19-10-2025
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International : Nestlé sacrifie 16 000 emplois, l’efficience au prix du capital humain

Le géant agroalimentaire Nestlé a déclenché une onde de choc mondiale ce jeudi 16 octobre : d’ici 2027, quelque 16 000 postes vont être supprimés, soit près de 6 % de ses effectifs globaux. Cette décision, portée par le nouveau PDG Philipp Navratil, s’inscrit dans une logique de « transformation accélérée » : Nestlé vise désormais 3 milliards de francs suisses d’économies contre 2,5 milliards initialement prévus.

Selon les annonces officielles, les suppressions de postes concernent 12 000 postes de bureau, touchant les fonctions support, les services administratifs, la finance, le marketing et la gestion. Et 4 000 emplois dans les usines, la logistique ou les chaînes d’approvisionnement, dans le cadre d’une montée en productivité.

La manœuvre, selon les analystes, s’explique par une pression accrue des marchés financiers sur les marges, dans un contexte de coûts des matières premières en hausse et de concurrence féroce. Malgré cet objectif drastique, Nestlé souligne que ses ventes organiques au troisième trimestre ont progressé de 4,3 % ; laissant planer un paradoxe entre performance et purge interne.

Derrière les annonces froides et les feuilles de calcul, ce sont des milliers d’individus qui se retrouvent au bord du précipice. Les fonctions « blanches » notamment les services administratifs, les fonctions supports, les sièges sociaux seront les premières sacrifiées. Pour beaucoup, cela signifie non seulement la perte d’un salaire, mais aussi celle d’un réseau professionnel, d’un statut social, d’un repère quotidien. Les employés concernés, souvent moins visibles que les ouvriers, risquent de subir un sentiment d’abandon. Les 4 000 suppressions industrielles touchent des personnels de production, logistique, maintenance. Ici, les conséquences sont moins abstraites : départs forcés, recentrage des activités, automatismes renforcés. Dans certains pays, cette annonce s’ajoute à des fermetures annoncées d’usines ou de lignes de produits. Quand une usine ferme ou qu’un centre administratif fond, ce n’est pas seulement l’employé qui perd : c’est toute une filière locale, commerces, services, familles, collectivités, qui subit la vague. Dans les régions où Nestlé compte d’importantes implantations, le choc socioéconomique pourrait être sévère, notamment dans les pays émergents où les filets de sécurité sociale sont faibles.

La décision de sacrifier une partie du capital humain pour rassurer les actionnaires n’est pas nouvelle, mais sa brutalité interroge avec les risques qu’elle pourrait engendrer. La motivation interne peut prendre un coup. Un tel plan peut briser l’engagement des employés restants, créer un climat de peur, une culture du moindre effort, ou inciter au départ des talents. L’image de marque employeur fragilisée. A l’ère des réseaux sociaux et de la transparence, Nestlé pourrait se voir reprocher un « coût humain » excessif, y compris auprès des consommateurs. Une qualité et une expertise perdues. Certains départs iront sans doute toucher des compétences rares, au détriment de l’innovation ou du savoir-faire local. Et enfin les tensions sociales qu’il faut craindre. Les pressions syndicales, les recours juridiques, les négociations locales difficiles sont à prévoir, surtout en Europe où les droits du travail sont forts. Pour la direction de Nestlé, c’est un pari : en échange de la confiance retrouvée des marchés, elle joue gros sur ses ressources humaines.

Nestlé se lance dans une transformation brutale avec ce nettoyage à grande échelle pour « accélérer » son modèle. Mais à quel prix humain ? Ceux qui restent devront supporter les stigmates d’un plan qui ne sera jamais anodin. À défaut d’une approche plus équilibrée, l’entreprise pourrait bien découvrir qu’après avoir licencié ses collaborateurs, on licencie aussi sa réputation.