Aujourd’hui, le rapport au travail se transforme et un nouveau paradigme s’impose : l’expérience de travail. Cette dernière modifie la gestion des ressources humaines. Elle oblige la fonction RH à repenser son propre travail pour attirer et retenir les collaborateurs.
Vers une marque employeur expérientielle
Le concept de marque employeur est aujourd’hui passé dans le langage courant des directions des ressources humaines. Pourtant, le fait que la marque employeur soit devenue une marque expérientielle est encore sous-estimée. Beaucoup de candidats rejoignent et/ou restent dans une
entreprise pour l’expérience qu’elle leur permet de vivre. Conséquence ? Les gestionnaires des ressources humaines ne peuvent pas espérer qu’un travail de communication, souvent fait par les directions de la communication, suffira à rendre l’entreprise attractive.
Ce travail de communication n’est pas vain mais il se heurte très rapidement à l’évaluation expérientielle faite par les candidats. Le recrutement représente une étape clé au cours de laquelle l’entreprise évalue les candidats, et réciproquement.
Les postulants vont juger du caractère juste et équitable des procédures de recrutement mises en œuvre. Les pratiques de recrutement sont donc susceptibles de renforcer ou, au contraire, d’affaiblir la marque employeur des entreprises.
La GRH doit donc aussi accepter de se trouver dans une économie des marques. En effet, l’expérience de travail que propose une entreprise prend aujourd’hui tout son sens par rapport à celle offerte par d’autres entreprises. Il s’y ajoute les autres expériences de vie possibles pour le salarié :
- Famille,
- Vie politique,
- Engagement associatif
- Pratique sportive…
Promouvoir un projet expérientiel auprès des candidats et le faire vivre à ceux qui rejoignent l’entreprise, tel est aujourd’hui le défi majeur pour les responsables RH en charge de la marque employeur.
L’expérience de travail, une réalité scrutée de l’extérieur
Une autre caractéristique du paradigme expérientiel est donnée par le contexte numérique dans lequel nous vivons aujourd’hui. La transparence de plus en plus grande offerte par ces canaux numériques met l’entreprise sous pression. Elle renforce l’impératif de cohérence de la marque employeur et l’impératif de répondre aux attentes expérientielles des candidats.
L’image de marque employeur se retrouve façonnée par les informations communiquées sur l’entreprise, et non par l’entreprise, via :
- Des sites d’évaluation indépendants comme Glassdoor ou Indeed,
- Des plateformes de diffusion d’offres d’emploi,
- Des organismes d’évaluation comme Great Place to Work,
- Les réseaux sociaux….
Certaines entreprises intègrent l’expérience vécue par leurs collaborateurs dans le management de leur marque employeur, notamment à travers le programme d’employee advocacy. Ce type de pratique suppose de faire vivre une expérience de travail de qualité pour espérer bénéficier d’un bouche-à-oreille numérique positif, profitable à leur réputation employeur. L’existence et le développement des classements employeurs comme Great Place to Work, Top Employers, Universum…, font peser une pression grandissante sur les employeurs. Elles les soumettent à une exigence de qualité. Tout écart de l’entreprise par rapport aux promesses faites aux employés fait courir un risque de réputation et un risque de rupture du contrat psychologique, voire du contrat de travail.
Lire aussi : Expérience candidat : définition,enjeux et bonnes pratiques - Delphine Massé Rédactrice Web RH - Culture RH
Proposer et garantir le projet expérientiel
L’entrée effective des DRH dans le paradigme expérientiel passe par un travail en interne sur la formalisation de la promesse employeur. Cette dernière doit permettre d’expliciter l’expérience de travail offerte par l’entreprise avec pour cibles :
- En externe, les candidats potentiels,
- En interne, les collaborateurs.
Dès lors, la fonction RH doit veiller à mettre en cohérence la marque employeur externe vécue avant l’embauche à travers l’expérience candidat, et la marque employeur interne en travaillant l’expérience collaborateur.
Par ailleurs, au fil du temps, des changements dans l’entreprise peuvent intervenir à différents moments de ces expériences. Beaucoup d’éléments de contexte peuvent changer la relation. Des « malentendus » viennent soit conforter, soit compromettre la relation du collaborateur à l’entreprise. Il s’agit dès lors de veiller à préserver et faire évoluer la marque employeur au fil du temps en tenant compte des changements organisationnels.
Pour élaborer et garantir l’expérience professionnelle, il est essentiel pour les DRH de connaître l’expérience réellement vécue par les collaborateurs de l’entreprise.
Cette connaissance du vécu des salariés peut être obtenue par des enquêtes menées auprès de salariés. Ces enquêtes peuvent être réalisées par des organismes extérieurs afin d’évaluer la qualité de vie au travail dans l’entreprise. Les grilles d’analyse de ces organismes tiers ne sont pas figées. Elles évoluent pour tenir compte des attentes des salariés et du contexte de chaque entreprise.
Connaître et suivre les expériences de travail
Les enquêtes menées par l’entreprise, ou par les tiers, auprès des salariés ne sont pas les seuls outils de connaissance de l’expérience vécue par les salariés. L’expérience offerte par l’entreprise peut aussi être connue, de façon complémentaire, par les DRH à partir des différents outils RH. Ces derniers décrivent une dynamique expérientielle possible, que ce soit la gestion des carrières, la gestion prévisionnelle des emplois et de compétences, la politique de rémunération, la politique de formation…
Sur le plan de la technique de la GRH, c’est une approche complémentaire à celle plutôt fonctionnelle de la description des emplois.
Pour autant, l’expérience ne peut pas être envisagée indépendamment du contexte multidimensionnel dans lequel elle est réalisée.
Ce contexte comporte une dimension interne à l’entreprise avec un volet managérial, sur lequel la gestion des ressources humaines peut intervenir. Il a aussi une dimension externe avec l’influence sur la marque employeur de la marque métier à travers l’image des métiers, et de la marque territoriale qu’illustre l’image du territoire – ville ou région – d’implantation de l’employeur.
Du point de vue de la gestion des ressources humaines, cela doit conduire les DRH à penser globalement l’offre expérientielle de l’entreprise. Dans cette perspective, les travaux de recherche sur la marque employeur sont d’une aide précieuse. Ils mettent au jour la dimension managériale de la marque employeur, elle-même composée de plusieurs dimensions, sur lesquelles peuvent agir les DRH au sein de l’organisation.
La marque métier et la marque territoire supposent quant à elles de mettre en œuvre une démarche d’action collective avec des partenaires externes comme les instances politiques et administratives et les autres entreprises du secteur.
Les actions sur la marque employeur, si elles doivent être initiées et prises en charge par la DRH, ne peuvent pas se faire sans la coopération des autres départements de l’entreprise, où l’expérience de travail prend son sens. Un aspect indispensable et difficile du travail de la GRH est de faire entrer les managers des autres fonctions dans ce paradigme expérientiel. De même, la connaissance de l’expérience vécue par les salariés est une connaissance qui doit être partagée avec les managers parce qu’elle n’est pas seulement liée aux attentes propres aux salariés mais aussi au contexte managérial dans lequel ils évoluent.
Chloé Guillot-Soulez