M. Ignace KOUI, Coach et Spécialiste en Communication

“ Aller au changement par la persuasion et l'adhésion que par la contrainte ”

Quelle est la place de la communication (interne et externe) dans le processus de conduite du changement ?

Ignace KOUI : Une bonne communication, tant interne qu'externe, est incontournable pour conduire avec efficience tout changement. Parce que tout changement, passage d'un état A à un état B, est à la fois source d'inquiétude, de peur de l'inconnu, d'appréhension à quitter notre zone de confort, appelle à porter un nouveau regard sur soi-même, à avoir à changer nos habitudes, à devoir s'habituer à un nouvel environnement, à de nouvelles procédures, de nouvelles manières de faire. S'il est vrai que le changement porte sur le système, l'environnement, on n'oubliera pas que ce sont les hommes qui sont porteurs, animateurs du changement et que le changement les oblige eux mêmes à changer aussi.

En interne, on ne peut obtenir le plein engagement de  ses collaborateurs que s'ils savent où on va et pourquoi, s'ils sont rassurés qu'ils ne sortiront pas perdants dans le processus de changement, si ce changement ne se fait pas à leur encontre. Et pour rassurer, persuader, convaincre, dissuader, il faut communiquer, communiquer le QUOI, le POURQUOI, le QUI et le COMMENT du changement afin d'avoir le soutien, l'engagement total de son équipe, car un changement imposé, dont les raisons ne sont pas suffisamment expliquées, a toutes les chances de rencontrer plus de résistances de la part des collaborateurs. Vis-à-vis de l'extérieur, il est également utile de savoir communiquer afin que le changement soit bien perçu et interprété par toutes les parties susceptibles d'être affectées de près ou de loin par le changement. De sérieux blocages, directs ou indirects, peuvent émaner de personnes se sentant menacées par le vent du changement mal perçu, mal compris et mal interprété. Par exemple, si le service de communication externe de l'entreprise ne prend pas les devant pour fournir aux médias la bonne information, une mauvaise interprétation, à dessin ou par ignorance de la presse, peut aggraver les appréhensions des parties intéressées et retarder la conduite du changement. Mieux vaut donc communiquer pour rassurer tout le monde dans la mesure du possible, tant à l'intérieur qu'à l’extérieur de l'entreprise. Ce processus de communication, dans la mesure du possible et en fonction de l'impact projeté du changement sur les hommes, doit associer les communicants, sociologues, psychologues afin qu'aucune dimension de l'homme ne soit négligée. Il se donne ainsi toutes les chances de réussir. Cette communication doit tourner autour des quatre phases du processus de deuil en informant, coachant, encourageant et reconnaissant le mérite.

Quelles sont les conséquences du manque de communication pour une entreprise durant cette phase si sensible ?

Les conséquences les plus perceptibles quand la conduite du changement ne se fait pas accompagner d’une stratégie de communication appropriée est le risque de ne pas obtenir l’engagement de son équipe ou de toutes les parties intéressées. On s’expose à rencontrer des forces de résistance plus tenaces, des bras, visibles ou invisibles qui travailleront à saper la réussite du changement car se sentant à tort ou à raison menacés par le vent du changement. Ils feront tout pour ramer à contre-courant et conduire à l’échec du processus. Tous ceux qui adorent le statuquo, qui se complaisent dans leur zone de confort, ne trouveront aucun intérêt à accompagner le changement.

Comme le montre bien la grille d’Elisabeth Kübler-Ross, si l’une des phases de par toutes les parties susceptibles d'être affectées de près ou de loin par le changement. De sérieux blocages, directs ou indirects, peuvent émaner de personnes se sentant menacées par le vent du changement mal perçu, mal compris et mal interprété. Par exemple, si le service de communication externe de l'entreprise ne prend pas les devant pour fournir aux médias la bonne information, une mauvaise interprétation, à dessin ou par ignorance de la presse, peut aggraver les appréhensions des parties intéressées et retarder la conduite du changement. Mieux vaut donc communiquer pour deuil du changement est mal vécue par une mauvaise communication, les déperditions risquent d’être importantes et il y aura plus de difficultés à arriver à la phase ultime, l’aboutissement désiré du changement qui est l’engagement de tous. Si, malgré tout, par le pouvoir de votre position ou d’autres formes de contraintes vous arrivez à imposer le changement, il sera mal vécu par les acteurs dont vous n’obtiendrez pas la pleine contribution et de performance. Il est donc toujours mieux d’aller au changement plutôt par la persuasion et l’adhésion que par la contrainte. 

Est-ce qu’une entreprise qui envisage d’amorcer un changement doit absolument communiquer sur cette phase ?

Je dirais oui on est obligé de communiquer dans tous les cas. Sans doute ce ne sera pas en amont, au moment de la prise de décision de conduire le changement, mais il faudra bien communiquer en aval pour faire appliquer le changement décidé. Comment les acteurs vivrontils avec efficacité un changement dont ils ignorent tous les tenants et aboutissants?  Dans une récente communication que je faisais dans un autre cadre sur le thème “ Quel style de management pour des collaborateurs épanouis et productifs”, je soulignais que tout dépend du degré d’autonomie ou de maturité du collaborateur et de l’environnement. Eh bien, ici aussi, en matière de communication pour le changement, en réalité tout dépendra de la nature du changement qu’on amorce, de l’environnement du moment et de l’étendue de la communication en termes de cible. Dans un environnement de crise par exemple, la rapidité à prendre des décisions pour avancer va déterminer la réussite ou l’échec du changement. Par exemple, si de la fenêtre de votre chambre vous apercevez des hommes en armes approcher votre portail avec des intentions visiblement pas bonnes, vous n’allez pas entamer avec votre garçon une série de dialogues, de négociation du genre s’il te plaît fiston, pourrais-tu ....pour l’inviter à fermer le portail. En temps normal, oui vous chercherez à le persuader, à le raisonner ou même à le supplier. Mais ici, votre style qu’imposent les circonstances sera directif. Il s’agit de la survie de toute votre famille, le temps n’est pas à la concertation. La survie de votre famille tient ici à quelques instants d’hésitation. Autre exemple, si le bateau tangue en pleine mer sous l’effet d’une violente tempête et est sur le point de chavirer, vous n’allez pas prendre le temps de faire une réunion avec tous les passagers pour demander leur avis sur ce qu’il convient de faire. L’équipe restreinte de commandement prendra rapidement la décision qui s’impose pour la survie des passagers. Vous pourrez répondre à leurs  questions plus tard lorsque le danger sera passé. C’est pareil pour la communication pour le changement. En période de crise grave ou pour certains enjeux hautement stratégiques, vous trouverez sage de limiter la portée de votre communication à quelques initiés, des collaborateurs à fort niveau de maturité et indispensables dans la phase de prise de décision. Par exemple, si votre entreprise vient de découvrir une nouvelle niche d’activités porteuse d’espoir et que vous envisagez procéder rapidement à un changement de stratégie marketing et commerciale pour vous orienter dorénavant dans ce secteur porteur, vous n’allez tout de même pas prendre la trompette et avertir d’avance tout le monde, y compris vos concurrents! Ce serait suicidaire d’exposer ainsi à l’avance votre changement de stratégie. Certains changements, parce que hautement stratégiques et se déroulant dans un type particulier d’environnement, avouons-le, auront plus de chance d’aller au succès dans une discrétion mesurée, une communication limitée et bien ciblée.

Quel est le dispositif de communication à mettre en place pour permettre aux acteurs de comprendre et accepter ce changement ?

Dans l’hypothèse d’un environnement stable, normal, en interne le dispositif doit être aussi participatif que possible. Il doit impliquer toutes les forces vives de l’entreprise. Le processus classique est d’avoir l’adhésion de toute la classe dirigeante d’abord qui doit être parfaitement au diapason sur le QUOI, QUI, COMMENT et POURQUOI du changement.  Une fois que la tête entière est engagée pour le changement, chaque manager se chargera de sensibiliser ses collaborateurs, de rassurer, d’aplanir les incompréhensions éventuelles, de chasser la peur, de répondre aux préoccupations des uns et des autres. S’il existe une association du personnel, un syndicat, les responsables doivent être correctement informés des enjeux du changement. Tout silence, manque de communication dans ce domaine cédera la place aux rumeurs, source de démotivation et de désinformation préjudiciable à l’engagement sincère des collaborateurs et partant, à la bonne conduite du changement.

Chacun doit se sentir acteur du changement et prêt à faire sa part de sacrifice pour quitter sa zone de confort sans peur ni crainte. L’intérêt du changement pour l’entreprise doit être clairement présenté et prévaloir sur les intérêts individuels. Des réunions de staff doivent se tenir régulièrement pour informer correctement, rassurer sur chaque étape de la conduite du changement et lever tout blocage ou toute incompréhension susceptible d’entraver la mise en œuvre de la phase suivante.

En externe, laisser le soin aux spécialistes de la communication externe de l’entreprise d’interagir avec les médias ou toute autre partie intéressée. Ces règles doivent être connues de tous les employés qui doivent s’y conformer afin qu’il n’y ait pas de son discordant à l’extérieur et saper tout effort dans la conduite sereine du changement. Ne jamais laisser le silence prendre la place sur la communication et l’information en particulier, donnant libre court aux imaginations parfois fécondes de la presse à sensation qui pourrait, sciemment ou inconsciemment, désinformer sur les vrais enjeux du changement amorcé.

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