25-04-2025
Interviews

M. GBA Daouda, Consultant International : "Former, c’est déformer"

M. GBA Daouda est une icône de la formation professionnelle en Côte d’Ivoire. Il fait partie de ceux qui, en compagnie du Ministre Ange François Barry-Battesti et de BAH Omer Souleymane, alors Directeur Général de l’IP NETP (Institut pédagogique national de l’enseignement technique et professionnel), ont contribué à raffermir les jalons de la formation professionnelle dans notre pays. Consultant international, spécialiste des questions de vision stratégique et de gouvernance, M. GBA est auteur de deux ouvrages sur le Leadership Pédagogique et de plusieurs articles publiés dans les revues scientifiques internationales, notamment « FORMER LES ADULTES : Une expérience andragogique ». M. GBA comptabilise de puis 1983, plus de 2000 séminaires et conférences animés dans les pays africains, au Canada et en France. Fait Chevalier du mérite national en 1998, officier du mérite de l’éducation nationale de Côte d’Ivoire en 1995, l’homme est un iconoclaste qui repousse sans cesse les limites de la formation.

Parlez-nous de votre parcours dans la formation…

Professionnel de la Formation des Formateurs, de 1983- 1992, à l’Institut Pédagogique National de l’Enseignement Technique et Professionnel de Côte d’Ivoire (IPNETP), j’ai été en charge de la formation des formateurs, de la formation des Chefs d’Etablissements, de la formation des Inspecteurs Pédagogiques et des Inspecteurs Généraux de l’Enseignement Technique. A ce titre, j’ai conduit de 1987 à 1989, plusieurs missions d’organisation et de structuration du Ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle en Côte d’Ivoire et au Canada. J’ai été Professeur Associé à l’Université du Québec à Trois-Rivières (Canada) de 1989 à 1996, Chargé de cours au Département des Sciences de l’Education. De 1999 à 2005, j’ai été le Directeur du Centre des métiers de l’électricité de Bingerville à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Puis de 2005 à 2007, j’ai été Directeur du Département Formation et Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences à GS2E (Groupement des Services Eau et Electricité), Holding du Groupe CIE/SODECI. De février 2007 à Mars 2009, j’ai occupé la fonction de Directeur Central des Ressources Humaines et de la Formation à Atlantic Financial Group, Holding du Groupe Banque Atlantique avec résidence à Lomé (Togo), à l’échelle de 8  pays africains membres de l’UEMOA et de la CEMAC. De 2008 - 2012, j’ai assuré la Présidence de plusieurs Jurys du Grand Oral ITB à la Banque Centrale - Dakar Depuis janvier 2013, je suis le Directeur général de l’Agence Internationale de Développement Economique et Social (AIDES) qui est un cabinet de formation en développement des Organisations et du capital humain.

M. GBA a l’habitude de dire que « former, c’est déformer ». Cela peut paraître paradoxal.. 

Oui, mais dernière ce paradoxe se cache une double logique qu’on appelle la dialogique ! Dans ce sens, les spécialistes confirment que former c’est modifier les attitudes et les comportements positivement ou négativement. Dans un cas comme dans l’autre, on déforme ! Quand moi j’en parle en tant que pédagogue ou andragogue, il s’agit de la déformation positive, car au plan épistémologique, former une ressource humaine, c’est la faire passer d’un état de moindre connaissance à un état de connaissance plus poussée.

En tant que grand professionnel de la formation, quel regard sur le développement et l’activité des cabinets de formation en Côte d’Ivoire ?

C’est une question à deux volets. Le premier aspect sur lequel vous m’interpellez concerne le développement de l’activité. Les cabinets de formation se sont développés en Côte d’Ivoire avec le développement de l’industrie. Le Président Félix Houphouët-Boigny avait une idée de l’avenir de la Côte d’ivoire. Dans sa vision, la Côte d’Ivoire devait pouvoir se mettre au niveau des pays dits développés. Mais de nombreux Ivoiriens dans les entreprises, n’avaient pas reçu une solide formation et étaient davantage utilisés comme des techniciens de surface. Les cadres des grandes entreprises étaient des expatriés. Le Président FHB a voulu changer cette situation en permettant aux Ivoiriens d’occuper des postes clés. Il voulait des professionnels dans chaque métier. C’est pourquoi, il a créé le ministère de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle. Le personnel ivoirien a commencé à se former grâce aux structures du ministère chargé de la formation professionnelle. Nous avons eu au fur et à mesure les titulaires du CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle), les titulaires du BP (Brevet Professionnel), les titulaires du BT (Brevet Technique), les titulaires du BTS (Brevet de Technicien Supérieur) et les titulaires des Diplômes d’ingénieur. Cependant, il est à noter que le cadre en entreprise qui à son diplôme se rendait coupable d’une sclérose intellectuelle et professionnelle au bout de cinq ans, par son incapacité à s’adapter aux nouvelles machines et technologies qui faisaient leurs entrées dans le processus de production en entreprise. Il fallait donc former les gens de façon constante, continue et continuée! Face à ce nouveau bouleversement dans le monde du travail, il n’y avait pas de structures appropriées pour accompagner les professionnels en inadéquation avec leur poste de travail. L’avènement des cabinets, c’est tout récent. Ce sont des consultants expatriés qui venaient former et repartaient. L’Etat a donc créé le FNR (Fonds National de Régulation) aujourd’hui FDFP (Fonds de Développement de la Formation Professionnelle), pour accompagner la formation en entreprise en prélevant une taxe d’apprentissage de 1,6% de la masse salariale. L’objectif, c’est d’encourager  les entreprises à former leurs employés. Car, une bonne partie de l’argent cotisé par les entreprises au titre de la formation de leurs employés est remboursé si la formation a été effectivement réalisée et justifiée auprès du FDFP. C’est donc sur la base d’un ratio de calcul, que le FDFP reverse à la fin de l’année un montant aux entreprises ayant réalisées des formations de renforcement de capacités de leurs travailleurs. Les cabinets ont ainsi trouvé un champ fertile et profitable. Ils se sont dès lors, développés de façon vertigineuse. Aujourd’hui, les entreprises sont saturées.

 Encadré

L’art de former les adultes

Sous la plume de Legendre cité par Gba Daouda dans son ouvrage à paraitre prochainement « FORMER LES ADULTES », l’andragogie se définit comme « une discipline éducationnelle dont l’objet est l’éducation des adultes. Elle met au point les méthodes les plus efficaces pour former, c’est-à-dire assurer l’acquisition de nouvelles connaissances ». L’andragogie part donc du principe que l’adulte a ses propres caractéristiques dont la prise en compte est de nature à garantir le succès d’une action de formation.

L’apprenant au cœur de l’apprentissage

Selon Gba Daouda, il convient de « s’intéresser à l’adulte en formation dans une perspective pluridimensionnelle ; de tenir compte tant de son appartenance à tel ou tel groupe social, à telle ou telle culture, que de ses mécanismes intellectuels ». Les pratiques andragogiques doivent être alors « spécifiques, du moins adaptées ; elles doivent non seulement solliciter la personne en formation, mais en faire aussi l’acteur et le centre du processus ». Une telle démarche rompt avec l’image du formateur comme maître du savoir et de sa transmission.

Contraintes liées à la formation des adultes

La formation des adultes se heurte souvent à la résistance de ces derniers eux-mêmes : refus de se retrouver en situation scolaire, peur de l’échec, soumission au formateur, image de soi dépréciée, fier de soi … autant de difficultés à lever avant d’entreprendre un quelconque travail éducatif. Dans l’andragogie, le formateur doit savoir que son rôle n’est pas de transmettre un savoir académique, un savoir « pré-pensé », mais de « proposer des possibilités, d’organiser des scénarios d’apprentissage toujours renouvelés ». Son activité ne consiste « plus à transmettre un contenu, mais à gérer un processus ; fonction pour laquelle il faut établir des relations ; évaluer les besoins ; faire en sorte que les apprenants s’investissent dans l’organisation ; rapprocher les apprenants et les ressources de l’apprentissage et encourager l’esprit d’initiative », estime pour sa part M. S. Knowles.