La survie de notre collaboration avec les futurs employés, les jeunes employés dépend de notre adaptation, de notre intégration de cette partie digitale à la fonction RH.

Directeur régional des Ressources Humaines (Togo, Bénin, Burkina Faso)- Heidelberg Materials, Samuel Amouzou est un fin connaisseur des réalités RH de la sous-région ouest africaine mais particulièrement celle du Togo. Dans cet entretien, il dresse un état des lieux de ces réalités.

 

Quel est l’état des lieux de la fonction RH aujourd’hui ici au Togo ?


Je dirais que la fonction RH au Togo se porte bien, parce qu’elle a suivi l’évolution de la fonction RH mondialement. Comme vous le savez, depuis les années 90, la fonction RH était réduite à ce que nous appelons la gestion administrative du personnel. La situation était également similaire au Togo. Mais, à partir des années 2000, nous avons eu un changement de paradigme pour pouvoir s’adapter à l’évolution mondiale.

Donc, nous sommes dans cette nouvelle logique ici au Togo où la plupart des entreprises sont véritablement axées sur la gestion des RH. En outre, nous avons bénéficié de l’héritage de nos aînés qui nous ont précédés dans la fonction, qui, de façon sérieuse et disciplinée, ont su poser les fondamentaux de la fonction sur lesquels nous nous appuyons pour exercer le métier. Aujourd’hui, dans l’ensemble, nous avons des professionnels RH extrêmement qualifiés au Togo. Je me permets souvent même de dire que si un bon professionnel RH du Togo est appelé à travailler en Amérique, en Europe ou en Asie dans le domaine des RH, tout ce dont il aura besoin sera l’adaptation ou la maîtrise de l’environnement juridique lié aux RH qui est particulier à chaque pays.

A part cela, il a le bagage nécessaire pour pouvoir s’en sortir.

 

Est-ce à dire que la fonction RH se porte bien ?

En effet, la fonction RH est au top de sa forme. Le pays dispose des compétences et de l’expérience requises pour exercer dans le métier. Cet état positif de la fonction RH au Togo est dû en partie à une forte communauté RH que nous avons su constituer au fil des années grâce à l’Association Togolaise des Ressources Humaines (ATRH) qui a pu regrouper les professionnels RH afin de partager leurs expériences, et par ailleurs identifier les pistes d’amélioration de la fonction au Togo. Donc globalement, la fonction RH se porte bien. Mais, nous avons deux défis à relever au-delà de ce que j’ai décrit.

 

Quels sont ces défis ?

Le premier, c’est un défi de spécialisation dans des disciplines RH que nous devons relever. Nous avons essentiellement des RH généralistes. Nous devons travailler à avoir des spécialistes dans le domaine. Par exemple, nous devons travailler à avoir des spécialistes/experts en compensation and benefits, en talent management ou en ingénierie de la formation. Pour l’heure, nous avons uniquement des généralistes qui savent et qui font ce qu’ils ont à faire mais je pense que nous pouvons encore rechercher et atteindre une bonne marge d’amélioration en termes de spécialisation.

Le second défi sur l’état de la fonction RH au Togo est la prise de conscience des PME et des TPE quant à la valeur ajoutée de la fonction RH dans la croissance de ces organisations. Je pense qu’aujourd’hui, la fonction est plus développée dans les grandes entreprises, les multinationales et dans les groupes. Mais dans les TPE, les PME ou encore les PMI, la fonction RH est encore à ses balbutiements ou à l’état un peu embryonnaire. Je pense que quand nous aurons relevé ces défis-là, nous serons à l’étape de la maturité décisive et pourrons parler d’apogée de la fonction RH au Togo.

 

Quelle est votre perception personnelle sur les pratiques RH au sein des organisations ?


Je scinderais cette évaluation à deux niveaux. Quand nous prenons premièrement les multinationales implantées au Togo, la fonction RH a atteint un niveau de maturité remarquable avec certainement des pistes d’amélioration.

La deuxième évaluation portera sur les TPE et les PME. Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de croissance sans l’humain. La qualité d’une organisation dépend de la qualité des hommes et des femmes qui y travaillent ; et donc de la qualité de la gestion des RH au sein de cette organisation. Mais pour moi, le constat est que les petites entreprises ne comprennent pas encore qu’une gestion qualitative des RH est le facteur de leur croissance. Dans la plupart de ces petites sociétés ou startups qui sont appelées à grandir, il est souvent difficile d’y retrouver un service RH pour ne pas parler d’une Direction RH qui puisse les aider à franchir les caps. Si au fil des années, une TPE ou une PME accumule des erreurs au niveau légal, social et fiscal, c’est certain qu’elle va péricliter parce que les erreurs du passé la rattraperont certainement.

Notre responsabilité en tant que professionnels RH est de leur apporter l’information et je pense que les Rencontres pays RH Mag qui se tiendront en décembre sont une plateforme idéale pour pouvoir les inviter et les sensibiliser sur la valeur ajoutée de la fonction RH dans la croissance de leurs organisations.

Nombre de chefs d’entreprise ne comprennent pas véritablement l’importance de la fonction pour la croissance des leurs organisations.

 

Pensez-vous que les professionnels RH doivent sensibiliser leur hiérarchie respective sur le changement de perception vis-à-vis de la fonction ou ce sont uniquement par les résultats de vos actions de terrain que les choses changeront ?


Je pense que le changement de perception ne se décrète pas, mais elle se mérite. Si elle se décrète, elle va s’étioler et s’éteindre à nouveau, au fil des années, si notre performance en tant que GRH n’est pas au niveau qualitatif escompté. Ce n’est que sur la base des résultats concrets que nous pourrons faire asseoir la fonction RH au banquet des directeurs traditionnellement honorés dans les Comités de direction. Donc, je ne crois pas qu’un plaidoyer soit nécessaire ; je pense qu’il faut plutôt inciter à un développement des compétences des RH, un changement complet de paradigme en intégrant l’approche HRBP dans notre fonction.

 

Quelle est la place du digital dans la transformation de cette fonction ici ?

Je dirais deux choses sur la question du digital. La première, c’est que nous avons en tant que GRH, un processus métier extrêmement chronophage. C’est bien la gestion administrative. Certains ont tendance à croire que la gestion administrative est un petit processus de la fonction RH, loin de là ! La gestion administrative garde ses lettres de noblesse parmi les processus métiers de la fonction RH. Toutefois, vu son caractère chronophage, l’avantage pour nous de digitaliser ce processus en particulier est que cela nous donne suffisamment de temps pour être un HRBP. Il est important pour nous de digitaliser cet aspect particulier de la fonction RH, afin de pouvoir nous concentrer sur les processus métiers à plus forte valeur ajoutée pour le business.

La seconde chose, c’est que le RH, aujourd’hui, a vocation à utiliser les réseaux sociaux dans un certain nombre de processus RH. Par exemple, si je veux recruter aujourd’hui, mon premier réflexe sera de savoir si je peux trouver le candidat sur LinkedIn ou si je peux utiliser les réseaux sociaux à cette fin. Donc, je pense que pour plus d’efficacité dans cette fonction à l’ère du digital, le RH est également appelé à utiliser les réseaux sociaux, ce qui ajoute un aspect digital à notre fonction. A plus forte raison, si vous ne voulez pas vous adapter au digital, vous ne pourrez pas recruter la génération Y et même la Z qui arrivent. La survie de notre collaboration avec les futurs employés, les jeunes employés dépend de notre adaptation, de notre intégration de cette partie digitale à la fonction RH.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la fonction RH ?

De très beaux jours sont réservés à la fonction RH dans notre pays. L’avenir augure suffisamment de bonnes choses pour nous permettre d’y croire et j’y crois fortement. C’est vrai qu’il y a certaines menaces liées à la fonction RH dont la digitalisation mais cette fonction est tellement dense avec des processus métiers si extrêmement complexes qu’il sera compliqué de complètement la remplacer par quelque système/logiciel quel qu’il soit.

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