En tant qu’investisseur institutionnel,
l’assureur collecte d’énormes fonds qu’il recycle dans l’économie à travers
notamment les marchés financiers. Il est un acteur incontournable du paysage financier
dans nos économies modernes.
Mais force est de constater que les assureurs africains
en général (hormis l’Afrique du sud) et les assureurs de la zone CIMA en
particulier sont très peu présents sur les marchés financiers. Pourtant, la
finance offre de véritables opportunités aux assureurs pour améliorer leur
rendement et ainsi contribuer à leur croissance.
Dans cet exposé nous tenterons de mettre en
évidence les raisons de cette frilosité mais aussi le potentiel que représentent
les instruments financiers à travers :
§
Le
diagnostic du marché financier actuel de la zone CIMA
§
L’analyse
des opportunités offertes par le marché financier
§
L’analyse
des activités financières des assureurs de la zone CIMA
Analyse diagnostic des marchés financiers de la zone CIMA[1]
Le marché financier de
la zone CIMA est constitué de deux zones économiques : l’UEMOA en
Afrique de l’ouest et la CEMAC en Afrique centrale.
Ces deux zones
économiques ont deux bourses de valeur :
·
La
bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) qui a son siège à Abidjan est la
bourse commune aux pays de la zone UEMOA ;
·
La
bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC) située à Libreville
est la bourse régionale des pays de l’Afrique centrale : pour rappel, la
BVMAC a absorbé en juillet 2019 la Douala Stock Exchange (DSX) qui était la
bourse du Cameroun.
Présentation de la BRVM
La BRVM est la seule
bourse de la zone CIMA qui fonctionnement correctement. Elle est relativement
dynamique et est composée à ce jour de :
·
46
sociétés cotées
·
30
sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI)
·
110
obligations
·
9
indices boursiers
·
Deux
agences de notations africaines
La capitalisation
boursière des actions atteint les 4 212 milliards de francs CFA en mars
2021.
L’organisation institutionnelle
du marché financier de l’UEMOA est la suivante :
Présentation de la BVMAC
La bourse des valeurs
mobilières d’Afrique centrale a été créée en juin 2003 mais n’a été réellement
opérationnelle qu’après la fusion avec la DSX en juillet 2019. Elle compte à ce
jour :
·
4
sociétés cotées
·
11
sociétés de bourse (intermédiaires du marché financier)
·
11
obligations
En mars 2021 la
capitalisation boursière des actions atteint 30,68 milliards de F CFA.
L’organisation institutionnelle du marché financier de la CEMAC est la suivante :
Opportunités offertes par les marchés financiers locaux
En regard du caractère
embryonnaire de la BVMAC le reste de l’exposé se concentrera uniquement sur la
zone économique de l’Afrique de l’ouest (UEMOA).
Qui dit investir à la
BRVM dit investir dans la zone UEMOA, par conséquent une bonne analyse des
opportunités qu’offre la BRVM ne peut se faire sans une analyse sommaire de
l’espace économique et monétaire commune.
L’analyse SWOT de la
BRVM se résume comme suit :
Forces |
Faiblesses |
Espace économique de libre-échange avec une monnaie commune Économie en croissance malgré les crises des 10 dernières années. Population estimée à plus de 120 millions d'habitants en 2016 La bourse régionale des valeurs |
Absence de
souveraineté monétaire Manque de profondeur
du marché financier Faible liquidité du
marché Faible nombre de
sociétés Faible taux d’épargne
de la zone Difficulté d’accès
des PME au marché financier |
Opportunités |
Menaces |
Développement des télécommunications Développement des infrastructures publiques Une population jeune et dynamique Secteur agricole diversifié Secteur minier en plein essor Présence de plusieurs champs pétroliers Développement des énergies renouvelables, Développement du secteur bancaire Développement du secteur des assurances intégration des marchés boursiers de la zone CEDEAO (BRVM, GHANA,
NIGERIA) |
Conflits politiques
récurrents Menaces terroristes
au sahel Tension sociale dans
certains pays de l'espace économique |
S’échange sur la place
boursière de l’UEMOA les produits suivants :
·
Obligations
·
Actions
·
OPCVM
L’assureur en tant qu’acteur du marché financier
Une assurance est un
service qui fournit une prestation lors de la survenance d'un événement
incertain et aléatoire souvent appelé "risque".
Le métier se
caractérise par l’inversion de son cycle de production, en d’autres termes
l’assureur donne sa garantie sans en connaitre le coût de revient. D’où la
nécessité de constituer des réserves pour faire face au risque qui va se
développer dans le temps.
Dans la zone CIMA
l’évaluation desdites réserves ou provisions techniques (PT) fait l’objet de l’article
334 et suivant du code des assurances.
Une fois les PT
évaluées, elles doivent faire l’objet de représentation à l’actif du bilan de
l’assureur ; c’est la notion de couverture des engagements règlementés.
C’est le premier pilier de solvabilité CIMA.
Les actifs admis en
couverture des engagements règlementés sont normés dans leur nature et leur
volume par l’article 331 et suivants du code des assurances.
Ces règles sont
résumées dans le tableau ci-dessous :
Actifs |
Min |
Max |
Obligations
et autres valeurs d'État & des institutions sous régionale |
15% |
50% |
Autres
obligations |
0% |
40% |
Actions
cotées |
0% |
40% |
Actions
non cotées |
0% |
40% |
Immobilier |
0% |
40% |
Prêts
garantis |
0% |
20% |
Prêts
hypothécaires |
0% |
10% |
Liquidité
|
10% |
40% |
C’est ainsi que
l’assureur est qualifié d’investisseur institutionnel, car il collecte des
ressources et les réinjecte dans l’économie au moyen des supports ci-dessus
énumérés.
Les performances des assureurs CIMA – 2016
En 2016 les placements des sociétés vie et non vie de la zone CIMA se sont élevés à 1 980,3 milliards de francs CFA, répartis entre les différents supports de placement conformément au tableau ci-dessous.
La liquidité occupe la première place dans la stratégie d’allocation des assureurs CIMA avec 35% du total des placements. Elle est suivie des obligations qui occupent la deuxième place avec 23%. Les actions et l’immobilier occupent la 3ème et 4ème place avec respectivement 18 et 16 % du total des placements en 2016.
Les placements ont rapporté 69,9 milliards de F CFA au assureurs CIMA en 2016, soit un taux de rentabilité net de 3,53%.
En 2016 le volume total
des primes émises s’élève à 1 047 milliards de F CFA pour un résultat
d’exploitation de 68,2 milliards.
Dans la même année les
placements des assureurs représentent 189% des primes émises pour des produits
financiers de 69,9 milliards.
Il est évident qu’en
2016 les assureurs de la zone CIMA ont tiré l’essentiel de leur résultat des
placements financiers.
Vu la relation qui
existe entre les primes émises et les placements et entre les produits
financiers et le résultat d’exploitation, envisager le métier de l’assurance
sous le seul prisme de la gestion des risques est une grave erreur.
Les données ci-dessus
démontrent à souhait que l’assureur à deux cœurs de métier à savoir la
gestion des risques et la gestion des actifs.
Il est donc plus que
temps que les assureurs de la zone l’intègrent en se dotant de véritable Directions
Financières capables d’optimiser et de rationaliser le portefeuille d’actifs
sous gestion.
Comparaison de la structure des placements des assureurs CIMA à celle des
pays de l’OCDE
Une analyse comparée de la structure des placements des pays membres de la CIMA à celle des pays membres de l’OCDE montre clairement que les assureurs de la CIMA privilégient de loin la liquidité (peu rentable) au détriment des obligations.
Les contraintes de la ZONE CIMA
§
Une
fiscalité disparate ;
§
La
faible profondeur du marché financier ;
§ Le manque de culture financière ;
Le développement économique et social de notre sous-région passera nécessairement par la mobilisation des capitaux indispensables au financement des travaux d’infrastructures pour le bien-être des populations.
L’assurance étant l’outil par excellence pour capter l’épargne locale, le présent exposé avait pour but de démontrer l’importance de la finance dans le secteur des assureurs ou vice versa l’importance de l’assurance pour le secteur de la finance.
J’ose espérer qu’à
travers ce modeste travail, nous assureurs sortirons des sentiers battus en se
dotant d’outils performants pour renforcer davantage la synergie entre
la finance et l’assurance.
[1] Les données sur la BRV ont été collectées
sur le site internet de la BRVM (www.brvm.org)
[2] Statistiques de l'OCDE sur les assurances 2017