Le géant agroalimentaire Nestlé a déclenché une onde de choc mondiale ce jeudi 16 octobre : d’ici 2027, quelque 16 000 postes vont être supprimés, soit près de 6 % de ses effectifs globaux. Cette décision, portée par le nouveau PDG Philipp Navratil, s’inscrit dans une logique de « transformation accélérée » : Nestlé vise désormais 3 milliards de francs suisses d’économies contre 2,5 milliards initialement prévus.
Selon les
annonces officielles, les suppressions de postes concernent 12 000 postes de bureau, touchant les
fonctions support, les services administratifs, la finance, le marketing et la
gestion. Et 4 000 emplois dans les
usines, la logistique ou les chaînes d’approvisionnement, dans le cadre
d’une montée en productivité.
La manœuvre,
selon les analystes, s’explique par une pression accrue des marchés financiers
sur les marges, dans un contexte de coûts des matières premières en hausse et
de concurrence féroce. Malgré cet objectif drastique, Nestlé souligne que ses
ventes organiques au troisième trimestre ont progressé de 4,3 % ; laissant
planer un paradoxe entre performance et purge interne.
Derrière les
annonces froides et les feuilles de calcul, ce sont des milliers d’individus qui
se retrouvent au bord du précipice. Les fonctions « blanches » notamment les
services administratifs, les fonctions supports, les sièges sociaux seront les
premières sacrifiées. Pour beaucoup, cela signifie non seulement la perte d’un
salaire, mais aussi celle d’un réseau professionnel, d’un statut social, d’un
repère quotidien. Les employés concernés, souvent moins visibles que les
ouvriers, risquent de subir un sentiment d’abandon. Les 4 000 suppressions
industrielles touchent des personnels de production, logistique, maintenance.
Ici, les conséquences sont moins abstraites : départs forcés, recentrage des
activités, automatismes renforcés. Dans certains pays, cette annonce s’ajoute à
des fermetures annoncées d’usines ou de lignes de produits. Quand une usine
ferme ou qu’un centre administratif fond, ce n’est pas seulement l’employé qui
perd : c’est toute une filière locale, commerces, services, familles,
collectivités, qui subit la vague. Dans les régions où Nestlé compte
d’importantes implantations, le choc socioéconomique pourrait être sévère,
notamment dans les pays émergents où les filets de sécurité sociale sont
faibles.
La décision de
sacrifier une partie du capital humain pour rassurer les actionnaires n’est pas
nouvelle, mais sa brutalité interroge avec les risques qu’elle pourrait
engendrer. La motivation interne peut
prendre un coup. Un tel plan peut briser l’engagement des employés
restants, créer un climat de peur, une culture du moindre effort, ou inciter au
départ des talents. L’image de marque
employeur fragilisée. A l’ère des réseaux sociaux et de la transparence,
Nestlé pourrait se voir reprocher un « coût humain » excessif, y compris auprès
des consommateurs. Une qualité et une expertise
perdues. Certains départs iront sans doute toucher des compétences
rares, au détriment de l’innovation ou du savoir-faire local. Et enfin les tensions sociales qu’il faut craindre. Les
pressions syndicales, les recours juridiques, les négociations locales
difficiles sont à prévoir, surtout en Europe où les droits du travail sont
forts. Pour la direction de Nestlé, c’est un pari : en échange de la confiance
retrouvée des marchés, elle joue gros sur ses ressources humaines.
Nestlé se
lance dans une transformation brutale avec ce nettoyage à grande échelle pour «
accélérer » son modèle. Mais à quel prix humain ? Ceux qui restent devront
supporter les stigmates d’un plan qui ne sera jamais anodin. À défaut d’une
approche plus équilibrée, l’entreprise pourrait bien découvrir qu’après avoir
licencié ses collaborateurs, on licencie aussi sa réputation.