savoir tenir compte des conditions de vie et de travail à travers leur analyse pertinente et utilisable.Une des premières étapes de la formation des responsables ressources humaines (RRH) en ergonomie est l’analyse ergonomique du travail (AET). Posséder les rudiments en AET permet non seulement de « fidéliser » vos talents en essayant de les mettre dans de meilleures conditions possibles, mais aussi de faire gagner votre entreprise en performance globale issue de chaque e ort fourni par chacun des travailleurs. Pour une bonne gestion de l’environnement de travail par les RRH, il est nécessaire de prendre en compte des risques liés à un environnement de travail pathogène ; on compte entre autres pathologies liées à de mauvaises conditions de travail, les troubles musculo-squelettiques (TMS) : mal de dos, maux à la nuque à l'épaule aux bras et aux mains, maux de jambes, de genoux et de pieds ; pour ne citer que ceux-là. Ils représentent un grave problème de santé au travail et sont la première cause de maladie professionnelle, c'est donc un enjeu humain et économique considérable. Ils sont en outre à l'origine de déficits fonctionnels gênant l'activité professionnelle et pouvant entrainer une baisse de performance pour les organisations : perte de productivité et de qualité, désorganisation, efficacité et moral en berne, démotivation. Un poste mal adapté, ne répondant pas aux normes ergonomiques est souvent à l’origine de cette maladie professionnelle (TMS) qui représente à elle seule plusieurs centaines de jours d’arrêts de travail d’après les chiffres de la CNPS. 

Mesurer le retour sur investissement d’une intervention ergonomique

Il faut travailler sur le fait qu’un poste bien équipé est source de bien-être en plus pour le salarié, mais aussi un bénéfice économique pour l’entreprise. Etre bien équipé, un travail bien prescrit et bien organisé réduit les risques professionnels. L’analyse du travail industriel le démontre aisément.Il est possible à travers les statistiques détenues par la CNPS sur les accidents du travail, les maladies professionnelles notamment les troubles musculo- squelettiques, de mener une politique de prévention auprès des entreprises a n de réduire les coûts induits par des conditions de travail non optimales. 

Un retour sur investissement est possible après une intervention ergonomique, à condition d’intégrer une démarche globale de tout le système que représente l’entreprise. Démarche qui part de l’entrée du système (intrants, achats, prescriptions, objectifs...) à sa sortie (performance globale) en passant par les ressources humaines et la technologie. Les performances sont ainsi mesurées à chaque niveau à partir d’un écart entre ce qui est attendu pour une période et ce qui est obtenu à la fin de la période. 

Passer de la réaction à la prévention 

Les pays en voie de développement en général et la Côte d’Ivoire en particulier, accusent un retard certain dans ce domaine par rapport aux pays développés mais aussi face à une législation pourtant précise, mais trop souvent ignorée, qui encadre les situations de travail à risques et fixe des obligations aux employeurs en vue de garantir la sécurité et la santé des employés. D'année en année, les mentalités évoluent sur le sujet et les entreprises sont de plus en plus conscientes de l'importance de la qualité de vie au travail tant du point de vue du confort des travailleurs, et donc de leur motivation, que de celui de la performance économique. Cependant des progrès restent à faire. En e et, l'équipement en matériel ergonomique se fait encore trop souvent uniquement de façon réactive suite à la demande de collaborateurs déjà en situation de sou rance. Dirigeants et responsables RH doivent se convaincre de l'importance de la prévention et comprendre que le coût direct d'un investissement initial dans un poste de travail ergonomique revient à terme beaucoup moins cher à l'organisation que les conséquences d'un environnement de travail inadapté. Un bon siège n’est pas plus cher si on le compare au prix d’un mauvais siège auquel on ajoute le coût de l’absentéisme, des TMS, de la désorganisation d’un service... Il faut beaucoup expliquer et améliorer la connaissance des offres. 

Hélas, malgré une réelle prise de conscience de l'influence de l'entreprise sur la santé et le bien-être de ses salariés au travers de mauvaises conditions de travail, il subsiste encore un certain nombre de lacunes et de retards dans la mise en place de solutions adéquates, plus rentables. 

Ne dit-on pas que vaut mieux prévenir que guérir ... 

L’ergonomie, un nouveau pilier des entreprises pour veiller à la santé et au bien-être des salariés

L’ergonomie regroupe plusieurs disciplines (psychologie, sociologie, physiologie, médecine, ingénierie...). Elle joue un rôle de catalyseur en permettant d’attirer l’attention sur tout ce qui dans le cadre de vie et dans l’environnement de travail, peut entraver la bonne marche de l’entreprise en mettant un frein à l’épanouissement, la santé, la sécurité et la performance des travailleurs. La santé et la sécurité des travailleurs n’est pas et ne devrait pas être du seul ressort du médecin d’entreprise ou de l’hygiéniste. Tous les responsables de l’entreprise sont interpellés, surtout les RRH qui au quotidien devraient s’intéresser à ces questions car premiers responsables des travailleurs. En e et travail ne rime pas toujours avec santé, et il est bon de le savoir. Mais s’il est évident pour tous que certains métiers sont dits à risque et potentiellement dangereux (par exemple les usiniers, les pompiers, ...), travailler dans un bureau l'est aussi. En effet, le bureau comme tout autre lieu de travail comporte des risques pour la santé et la sécurité des employés : problèmes de vision, maux de tête à répétition, troubles musculo-squelettiques (TMS), fatigue récurrente... Et le travail sur écran augmente considérablement le danger dès lors que l'on y passe plus de quatre heures. Or, aujourd'hui un employé passe en moyenne 8 heures devant son écran entre le dispositif technique de son bureau et son smartphone. Ces risques sont encore trop souvent sous-estimés, voire ignorés, malgré une législation de plus en plus précise sur le sujet et une tendance en constante progression des entreprises à prendre en compte la santé, la sécurité et le bien- être de leurs employés comme élément stratégique. 

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