
Grande “prêtresse’’ de la
communication, la PDG d’Océan Ogilvy a été distinguée du Grand Prix de la
communication, le 30 avril 2014, à Abidjan, lors de la cinquième édition des
“Bâtisseurs de l’économie ivoirienne’’. Ministre déléguée à la Communication de
novembre 2005 à avril 2007, Martine Coffi-Studer est PCA de Bolloré Africa
Logistics Côte d’Ivoire depuis 2014 et Administrateur de plusieurs autres
grandes sociétés en Afrique et en Europe. L’érudition, la rigueur et
l’exemplarité de cette femme discrète et fascinante rayonnent depuis plusieurs
décennies.
C’est dans les locaux d’Océan
Ogilvy, à Cocody Mermoz, que Madame Martine Coffi-Studer a reçu l’équipe d’IRH
Mag. Une heure agréable passée à échanger, sans l’air de réaliser une
interview. L’économiste mordue de communication, dans les sillons de son parcours
d’entrepreneure, aura distillé de précieux conseils.
Martine Coffi-Studer, vous
êtes “notre invitée’’ pour ce numéro. Nous allons vous prier, comme de coutume
dans cette rubrique, de parler de vous. Votre parcours académique et
professionnel.
C’est toujours difficile de
parler de soi. Mais ce qu’on peut retenir me concernant c’est que j’ai un
parcours un peu atypique puisque je suis économiste de formation et que je me
retrouve à la tête d’un groupe de communication. Ceci pour dire que la formation
dans un domaine spécifique compte, mais aussi qu’il faut oser aller vers des
domaines qui ne sont pas forcément vos choix initiaux. La pluridisciplinarité
alliée à l’ouverture d’esprit permet parfois des passerelles intéressantes.
D’après ce que vous dites, la
communication n’est donc nullement pour vous un concours de circonstance…
Disons que j’aimais déjà le
marketing. Comme vous savez, dans la filière des sciences économiques, on a
deux options : l’option publique et l’option privée que j’ai choisie ; une
option donc entrepreneuriale et de gestion. Dans cette branche, vous avez aussi
une bonne formation en marketing et communication. C’est donc surtout par
passion, par attirance que je suis arrivée à la communication.
La communication vous a bien
réussi depuis la création de votre agence Océan, en 1988. Aujourd’hui, vous
êtes présent dans une vingtaine de pays africains. Un franc succès ! Quel est
le secret ?
Le secret ? Je vous dirais qu’il
n’y a fondamentalement pas de secret à cette performance parce qu’il y a des méthodes
de management qui sont universelles notamment en termes de gouvernance, de
bonne gestion, d’honnêteté, d’éthique et qui sont pour moi des valeurs
cardinales. Mais il faut à la base du talent. C’est notre talent qui fait qu’on
nous retient ou qu’on ne nous retient pas. Il faut être créatif, imaginatif et
persuasif. Il faut avoir des idées, savoir les vendre et les mettre en valeur.
En somme, je pense que c’est ce qui fait le succès d’Océan Ogilvy un peu
partout en Afrique. Mais nous avons la modestie de dire que nous ne sommes pas
les premiers créateurs ivoiriens d’agence de communication. Il y a eu Michel
Butrille, Sylvestre Kpalou et bien d’autres avant nous. Mais nous avons tous un
grand maître que nous reconnaissons en tant que tel, un maître d’exception qui
a formé et lancé beaucoup de jeunes, en l’occurrence M. Ousmane Sy Savané. Il
est notre doyen à tous. C’est notre mentor en quelque sorte. J’ai eu l’occasion
de lui rendre hommage dernièrement au cours de la rentrée des étudiants de
l’ADESCOM du CERCOM où j’avais eu l’honneur d’être invitée. Ousmane Sy Savané,
lui, n’est pas allé dans le privé comme certains jeunes audacieux que nous
étions mais il a eu quand même le privilège de gérer LA plus grande régie de
Côte d’Ivoire qui était “Ivoire Média’’ à l’époque. C’était la régie nationale,
la régie publique qui gérait tous les grands supports à savoir la
Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI), Fraternité Matin, Ivoire Dimanche
etc, en plus de l’affichage et d’Ivoire Conseil, la cellule conseil.
Parlons du métier même de la
communication…
Il nous faudrait plus qu’une
interview (rire)… La communication est un métier passionnant. Je dirais que
c’est peut-être l’un des métiers les plus anciens parce qu’on a toujours
communiqué. Nous avons la modestie de dire que nous ne sommes pas les premiers
créateurs ivoiriens d’agence de communication. Il y a eu Michel Butrille,
Sylvestre Kpalou et bien d’autres avant nous. Mais nous avons tous un grand
maître que nous reconnaissons en tant que tel, un maître d’exception qui a
formé et lancé beaucoup de jeunes, en l’occurrence M. Ousmane Sy Savané.
Parler, c’est communiquer ; bouger, c’est communiquer. J’ai coutume de dire ici
à mes standardistes qu’elles sont les premières communicantes de l’entreprise
parce qu’au son de la voix, le client sait si vous êtes quelqu’un d’heureux ou
pas dans votre travail. Votre voix parle. Pour moi, la communication est un
domaine vaste, immense, qui va du standardiste au PDG d’une entreprise, en
passant par le coursier qui dépose les plis. On pense souvent que la
communication se limite aux annonces qu’on voit dans la presse, aux belles
campagnes. Disons que c’est beaucoup plus vaste que ça. Nous sommes tous
communicateurs dans les domaines dans lesquels nous sommes.
En 27 ans d’existence de votre
agence, comment le secteur et le métier ont-ils évolué ?
Le métier a évolué sur différents
aspects. A l’époque, on faisait les plans média à la main sur de grands
tableaux. On nous imprimait ces plans avec de petites cases et des croix. Mais
aujourd’hui, si vous dites à quelqu’un que vous faites un plan média à la main,
il vous demandera sur quelle planète vous êtes. Les maquettes en création sont
plus dynamiques et souvent animées, les stratégies commerciales sont plus
chaleureuses. De nos jours, tout est programmé et géré par des logiciels. La
vraie révolution pour moi dans la communication, c’est la révolution
technologique.
Quels en sont les aspects les
plus prometteurs pour l’économie ?
Aujourd’hui, c’est le digital qui
est vraiment l’avenir dans le monde de la communication. Tout est digitalisé
comme vous pouvez le voir. L’Afrique doit également s’y mettre et en la matière
le top 3 est tenu par l’île Maurice, les Seychelles et l’Afrique du Sud, selon
les données de l’Institut Universitaire des Technologies (IUT). Dans la zone
ouest africaine, le Gabon est le 1er pays francophone intégrant le top 10 de ce
classement avec sa 4G. Pour parler de la Côte d’ivoire, nous avons de bons
scores en termes de pénétration de l’outil numérique et mobile mais de gros
efforts restent à faire dans l’accessibilité et les coûts de connexion.
Retenons cependant que le challenge se situe au niveau de professionnalisation
du digital. Il va sans dire que l’entreprise ou l’agence qui veut se tourner
vers l’avenir a forcément une unité digitale intégrée pour servir ses clients.
Chez Océan Ogilvy, nous ne concevons aucune campagne sans y intégrer le volet
digital. C’est un service intégré qui surprend agréablement et satisfait
plusieurs de nos clients tellement les possibilités d’interactions avec le consommateur,
de pénétration de niches et de nouveaux marchés y sont très poussées.
Existe-t-il des aspects sur
lesquels nous sommes encore à la traine par rapport aux pays plus avancés ?
Nous sommes en retard en termes
de libéralisation de l’espace audiovisuel par rapport à l’Europe mais aussi par
rapport à d’autres pays africains. C’est un projet qui est à la traine et qui
aurait déjà dû être exécuté depuis longtemps. Il est temps que l’on passe à la
libéralisation de l’espace audiovisuel parce que nous sommes réellement en
retard dans ce domaine-là. Aux dernières nouvelles, je crois que les choses
s’accélèrent.
Comment percevez-vous la place
de l’image dans notre société actuelle ?
Vous qui faites partie de la
génération connectée aux réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram, Google
+, Pinterest, etc. c’est vous qui me demandez la place de l’image, alors
là ! (rire). Il est vrai que l’image compte! Mais ce qui compte de plus en
plus, c’est l’image la plus proche possible de la réalité. On veut que vous
soyez celui que vous êtes en réalité et que ce que vous montrez corresponde à
qui vous êtes. Si Facebook est le plus bel outil de partage, de découverte et
retrouvailles, l’on doit faire attention à ce que l’on y poste car les dérives
sont vite arrivées. Le non verrouillage des photos ou films partagés, permet de
générer tout de suite un bad ou un good buzz. Les cas de photos postées
innocemment et qui ont été récupérées à des fins de manipulation ou de
propagande sont légions autant pour les marques, les institutions que pour les
personnes physiques. Tout cela, c’est de l’image. Pour moi, il y a deux types
d’images : l’image personnelle en tant que personne physique ou personne
publique et l’image institutionnelle qui concerne une entreprise. Mais en fin
de compte, elles se rejoignent. Que l’on soit une institution ou un individu,
on doit travailler cette image dans le sens du vrai et du réel mais pas pour
faire de l’artificiel, pour aller vers ce qu’on n’est pas. Si par exemple vous communiquez
sur une marque et que vous lui faites dire ce qu’elle n’est pas, c’est sûr que
cette marque est appelée à disparaître. Si vous mentez à votre public, il
finira de toutes les manières par savoir. Il doit y avoir une adéquation entre
ce que vous dites et ce que vous êtes réellement. David Ogilvy disait : « Ne
prenez pas le consommateur pour un idiot, le consommateur, c’est votre épouse,
votre enfant » Il est temps que l’on passe à la libéralisation de l’espace
audiovisuel parce que nous sommes réellement en retard dans ce domaine-là.
Les réseaux sociaux ne
compliquent-ils pas la tâche des conseillers en communication, en gros des
agences de communication ?
Pas du tout, la sphère Internet
est immense et offre des opportunités à tous les acteurs du marché. La
spécificité des agences de communication sera leur capacité à contenir et/ ou à
gérer l’information de manière stratégique et allant dans le sens d’apporter
une plus-value à la marque ou à l’institution gérée en ligne. Pour cela, nous
avons dans le Digital, des Digital managers, des Community managers, des
Directeurs artistiques online qui représentent les experts chargés de gérer
l’image, le positionnement et la notoriété des marques et des institutions lors
de toutes les prises de parole en ligne. Il n’y a pas à s’inquiéter parce que
les Community managers par exemple sont des personnes dédiées à défendre les
marques, à les suivre, et qui à parler pour elles. Aujourd’hui, il y a des
logiciels qui permettent de vous informer dès que quelqu’un dit votre nom. Ils
peuvent vous donner le nom de la revue avec sa date de parution. Et à votre
Community manager de faire le reste. Ça vous permet d’ajuster votre stratégie
qu’elle soit personnelle ou celle d’une entreprise en fonction, justement, de
ce que vous voulez dire. La plupart des grandes maisons ont un Community
manager dédié, voire plusieurs. Tout le monde est sur Facebook ; les gens
préfèrent communiquer eux-mêmes plutôt que d’attendre qu’on parle d’eux. Ils
préfèrent donner la vraie information plutôt que d’attendre qu’on propage des
informations biaisées sur eux. Je pense qu’effectivement les nouvelles
technologies offrent des possibilités de communiquer qui sont dans la réalité
et avec lesquelles il faut composer.
Mais avec les réseaux sociaux,
on a souvent vite dépassé certaines limites…
Est-ce qu’il y a une
communication sans risques ? Ça n’existe tout simplement pas! Même
communiquer à la radio n’est pas sans risques. Parfois, vous visez des
objectifs particuliers mais vous avez l’inverse. C’est là où la communication
est un peu dangereuse. C’est un métier de spécialistes, raison pour laquelle il
faut faire appel à eux. Il ne faut pas essayer de communiquer soi-même au
risque de dépenser son argent pour rien et d’avoir l’effet inverse de ce qui
est recherché au départ.
Chez nous, beaucoup de femmes et d’hommes, entrepreneurs ou publics, peut-être par pudeur, préfèrent l’anonymat. Un commentaire sur cette attitude.
C’est comme pour beaucoup de
choses. On peut avoir peur de se jeter dans une piscine parce qu’on ne sait pas
nager tout simplement et on n’aurait pas tort, n’est-ce pas ? Je pense que ces
personnes ont peur d’entrer dans un domaine qu’elles ne connaissent pas. Mais
là encore, elles ne devraient pas parce qu’il suffit de se tourner vers des
conseillers en communication. C’est un métier qui est de plus en plus prisé. Je
suis souvent invitée dans des écoles pour intervenir sur le sujet ; en tout
cas, il y a sujet à matière. Nombreux sont les jeunes qui sortent des écoles de
communication qui veulent être conseillers en communication. Aujourd’hui, je ne
connais pas beaucoup de chefs d’entreprise qui n’en ont pas.
Certes, mais il n’en demeure pas moins qu’en Côte d’Ivoire de nombreux décideurs se refusent à communiquer. Pourtant ce sont des personnes qui ont des choses à partager avec la jeunesse en manque de repères. Au Nigéria, tout près de nous, les entrepreneurs n’hésitent pas à communiquer sur leur fortune, à montrer qu’ils ont réussi… N’est-ce pas finalement un problème culturel ?
Je crois qu’il y a deux choses à
prendre en compte. D’abord, il y a la confiance. Quand je prends votre
magazine, IRH Mag, je trouve que c’est un magazine sérieux qui est dirigé par
des personnes qui inspirent confiance. De ce point de vue, accrocher l’attention
d’un décideur ou d’une personne devient aisé parce que ces gens ont Si par
exemple vous communiquez sur une marque et que vous lui faites dire ce qu’elle
n’est pas, c’est sûr que cette marque est appelée à disparaître. Si vous mentez
à votre public, il finira de toutes les manières par savoir. Il doit y avoir
une adéquation entre ce que vous dites et ce que vous êtes réellement. besoin
d’être rassurés par la qualité du travail et des personnes qui les approchent.
Ils ont besoin d’être mis en confiance. C’est donc au départ une question de
méfiance plutôt qu’un refus de communiquer. L’utilisation que font certaines
personnes des propos de ces personnalités peut justifier cette prudence. Tout
dernièrement, par exemple, je donnais une interview à un organe de presse quand
ma directrice commerciale est arrivée et a demandé à cet organe de lui signer
un protocole où aucun mot, aucune phrase ne devrait être détourné de son sens
ou mis sur internet… Le journaliste s’est un peu fâché. Elle leur a répondu : «
Parce qu’on vous connaît ! Votre travail est de rechercher l’information et de
la diffuser, le mien est de m’assurer que l’image de Madame Coffi-Studer est
traitée et diffusée selon les normes ; soit vous signez le protocole, soit
je retire l’interview…» …Finalement, l’interview a eu lieu. Tout ceci pour vous
dire que la question de la confiance est d’importance. Néanmoins, vous avez
parfaitement raison de dire qu’il s’agit d’un problème de culture. Les
anglophones ont moins de gêne et de complexe avec le succès et l’argent que
nous francophones. Dans la culture francophone à laquelle nous sommes
foncièrement attachés, on n’expose pas ce qu’on a, on ne dit pas ce qu’on Je
juge que les ressources humaines doivent être absolument intégrées dans la
stratégie de l’entreprise et ne pas voir leur tâche limitée à la simple gestion
du personnel. possède. Dans cette culture, le succès n’a pas forcement que des
amis ; si votre succès est trop éclatant, plutôt que de capitaliser en appelant
cette personne pour prendre conseil, on dira plutôt en sourdine : «Combien
cette personne a détourné ? Dans quel coup illicite a-t-elle encore trempé
? Elle a une autre affaire louche derrière son activité officielle… Comment
s’est-elle acheté cette grosse voiture ? Etc. » Une anecdote qui vous fera
certainement sourire. J’étais à des obsèques où j’ai rencontré une personnalité
dont je vais taire le nom. Cette personnalité, c’est le prototype de celui
qu’on dit chez nous en Côte d’Ivoire qu’il a réussi, qu’il a les moyens. Mais f
igurez-vous que quand je l’ai vu, j’ai failli ne pas le reconnaître. Pendant
que nous étions habillés en tailleur, en costume, je l’ai vu en bras de chemise
et en sandales. Je ne comprenais pas, alors il m’a dit : « C’est la seule
manière de passer inaperçu ; tel que je suis habillé, qui va me suivre pour me
demander de l’argent ou autre chose ? Qui dira que j’ai réussi et que mes
affaires sont prospères ? Tu sais, c’est à des occasions pareilles qu’on
regarde qui porte quoi et qui a quoi pour aller ensuite spéculer sur comment il
a gagné son argent…». Je lui ai dit qu’il y avait tout de même un minimum et il
m’a répondu : « Comme je me présente actuellement, je suis tranquille, je n’ai
pas de jaloux, je n’ai personne pour me courir après pour une migraine ! ». Et pourtant,
je vous assure que c’est une personne très généreuse. Cela m’a donné à méditer
en me disant que cette situation privait beaucoup de gens des acquis et de
l’expérience de telles personnes. C’est donc un peu dommage que notre culture
ne nous permette pas d’extérioriser notre réussite contrairement à la culture
anglophone. Aux Etats-Unis, quand vous avez réussi, on vous applaudit, on vous
félicite, on est simplement content de votre réussite parce que là-bas,
l’argent n’est pas suspect. C’’est le fruit de votre travail. Tout le monde le
sait et est d’accord avec !
Est-ce que l’aspect physique est déterminant dans la réussite de nos jours ?
Je dirais non ! D’ailleurs ce
serait bien dommage que ça le soit ! Mais vous savez, dans la communication,
s’il y a une chose que j’ai toujours en tête et que j’ai apprise au cours d’un
enseignement en Afrique du Sud, c’est ceci : « Ce que vous présentez au regard
est si fort qu’on n’entend pas ce que vous dites ! » Et ça, ça veut tout dire…
On ne peut pas ne pas parler de ressources humaines avec vous. Vous devez leur accorder une grande importance dans votre management ?
Absolument ! La GRH, j’avoue que je m’y consacre personnellement et chez Océan Ogilvy Côte d’Ivoire, nous appelons ça, le « Brand » qui est la marque et en même temps l’image de notre structure. Chez Océan Ogilvy, nous sommes une équipe soudée où tout le monde se connaît. Quand une personne arrive, elle est accueillie de manière à faciliter son intégration afin qu’elle se sente comme si elle avait toujours été dans le groupe. Tous les mois, nous valorisons un ou plusieurs collaborateurs au sein de notre revue mensuelle interne RésoNews, disponible sur support papier et numérique. Grâce à cette newsletter, nous sommes au courant de tout ce qui est évènement – heureux ou malheureux – au sein de tout notre réseau. Nous tenons aussi à fêter ou, au moins, à souhaiter les anniversaires et les naissances. L’autre particularité à Océan, c’est que les départs sont toujours marqués par des « pots de départ » parce que nous jugeons que si un collaborateur a servi loyalement la structure, il faut pouvoir l’en remercier et lui signifier ainsi que les portes lui sont toujours ouvertes. Les ressources humaines sont donc pour nous un domaine incontournable et je suis très attachée à la gestion de nos hommes en cultivant surtout la proximité. Par ailleurs, il faut toujours penser à récompenser les collaborateurs méritants et en faire des modèles. A la fête des mères, nous offrons généralement des fleurs aux femmes et des cravates aux hommes à la fête des pères. Tout cela, en fait, renforce les liens de solidarité et de convivialité au sein de nos équipes. Nous avons également une cantine au menu attractif où nous nous retrouvons souvent les midis autour de repas.
Et pourtant dans certaines
entreprises, les RH sont relégués au poste de gestionnaire du personnel…
C’est une situation vraiment
malheureuse car je juge que les ressources humaines doivent être absolument
intégrées dans la stratégie de l’entreprise et ne pas voir leur tâche limitée à
la simple gestion du personnel.
La communication interne dans
les entreprises est souvent gérée par le RH et la communication externe par la
direction communication. Cela est parfois sources de confusion, or il doit
avoir une corrélation entre ces deux aspects de la communication.
A mon avis, les deux sont à la fois complémentaires et indispensables. Vous ne pouvez pas gérer des hommes sans avoir de communication interne qui est tout aussi importante que la communication externe. Je dirais même qu’avant de communiquer à l’externe, il faut savoir déjà communiquer chez soi, en interne. Je n’ai pas d’inquiétude ou de remarque particulière sur le sujet dans la mesure où je sais que, de plus en plus les entreprises se dotent en communicateur interne, donc l’ère où on confiait cette tâche au DRH est de plus en plus révolue et il existe aujourd’hui des chargés de communication interne. L’on rencontre de plus en plus aussi des chargés de communication qui s’occupent des deux pôles, interne et externe.
En tant que chef d’entreprise, quel est votre regard sur la formation ? Ne doit-elle pas prendre la direction du ‘’school to business’’ en lieu et place du ‘’school to jobs’’ actuellement en vigueur.
“School to business’’ d’accord,
mais je crois qu’en matière de business cela dépend davantage de la
personnalité de celui qui reçoit la formation. On peut vous donner par exemple
une formation en informatique et puis vous pouvez avoir envie de monter une
société de téléphonie par exemple! Donc, je pense qu’il faut être curieux et
surtout attentif à ses propres capacités et à ce qu’on a envie de faire. Selon
moi, soit on a une âme d’entrepreneur, soit on ne l’a pas. Si vous avez une âme
d’entrepreneur, vous pouvez réussir dans tout ce qui est entrepreneuriat. Il
faut oser se lancer, tout simplement.
L’entrepreneuriat des jeunes s’est avéré une priorité pour la réalisation des ambitions du pays. L’adéquation formation-business pourrait être un début de solution…
Je pense qu’au départ, il faut
donner confiance aux jeunes, en eux-mêmes et en leur pays. Quand on n’a pas
confiance en soi, on ne peut pas créer une entreprise ; quand on n’a pas
confiance en son pays et en ses perspectives d’avenir, on ne peut pas investir
l’argent qu’on a. Ensuite, le point que je souhaiterais relever, c’est qu’il
faut un accompagnement financier pour ces jeunes parce que décider de se
lancer, c’est quand même un risque. Moi, lorsque je me suis lancée, j’avais
l’avantage d’avoir un mari qui avait un emploi f ixe parce que directeur
financier d’une grande entreprise de la place. Aussi, me suis-je dis que si
j’échouais dans l’entrepreneuriat, quelque part, on pouvait me rattraper car je
suis issue d’une famille de 7 enfants avec des ainés qui ont tous réussi dans
leurs domaines respectifs. Donc très honnêtement, en regardant 30 ans en
arrière, je pense que le risque n’était pas si grand pour moi parce que j’avais
toujours le Je pense qu’au départ, il faut donner confiance aux jeunes, en
eux-mêmes et en leur pays. Quand on n’a pas confiance en soi, on ne peut pas
créer une entreprise ; quand on n’a pas confiance en son pays et en ses perspec
tives d’avenir, on ne peut pas investir l’argent qu’on a. privilège de pouvoir
éventuellement rebondir en cas d’échec et me relever. Mais un jeune qui ne part
de rien, qui sort de l’école et qui a une vocation d’entrepreneur, il faut qu’à
ce niveau l’Etat prenne ses responsabilités et mette en place un dispositif
d’accompagnement et d’assistance pour ces jeunes. J’ai trouvé dans le groupe
Bolloré en arrivant une chose que je considère comme exceptionnelle. M. Vincent
Bolloré a créé la fondation de la deuxième chance. C’est une fondation qui
donne une seconde chance aux personnes qui ont déjà échoué une première fois
dans un projet et qui ont besoin qu’on leur fasse à nouveau confiance. Vous
voyez, comparativement à nous, les pays occidentaux disposent d’outils,
c’est-à-dire que l’Etat peut mettre en place un dispositif mais derrière il y a
des dispositifs alternatifs qui viennent en appui et qui sont initiés par le
secteur privé. Une fondation de la deuxième chance ; vous vous rendez
compte ! Cela existe parce qu’il y a un entrepreneur qui a réussi et qui
souhaite donner une deuxième chance à ceux qui ont échoué dans leur premier
projet. Donc il faut sans aucun doute un relai de l’Etat mais également celui
du privé. Je sais que la Confédération Générale des Entreprises de Côte
d’Ivoire (CGECI) fait beaucoup. Je sais qu’elle réfléchit à un certain nombre
de dispositifs à mettre en place pour accompagner les jeunes. Je crois même
qu’ils sont assez avancés sur ce sujet. Il y a les prix d’excellence. Je sais
aussi que la Banque Africaine de Développement (BAD) octroie des fonds pour
aussi accompagner des jeunes. Je crois par conséquent qu’on est bien parti ; on
commence à comprendre que l’adéquation formation-emploi, c’est bien mais
derrière il faut d’autres ouvertures.
Qu’en est-il de l’entrepreneuriat des adultes. En d’autres termes, comment amener les adultes qui ont de l’expérience et qui ont du relationnel à se reconvertir en entrepreneur au soir de leur carrière ?
Je me dis que déjà si on n’a pas entrepris lorsqu’on était jeune, à la fin de notre carrière, on prendra moins de risques parce qu’on n’a plus la même énergie. Deuxièmement, on aura tendance à investir dans des domaines qu’on connaît déjà parce qu’on n’a pas envie de disperser son épargne. Je pense que l’entrepreneuriat adulte n’est pas nouveau. Franchement je connais beaucoup d’amis de mon âge qui ont une belle carrière derrière eux et qui, aujourd’hui vont vers l’agriculture par exemple, vers la création de PME-PMI dans différents domaines. La question est : que faire pour qu’ils viennent davantage à cela ? La réponse est que tout le monde ne peut pas être entrepreneur non plus, mais par contre ce que ces personnes peuvent apporter de façon significative c’est le mentoring. C’est accompagner des jeunes dans un domaine que ces personnes connaissent en transmettant leurs expériences, en apportant une assistance. On peut soit faire du mentoring gratuit parce qu’on a des moyens, soit un mentoring rémunéré. Que l’Etat puisse donc continuer à faire appel à ces personnes sous forme de consultance afin qu’elles accompagnent des jeunes en leur apportant leur expérience. Si par exemple, vous avez été ingénieur dans une société publique ou privée, que vous avez réalisé des choses et que vous êtes à la retraite, vous pouvez apporter un soutien à un groupe de jeunes qui veut retourner à la terre. Idem dans le domaine de l’expertise f inancière. Si vous avez été expert-comptable et que vous prenez votre retraite, vous pouvez assister des jeunes qui veulent monter un cabinet comptable et les accompagner. Vous pouvez le faire à double titre. D’abord sur le plan personnel parce que c’est une satisfaction de voir des jeunes réussir ; ensuite c’est exaltant de se dire qu’on a accompagné des groupes de jeunes. C’est une fierté pour moi quand je vois des gens qui ont commencé chez Océan et qui, avec l’expérience acquise chez nous, vont créer des agences de communication et qui réussissent. Je conseille à ces séniors qui ont de l’expérience professionnelle et qui ont excellé dans des domaines particuliers de transmettre, d’accompagner car il y a une vraie satisfaction dans la transmission. Donc, le mentoring me parait être aussi une voie pour ces personnes et pas seulement l’entrepreneuriat. Tout le monde ne peut pas être entrepreneur, tout le monde n’a pas l’âme d’un entrepreneur, tout le monde n’a pas envie d’être entrepreneur… Je raconte souvent l’histoire d’une amie qui est sortie médecin, brillante d’ailleurs. Elle a obtenu son Doctorat étant jeune, avec des parents qui avaient les moyens de lui ouvrir un cabinet médical. Mais contre toute attente, elle a dit préférer travailler dans le cabinet de quelqu’un d’autre pour seulement soigner des personnes. Elle dit que gérer des hommes, c’est quelque chose qui lui semble insurmontable et qu’elle n’arrivera pas à faire. Finalement, aujourd’hui, elle travaille dans une grande clinique de la place et est très épanouie.
Quelle est la qualité première
que vous recherchez chez un collaborateur ?
La loyauté ! Parce que j’estime que si vous rentrez à Océan Ogilvy, c’est parce que vous avez déjà un certain bagage, un certain talent et une expertise à revendre et donc ce que j’attends de vous, c’est la loyauté. Après je pourrais citer la fidélité. Les meilleurs moments de joie en compagnie de vos collaborateurs… L’un de mes meilleurs moments fut en 2010, à l’ouverture de l’agence d’Océan Kinshasa où Papa Wemba nous a fait l’amitié de venir avec une quarantaine de ses danseurs. Ce jour-là, on s’est vraiment bien amusé ! Il y a aussi nos After-Works où chacun de nous imite un artiste de son choix ; ce sont là des moments de grande joie. D’ailleurs, je chante toujours le même morceau : un reggae de BOB Marley.
Que diriez-vous enfin à toutes ces personnes qui vous liront, à tous ces jeunes qui s’intéressent à la communication ?
Venez ! Venez, nous avons besoin
de vous ! Si vous avez du talent, n’hésitez pas, venez nous avons besoin de
vous (rire) ! Et parlant de votre magazine, IRH Mag, je dirais que j’ai été
C’est une fierté pour moi quand je vois des gens qui ont commencé chez Océan et
qui, avec l’expérience ac quise chez nous, vont créer des agences de communi
cation et qui réussissent. agréablement surprise quand je l’ai lu la première
fois. D’abord par le contenu des articles et ensuite par la qualité des
personnes que vous interviewez et sur lesquelles vous faites des papiers. A
tout cela, s’ajoute la jeunesse et la simplicité de votre équipe et je voudrais
vraiment vous encourager parce qu’on trouve en général ces qualités chez des
personnes averties, qui ont emmagasiné une bonne dose de vécu et d’expériences,
mais votre jeune équipe l’a déjà. J’ajouterais également que j’ai été surprise
par la constance de la qualité parce que le tout n’est pas de faire de la
qualité mais c’est bien d’être régulier et constant dans la qualité. Et toutes
ces qualités font que si demain, vous me demandez d’être actionnaire à IRH Mag,
je m’engage volontiers (rire).