Gérer les ressources humaines, c’est gérer un ensemble de cultures et de croyances, Olivier Aboya Koffi DRH Plastica

Vous êtes DRH de Plastica, une entreprise au sein de laquelle diverses nationalités et cultures se côtoient. À ce titre, vous faites face au quotidien à une pluralité de culture dans votre approche managériale. Partagez-nous votre expérience en matière de gestion de ce genre de collaborateurs venus d’un peu partout.

C’est une expérience fort enrichissante et exaltante qui, loin de desservir l’entreprise, doit plutôt la servir. Pour ma part, je dirai que dans toutes les entreprises où j’ai eu l’honneur de servir, j’ai été confronté à cette diversité de cultures, comme c’est le cas à présent. La gestion d’un tel cas de figure donne l’image d’une situation de négociation, où chacun donne ou concède certaines choses et en même temps reçoit de l’autre.

La difficulté dans ce genre de management réside principalement dans les préjugés et autres valeurs ancrées en chacun des collaborateurs. Il peut s’agir de préjugés de domination, de soumission, de complexe d’infériorité ou même de complexe cognitive (telle race ou ethnie est plus intelligente). Pour réussir à tirer profit, sinon à faire performer l’entreprise, il faut arriver à casser ce genre de préjugés et faire de ce groupe hétérogène une véritable équipe, où chacune des individualités travaille pour l’ensemble.

En d’autres termes, il faut bâtir une véritable cohésion autour d’un idéal commun à savoir la vision de l’entreprise. C’est la réussite du groupe qui doit être mise en avant, car une entreprise ne se construit pas, ne performe pas, par la seule réussite d’un individu, d’un collaborateur.

C’est la réussite collective qui fait performer l’entreprise. Le commercial ne peut pas réaliser ses objectifs si la production ne lui donne pas les produits nécessaires et la production. Aussi, il ne pourra pas réussir si les achats n’offrent pas la matière première etc… ; Donc, Il faut arriver à fédérer cette hétérogénéité par l’acceptation et l’adaptation aux réalités nouvelles. En permettant la confrontation d’identités culturelles hétérogènes, la diversité devient, pour le collectif, source de créativité et d’innovation. «  Fédérer notre multiculturalité pour dégager de la profitabilité  », telle est la vision de Plastica.

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D’abord que doit-on comprendre (à travers cette vision) et ensuite, en comment la multiculturalité du personnel d’une entreprise peut lui être profitable ?

Pour répondre à cette question, il faut savoir que notre entreprise regorge, en son sein, plusieurs communautés notamment, les maghrébins, les indiens, les burkinabés, les maliens et naturellement les ivoiriens. Comme vous le voyez chaque communauté a sa culture, ses préjugés, ses croyances et ses prédispositions, qui la singularisent des autres. Il est clair qu’arriver à fédérer cet ensemble, la différence individuelle et la diversité qui en découle sont comme des opportunités d’apprentissage et d’enrichissement collectifs ; l’un et l’autre sont générateurs de performance pour l’entreprise. Donc, plus les identités culturelles des membres d’une équipe sont hétérogènes, plus il y a entre eux une altérité cognitive et informationnelle, mais aussi relationnelle avec l’accès à d’autres réseaux. Ainsi, donc l’acculturation nous permettra : - De mettre à disposition du collectif des informations non-redondantes ; - De mobiliser des référentiels culturels inhabituels, car portés par des personnes n’appartenant pas au groupe dominant ;  De donner au collectif accès à des expériences et compétences nouvelles ;  D’enrichir les processus d’analyse des problèmes et d’aborder de façon novatrice les enjeux à traiter ;  De considérer des alternatives qui bien avant, étaient non évidentes.

Comment se passe l’acculturation professionnelle  de certains de vos collaborateurs notamment, les non nationaux ?

D’abord, je pense que la question fondamentale qui se pose est de savoir quel sens recouvre ce vocable d’acculturation  ? Par définition, l'acculturation est le processus de modification de la culture d'un groupe ou d'une personne sous l'influence d'une autre culture. En sociologie ou psychologie, le terme "acculturation" désigne le processus d'adaptation d'un individu ou d'un groupe venant d'ailleurs, à une culture locale, entrainant l'abandon partielle ou totale des éléments de leur propre culture.

Pour beaucoup, il y a déjà la barrière de la langue qui concerne aussi bien la communauté indienne que libanaise. En organisant des équipes mixtes de travail, on favorise une interaction qui donne de bons résultats non seulement, au niveau des non nationaux mais aussi et surtout, des nationaux. Les non nationaux arrivent à s’exprimer en français et les nationaux en anglais.

Et il y a un apprentissage qui se fait naturellement avec la transmission des techniques et méthodes indiennes de résolution ou réparations mécaniques aux nationaux. Dans notre cas, nous avons des postes de responsabilité qui sont tenus par des ivoiriens avec des collaborateurs libanais ou indiens et vice versa. Donc, il y a une acceptation qui s’est faite et qui favorise une saine ambiance de travail.

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Croyez-vous que la culture puisse avoir une incidence sur les pratiques en GRH et dans le management des hommes ? Bien sûr que oui, sinon pourquoi parlerai ton de culture d’entreprise  ?

La culture a un impact très important dans la gestion des ressources humaines. Toute personne recrutée se doit d’entrer dans le moule de l’entreprise qui l’accueille. Cela se traduit par un temps d’intégration pendant lequel, il doit s’approprier la culture de cette entreprise, à travers la vision, les cores values, les pratiques, les rites et modes vestimentaires propres etc...

Dans les grandes entreprises, cette phase est si importante que les nouveaux employés bénéficient de l’assistance d’un coach qui les accompagne et subissent, à la fin de leur intégration, une évaluation, pour voir le niveau d’appropriation de la culture d’entreprise.

Tout employé qui ne s’approprie pas la culture de son entreprise ne peut pas réussir sa mission, car il serait comme un bateau sans gouvernail, ni ordinateur de bord en pleine mer. Tout cela, pour dire que c’est la culture d’entreprise qui fédère, qui mobilise, qui donne une identité propre à telle ou telle organisation. Pour moi, gérer les ressources humaines, c’est gérer un ensemble de cultures et de croyances apportées individuellement ou collectivement au sein d’une entreprise par les employés.

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Ce qui fait que nous avons forcément un impact. Je vais vous dire une anecdote que j’ai vécue personnellement au sein d’une entreprise. En tant que manager, j’avais promu une collaboratrice qui avait un bon profil et le potentiel au poste de chef de service au détriment d’un collaborateur originaire du nord du pays.

Ce dernier est venu me voir pour me présenter sa démission, parce que, dans sa culture, une femme ne peut pas être le supérieur hiérarchique d’un homme. Donc en faisant cette promotion, j’ai perdu un collaborateur qui était bien performant dans ce qu’il faisait, mais qui n’avait pas encore le coffre pour être chef de service. Ceci est un exemple concret de l’impact de la culture dans la gestion des ressources humaines.

Comment arrive-t-on à manager efficacement quand on est en face d’une diversité  culturelle qui comporte moult aspirations ?

Je pense que cette question rejoint un peu la première, mais, il faut d’abord pratiquer l’écoute active au niveau des collaborateurs, connaître les traits dominants de chacune des cultures en face et travailler sur les « Soft - skills » à savoir les compétences comportementales qui dénotent d’une importante capitale à ce niveau. Ensuite, il conviendrait de faire du coaching, de l’accompagnement et aussi asseoir des programmes de développement personnel.

En somme, il faut amener les collaborateurs à accueillir le changement, à surmonter leurs craintes et peurs, à adopter de nouveaux comportements ou outils, à gérer leur stress. En d’autres termes, amener les collaborateurs à adopter une position flexible dans leur manière d’être, de penser et d’interagir. Une chose est certaine, ça ne sera pas facile, car, les habitudes ont la peau dure, mais il faut s’y mettre et y parvenir, cela nécessitera certainement un certain temps.

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Avez-vous, dans l’exercice de votre fonction, rencontré des collaborateurs qui rencontrent des difficultés avec votre style de management à cause de sa culture ? Si oui, comment en tant que DRH, avez-vous géré cette situation ?

À cette question, je réponds par l’affirmative et je dirai même que c’est très fréquent. Car, il ne faut pas l’oublier, tout changement appelle de la résistance, de la peur de quitter nos différentes zones de confort ou bulles lesquelles nous nous enfermons.

Tout est question d’acceptation et d’adaptation aux réalités nouvelles. Il nous a fallu amener les collaborateurs à voir le verre plutôt à moitié plein qu’à moitié vide, en leur présentant l’intérêt qu’ils ont individuellement et collectivement à changer. Car, il faut le comprendre, on passe plus de temps en entreprise et on est appelé à travailler ensemble quelles que soient nos différences culturelles.

Cela nécessite certes un peu de patience (on ne se débarrasse pas en un jour de croyances culturelles ancrées en quelqu’un durant des années), mais aussi et surtout de la diplomatie. Dans les cas extrêmes, on n’a pas eu d’autres alternatives que de se séparer de ces personnes après avoir épuisé tous les moyens possibles. Car le but du jeu, n’est pas de conserver dans l’effectif des agents qui vont tirer la performance vers le bas, mais qui vont réaliser les objectifs globaux de l’entreprise.

Quel est le plus gros danger et pour l’entreprise et pour le collaborateur quand ce dernier a un problème d’acculturation ? Et quelle est la solution dans ce cas de figure ?

Le plus gros danger, je dirai, c'est l’hostilité au changement.

Il faut en tant que manager, arriver à montrer à ce collaborateur, ce qu’il gagne plus que ce qu’il perd à changer. Donc il faut pratiquer un dialogue constructif avec lui afin qu’il prenne conscience des répercussions de son comportement sur les résultats d’ensemble du commun.

Pour un collaborateur qui doit s’acculturer, comment pensez-vous que le processus (d’acculturation) puisse se faire pour qu’il soit performant  : «  acceptation  » avec des échanges entre les cultures ou «  adaptation  » des cultures entre elles ou «  dérobade  » avec un repli sur soi ou «  opposition  » avec des résistances et un mouvement de contre-acculturation ou encore «  coupure  » avec les maintiens simultanés des deux univers culturels, ou enfin «  destruction  » où une culture dominera l’autre pour finalement la faire disparaitre par absorption ?

En matière de gestion des ressources humaines, je pense qu’il faut faire un mix de la notion d’acceptation et celle d’adaptation. L’acceptation seule, ne saurait suffire car, elle peut être biaisée par la résignation c’est-à-dire (l’acceptation malgré soi). C’est pourquoi, je dirai qu’il faut y adjoindre l’adaptation, qui est un élément clé de la réussite en entreprise. N’est-ce pas ce que traduit si bien Charles DARWIN  quand il dit : «  les espèces qui survivent, ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s'adaptent le mieux aux changements.

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Votre mot de fin…

Pour mon mot de fin, je voudrais citer et partager cette maxime que j’aime bien tirée de Citadelle de Antoine de Saint-Exupéry, qui dit et je cite : « Si tu diffères de moi, loin de me léser, tu m’enrichis ». Merci au Président Ange TRA BI et à son équipe (RH MAG) pour cette lucarne qui m’a été faite.

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