La médiation est un outil
dynamique de gestion des conflits en entreprise. C’est pourquoi, j’invite tous
les professionnels des ressources humaines à découvrir la médiation et à
s’approprier ses divers outils.
Pour information, aux termes
de la loi n° 2014 389 du 20 juin 2014 relative à la médiation judiciaire et
conventionnelle en Côte d’Ivoire, pour être médiateur, il faut remplir les
conditions suivantes :
·
N’avoir pas fait l’objet d’une condamnation
pénale devenue définitive pour des faits contraires à l’honneur, à la probité
et aux bonnes mœurs ;
·
Ne pas être frappé d’une incapacité ou d’une
déchéance ;
·
Avoir la qualification requise eu égard à la
nature du litige ;
·
Justifier d’une formation pratique aux
techniques de médiation suivie dans une école de formation en médiation ou d’un
agrément de médiateur auprès d’une institution de médiation ou d’une expérience
avérée dans la pratique de la médiation ;
·
Présenter les garanties de neutralité,
d’indépendance et d’impartialité nécessaires à l’exercice de sa mission. Dans
l’ordre, on est médiateur-certifié et ensuite médiateur-diplômé. Le certificat
et le diplôme de médiateur sont ouverts à toute personne désireuse d’être
médiatrice.
Il découle de la loi susvisée
qu’il existe deux types de médiations en Côte d’Ivoire : la médiation
judiciaire, qui est celle ordonnée par un juge et la médiation conventionnelle
qui est celle appelée par une des parties en conflit.
Mais, quel que soit le type de
médiation, les piliers fondateurs de la médiation restent les mêmes sur
lesquels les médiateurs prennent appui.
En Côte d’Ivoire, la loi sur
la médiation a été adoptée en 2014. De ce fait, elle n’est pas encore entrée
dans les mœurs. Aux Etats-Unis, en Europe et particulièrement en France, la
médiation connaît un développement important et une contribution très
significative dans la résolution des conflits. Ce qui a pour conséquence de
réduire les décisions de justice rendues au profit des accords issus de la
médiation avec en pointe le rétablissement ou l’amélioration des relations
sociales.
La présente contribution
portera sur la médiation conventionnelle. Mais, en fait, en quoi la médiation
est-elle liée à la gestion des conflits en entreprise ? Pour répondre à
cette interrogation, nous allons tenter de mieux cerner les concepts de conflit
et médiation.
Conflit
La notion de conflit relève
des relations interpersonnelles (les relations de travail entre collaborateurs,
les relations de travail avec les hiérarchies, les relations de travail entre
hiérarchies) et organisationnelles (les relations travailleurs/entreprise et
travailleurs/service). Ainsi, le conflit est défini comme une absence de
synergie, d’entente, de coopération entre deux ou plusieurs personnes absence
étant née d’une frustration. La notion de frustration est si pesante qu’elle
est l’élément déclencheur du conflit. Et les personnes en conflit sont dans
bien des cas en souffrance. Dans ce contexte, les relations de travail se
trouvent rompues, car « l’autre devient une menace parce que nous ne
savons pas ce qu’il pense, ce qu’il trame. Alors, il faut s’en méfier ».
Il y a un déséquilibre des relations humaines parce que, naturellement, « Dans
la crise, la disparition de l’échange renforce le repli sur soi ».
Or, dans l’entreprise en tant
qu’organisation, tous les individus du groupe sont obligés de coopérer, de
travailler ensemble, donc d’être en interaction parce que, « le travail en
lui-même n’a pas de sens, c’est la relation à l’autre qui lui donne du
sens » et qui permet de sécuriser son emploi. En d’autres termes, le
contrat ne protège pas le travail, ce sont les bonnes conditions entretenues
qui le protègent. Ce qui précède est éclairant de ce que la gestion des
conflits en entreprise en lien avec les relations interpersonnelles doivent
véritablement prendre en compte les relations de travail et les acteurs construisant
cette relation. De ce point de vue, la médiation nous apparaît adaptée pour
répondre à cet appel, car elle renferme un cocktail de méthodes qui
positionnent les relations humaines au cœur de son action.
Médiation
« La médiation
consiste d’abord en l’intervention d’une tierce personne pour établir ou
rétablir la communication entre les parties en conflit ». La
médiation, de ce fait, porte sur l’équilibre des relations humaines. C’est un
processus structuré dans lequel deux ou plusieurs parties en conflit (les
médiés), de façon volontaire et responsable, tentent par elles-mêmes de
parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’une tierce
personne, le médiateur. En tant qu’instrument relationnel dynamique, elle est
dans l’action, car elle établit, rétablit et fait vivre les relations humaines.
La médiation est donc un mode
alternatif de règlement des conflits. Dans la médiation, le médiateur ne donne
pas son avis. Il fait émerger la solution par les deux parties.
Par ailleurs, il est
fondamental de retenir que dans la médiation, “on s’en fout des faits”. Ce qui
intéresse le médiateur, c’est de savoir comment les parties en conflit ont vécu
les situations, les émotions, les ressentis, les souffrances. Le médiateur va
donc « descendre dans les émotions », de part et d’autre chez les
parties en conflit, les mettre à nu de telle sorte que les parties se sentent
mutuellement écoutées, comprises et reconnues. Dès lors que cette étape des
émotions est franchie, le médiateur peut remonter progressivement du fond des
émotions pour parvenir à l’intellect avec les médiés et les amener à
co-construire ce qui leur apparaît comme étant leur solution. D’autre part, il
faut savoir que toutes les situations de conflit n’appellent pas à la
médiation, parce que « dans bien des cas, le Droit doit être
dit ». Mais, lorsque le conflit relève du subjectif, de l’affectif, la
justice est, alors, démunie, et c’est à la médiation d’entrer en action.
Enfin, il ne faut pas faire
d’amalgame, ni de confusion entre la médiation et d’autres modes de règlement
des conflits, à savoir, l’arbitrage, la négociation, la transaction et la
conciliation.
Arbitrage :
mode de règlement d’un conflit dans lequel il y a présence d’un tiers qui
décide pour les deux parties et, dans ce cas, sa décision s’impose aux deux
parties. Négociation : mode de règlement d’un conflit dans lequel
il n’y a pas de présence d’une tierce personne. Les deux parties cherchent
ensemble à régler le différend. Ici, chaque partie cherche à tirer le meilleur
pour soi. La négociation porte sur un objet. Transaction : accord
obtenu entre les deux parties à la suite d’une négociation. Conciliation :
mode de règlement d’un conflit dans lequel, il y a présence d’un tiers qui,
lui, va faire des propositions. La conciliation porte également sur un objet.
La définition de la médiation
mentionnée ci-dessus pose en elle-même les conditions pour que la médiation
puisse s’enclencher.
Médiation et gestion des
conflits en entreprise
Dans cette partie, il s’agit
de montrer comment la médiation aide à gérer les conflits en entreprise. Mais
avant d’évoquer cela, il faut savoir que la médiation ne s’impose pas. Pour
qu’il y ait médiation, il faut que les parties en conflit :
·
Reconnaissent leurs difficultés relationnelles.
Cela implique qu’à elles seules, elles ne sont plus en mesure de s’écouter, de
s’entendre, de communiquer.
·
Aient une volonté de parvenir à un accord sur
la résolution du litige qui les oppose. Les parties prennent conscience que
l’intelligence ne peut pas être personnelle, mais plutôt collective ou
bilatérale. Cela consiste à dire, que, tout seul, je n’arriverai pas à trouver
la solution. La solution doit être co-construite avec l’autre partie.
·
Acceptent que la solution à leur différend
passe par l’entremise d’un tiers, le médiateur. Dès lors, les parties accordent
leur confiance au médiateur en tant qu’acteur extérieur au conflit. La présence
du tiers est indispensable parce que c’est lui qui va restaurer le respect et
la dignité des victimes.
Il faut, donc, noter que la
démarche de médiation est une démarche de co-responsabilité et de co
construction.
Dans cette démarche de
médiation, le médiateur dispose d’un cadre, de règles, d’outils, en tant que
composantes du processus de médiation, auxquels il doit rester attaché et faire
confiance.
Cadre de la médiation
En tout début de médiation, il
est important pour le médiateur de poser son cadre afin de rassurer et
‘sécuriser’ les médiés et d’établir, par la suite, un climat de confiance avec
eux. Ce cadre englobe :
La neutralité :
le médiateur indique clairement aux médiés qu’il est neutre par rapport à
l’objet de leur différend. Il n’a pas d’a priori. La neutralité doit prendre
également en compte le lieu de la médiation, c’est-à-dire que le lieu de la médiation
doit être neutre, de sorte à ce qu’aucune des parties n’y voit un facteur
favorisant pour l’autre. Dès lors qu’il affiche sa neutralité, « Le
médiateur ne « doit » pas donner son avis et « doit » être
libre de tout préjugé ». C’est pour le médiateur se mettre en posture
de tiers, c’est –à-dire ne défendre ni l’un, ni l’autre. C’est se mettre de
côté et donner un espace et un temps aux concernés afin de leur permettre de
vider leur ressenti qui coupe toute la rationalité qu’on peut avoir. La neutralité
constitue la sécurité du médiateur, parce que « cela dissuade les
médiés de tenter de séduire ou influencer le médiateur ». C’est un
« roc dans la tempête ».
La neutralité est l’une des
postures essentielles de la médiation.
L’impartialité :
elle vise les rapports entre médiateur et parties en conflit. Cela consiste
pour le médiateur à dire aux parties en conflit qu’il ne penchera ni pour
l’une, ni pour l’autre.
L’indépendance :
« L’indépendance signifie l’absence de tout lien objectif (relation
personnelle ou d’affaires) entre le médiateur et une des parties ». Le
médiateur doit clairement signifier son indépendance aux parties.
Les règles de la médiation
Dès lors que le médiateur a
ancré le cadre de la médiation, il en fixe les règles auxquelles les parties
s’engagent à se conformer préalablement aux échanges.
La liberté :
elle constitue la première règle du processus de médiation que le médiateur
exprime pour rassurer les parties. Cela implique que les parties sont libres
d’entrer ou de sortir de la médiation.
La confidentialité :
« La confidentialité se pose comme condition que l’on peut venir en
confiance déposer le témoignage d’une expérience vécue en lien avec le conflit »,
parce que tout ce qui se dira en médiation va rester confidentiel jusqu’à la
signature d’un accord. Cette confidentialité est très importante pour le
médiateur, car elle va permettre aux personnes en souffrance de se rassurer que
leur ressenti ne va pas se retrouver sur la place publique. C’est l’un des
piliers fondateurs de la ‘’maison’’ médiation.
Absence de pouvoir de décision :
c’est pourquoi, « en médiation, il importe peu de savoir qui a raison
et qui a tort. L’important est de s’intéresser aux perceptions qu’ont les
parties d’une situation et les amener à une phase de reconnaissance mutuelle ».
Le médiateur ne décide rien parce qu’il sait qu’il n’a pas de pouvoir de
décision. Mais il doit avoir l’autorité suffisante pour faire appliquer les
règles lorsqu’une partie s’y déroge. C’est ce qui pourrait apparaître comme un
pouvoir pour lui. Cette posture du médiateur est rassurante pour les parties en
conflit de savoir que rien ne leur sera imposé. C’est à elles de co-construire
ce qui leur paraît être la solution.
Respect mutuel :
le médiateur pose pour principe que les parties doivent se vouer respect mutuel
durant le dialogue. Ceci oblige chaque partie à considérer l’autre comme son
égal, donc, à lui donner la même considération que soi. C’est accepter de faire
fi de toute violence verbale. C’est accepter consciemment, a priori, que
l’autre puisse avoir des perceptions et des valeurs différentes et qu’il soit
en mesure de les exprimer. C’est être courtois dans les échanges. Enfin, le
respect mutuel implique que les parties ne doivent pas s’interrompre lorsque
l’une ou l’autre a la parole.