« Le REP dispose d’une ressource humaine de qualité qui n’attend que d’être mise en mission » Dr. Richmond Tche / Pharmacien & Président du Réseau pour l’excellence pharmaceutique (REP)

Dr Richmond Tche est diplômé d’un doctorat d’Etat en Pharmacie qui fait de lui, un pharmacien de facto. Il a été membre et président trois (3) années durant de l’Association des étudiants en pharmacie de Côte d’Ivoire (ADEPHARM). Cette dernière a fait partie intégrante de la Fédération Internationale des Etudiants en Pharmacie (IPSF) sous sa présidence, Vice-président honoraire de la Fédération des étudiants en pharmacie d’Afrique de l’Ouest (FESPAO), membre actif de la Fédération Pharmaceutique Internationale (FIP), il est depuis octobre 2016, le Président du Réseau pour l’excellence pharmaceutique (REP). Sa passion pour la promotion des sciences pharmaceutiques et des métiers de la pharmacie, il nous en parle à travers cet entretien...

Pour le profane, qu’est-ce que le pharmacien, en termes très simples ?

Pour répondre à votre question, je dirais que dans le secteur de la santé, il y a plusieurs groupes de métiers parmi lesquels ceux qui ont en charge la fabrication, la détention et la délivrance des médicaments, c’est donc ce groupe de métiers qui constitue la profession pharmaceutique et dont les membres sont  appelés Pharmaciens. La Pharmacie elle- même étant la science du médicament. On peut donc dire que le Pharmacien est le spécialiste du médicament par excellence

Comment devient-on pharmacien ?

Selon les pays on note des différences, mais en Côte d’Ivoire tout comme en France et dans la plupart des pays francophones, on devient Pharmacien après avoir obtenu le diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie. Les pharmaciens sont formés par l’UFR des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques (UFR SBP) de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan. Après le Bac scientifique (D ou C) les nouveaux bacheliers peuvent se faire orienter en première année de pharmacie et rejoindre ainsi l’Ecole préparatoire des sciences de la santé (EPSS) pour un tronc commun regroupant des étudiants inscrits en médecine, en pharmacie et en odontostomatologie. Au bout d’une année académique, les admis à l’examen concours de fin d’année sont autorisés à s’inscrire en 2ème année. Ainsi, chaque année l’UFR SPB accueille 50 à 100 étudiants ayant réussi l’examen concours du tronc commun afin de poursuivre leurs études de pharmacie pendant 6 années.

Pourquoi vous vous êtes dirigé vers la pharmacie ?

Vous l’avez peut-être déjà remarqué, dans notre pays plusieurs pharmaciens occupent des postes de responsabilité politique importants. Ils sont pour la plupart des acteurs clés du développement local et dont le parcours suscite admiration et respect.
Mon enfance a été marquée par des illustres personnalités de la profession pharmaceutique ivoirienne dont, feu le Docteur Auguste George Denise, qui fut vice-président de l’assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il fut également le premier pharmacien à s’installer dans le Bas-Sassandra précisément dans la ville de San Pedro où j’ai fait mes classes primaires. Le leadership et l’influence de ce pharmacien respecté s’étendaient sur toute la région, et ceci avait fait naître en moi le rêve de devenir pharmacien. Plus tard au lycée, déjà passionné de chimie, je me suis révélé être un très bon élève en sciences de la vie et de la terre. Ces 2 aptitudes, en plus de mon rêve d’enfance, m’ont conduit tout naturellement vers les études de pharmacie.

Quel regard de professionnel portez- vous aujourd’hui aux sciences pharmaceutiques et aux métiers de la pharmacie ?

Si vous faites un benchmarking, vous vous rendrez compte que la profession pharmaceutique de Côte d’Ivoire est l’une des mieux organisées en Afrique. C’est pourquoi je voudrais avant tout rendre un important hommage aux pionniers. Sans oublier les différents responsables des organisations professionnelles de pharmaciens qui se sont succédées depuis l’Indépendance jusqu’à ce jour.
Cependant, beaucoup reste à faire pour le développement de l’activité pharmaceutique. En dehors de la distribution et de la pharmacie officinale, les autres métiers sont encore trop peu pratiqués voir quasi inexistant. Il faut sortir des officines et se lancer dans la production de médicaments. Par ailleurs, l’avènement de la CMU doit être mise à profit pour accélérer ce processus de développement de l’industrie pharmaceutique locale. Celle- ci ne représente aujourd’hui que 6% de notre consommation de médicaments. Pour accompagner ce processus, l’UFR de Pharmacie devrait s’adapter aux besoins de la profession en proposant des formations additionnelles pour les  métiers de l’industrie pharmaceutique. Ceci permettra de constituer une ressource humaine locale qualifiée en nombre suffisant pour relever le défi de l’autosuffisance en médicaments. Quant à l’officine, elle doit faire sa mue et intégrer à son fonctionnement la e-Pharmacie.

Vous avez été membre et président trois (3) années durant de l’Association des étudiants en pharmacie de Côte d’Ivoire (ADEPHARM) qui a fait partie intégrante de la Fédération Internationale des Etudiants en Pharmacie (IPSF) sous votre présidence ; Vice-président honoraire de la Fédération des étudiants en pharmacie d’Afrique de l’Ouest (FESPAO). Vous êtes jusqu’à présent, membre actif de la Fédération Pharmaceutique Internationale (FIP).
Que recherchez-vous à travers tous ces mouvements et que vous ont-ils apporté ?

C’est tout simple, voyez-vous quand on est porté par un rêve comme le mien de vouloir être utile à sa communauté et à son pays, on ne peut se satisfaire de l’existant. Il faut aller chercher, regarder ce qui est fait ailleurs, apprendre d’autres cultures et traditions. Plus on apprend des autres, mieux on peut servir les siens. C’est la raison fondamentale de mes engagements dans ces différents mouvements. Notez qu’en fin de compte tout ceci concourt au même objectif : apprendre et partager son expérience.

Aujourd’hui vous êtes le président- fondateur du Réseau pour l’excellence pharmaceutique (REP). Pourriez-vous nous faire la genèse du REP, d’où est partie l’idée de mettre sur pied cette entreprise ?

Le Réseau pour l’Excellence Pharmaceutique (REP) est une « entreprise sociale » traduisant une volonté de contribuer à la promotion des sciences pharmaceutiques et des métiers de la pharmacie. En effet, après notre mandat à l’ADEPHARM en 2016, nous avions estimé qu’il fallait trouver le moyen de rester actif en mettant notre expérience de la vie associative au service de la profession pharmaceutique. Nous nous sommes réunis un soir d’octobre 2016 avec des étudiants avec qui j’avais conduit l’ADEPHARM durant mon mandat, au sein du campus de Cocody, pour formaliser la création du REP. Au départ, nous avions axé notre engagement sur la lutte contre les « médicaments de la rue ». Nous avons très vite compris qu’il fallait plutôt adopter une approche holistique du problème ; ceci en intégrant un concept mondial qui cadre avec la raison d’être du REP. C’est ainsi que sur les conseils très avisés de mon mentor, le Pr Ange Désiré YAPI (ex-DG de la NPSP-CI), nous avions réorganisé notre action autour de la promotion de l’usage rationnel des médicaments et de la lutte contre les résistances aux antimicrobiens. 

Le REP se définit comme une entreprise sociale. A ce titre, les profits qu’elle réalise ont pour vocation de financer des actions sociales. A ce niveau déjà, parlez-nous des actions que vous avez réalisées et celles à venir...

Il faut comprendre que le REP, de par sa constitution, son fonctionnement et ses actions, est en tout point une « entreprise sociale » qui conçoit et exécute des projets d’éducation sanitaire au profit des populations. Le REP mobilise des financements auprès de donateurs pour l’exécution desdits projets.
Les actions du REP s’articulent à ce jour autour de 3 programmes que sont Rep_Academy, Le MeetUp du REP et UseMed.
Le Rep_Academy est un programme de développement personnel au profit des étudiants en pharmacie pour les encourager à être plus actifs au sein de leur communauté. La dernière session a consisté à instruire les étudiants en pharmacie sur l’importance des juniors entreprises dans la formation et l’insertion professionnelle (voir images).
Le MeetUp du REP, est un cadre d’échanges réunissant une fois par an les professions de santé pour plancher sur des thématiques en rapport avec l’actualité sanitaire ou l’évolution de l’activité pharmaceutique au sein du système de santé. La dernière session, conduite par le Dr Aboubacar TIO- TOURE (Pharmacien ivoirien, ex-patron de Sanofi pour l’Afrique Subsaharienne), a porté sur « l’avenir de l’industrie pharmaceutique en Afrique ». Quant au UseMed, c’est notre programme phare, il est dédié spécifiquement à la promotion de l’usage rationnel des médicaments et à la lutte contre les résistances aux antimicrobiens.
La sensibilisation se fait à la fois sur les réseaux sociaux dans le cadre du projet UseMed_web et également sur le terrain avec le UseMed_tour. Dans le cadre du UseMed_tour 2022, nous avons déjà sillonné l’INFS d’Abidjan ainsi que le CAFOP d’Abidjan, notre prochaine destination sera le CAFOP de Bassam.

À l'image de toute autre entreprise, les profits réalisés par le REP sont le résultat financier de la vente de biens ou de services. Pouvez-vous nous dresser une liste de vos biens ou services ?

De 2017 à 2021, nous avons fonctionné sans financement extérieur. En 2021 grâce à nos différents partenaires, nous sommes passés d’un fonds de roulement de 300 000 FCFA en 2017 à 1 500 000 FCFA. Nos biens sont constitués essentiellement de matériels de communication et de sensibilisation.
En termes de prestation, le REP est spécialisé dans l’éducation sanitaire et nos services sont :

- L’animation de conférences (mise à disposition de conférenciers),
- L’organisation d’activités de sensibilisation (conception et exécution de campagnes ou mise à disposition de RH qualifiés)
- La formation (agents communautaires).
• Toutes les activités du REP portent sur les thématiques d’intérêt telles que :
• L’Approche Une seule Santé
• L’Usage rationnel des Médicaments
• La Résistance aux Antimicrobiens
• Les Médicaments de qualité inférieure ou falsifiée
• Les Médicaments Essentiels
• Les Médicaments Génériques
• L’Education Sanitaire
• La Sécurité Sanitaire
• Le Développement Humain
• Le Développement Durable

Quelle est la typologie de vos collaborateurs au REP ? Sont-ils tous des pharmaciens ou des étudiants en pharmacie ?

A ce jour, le REP compte 17 membres de droit, qui sont tous des pharmaciens diplômés inscrits à l’Ordre des Pharmaciens de Côte d’Ivoire. Il y a possibilité d’intégrer des non- pharmaciens avec un statut de membres associés. Par ailleurs, il y a de nombreuses personnes qui souhaitent nous rejoindre et parmi elles des non-pharmaciens.

Une des missions du REP est de développer le capital humain en matière de Santé. Vous, en tant qu’acteur de ce secteur, quel jugement portez-vous sur le secteur en général et son capital humain en particulier ?

Oui, effectivement l’une de nos principales missions porte sur le développement du capital humain en matière de santé. Cela dit, notre action doit permettre à la population de mieux comprendre les enjeux de santé auxquels sont confrontés tous les êtres vivants.
L’objectif visé étant la protection de la santé humaine par la préservation de la santé animale et environnementale. Le constat que l’on fait aujourd’hui est que la population dans sa grande majorité ignore les imprécations présentes entre la santé de l’être l’humain, celle de l’animal et l’environnement.
Même si des maladies comme Ébola et la Covid-19 ont illustré l’interconnexion entre ces trois dimensions de la santé, beaucoup reste à faire pour amener les populations et même le professionnel de santé à intégrer cette approche globale et tridimensionnelle de la santé dans leurs pratiques quotidiennes.

Si vous avez un appel à lancer pour finir, ce serait lequel ?

Je voudrais dire que le REP est une jeune organisation qui fait son petit chemin, notre engagement est noble et nous croyons que ce que nous faisons va contribuer au renforcement de la sécurité sanitaire.
Aujourd’hui, nous avons 2 partenaires qui nous accompagnent et nous espérons en avoir beaucoup plus afin d’étendre nos activités à l’intérieur du pays et aussi pouvoir déployer d’autres projets que nous avons dans nos tiroirs. Pour ce faire, nous avons initié depuis le début de l’année 2022 une série de  présentations de notre organisation à différentes institutions de santé. Nous espérons qu’elles nous apporteront leur soutien car le REP dispose d’une ressource humaine de qualité qui n’attend que d’être mise en mission.

 Interview réalisée par
Jacques Koulou & Arsène Diomandé

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