Paul Ginies, Directeur Général d’Eranove Academy : « Il ne sert à rien de former des personnes s'ils ne correspondent pas aux besoins du marché »

Ingénieur en Chef des Ponts et des Eaux et Forêts, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et expert en formation, Paul Ginies est le Directeur Général d’Eranove Academy à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Filiale du Groupe Eranove, Eranove Academy propose une formation « tout au long de la vie », garantissant une adéquation optimale entre formation et emploi, destinée aux étudiants, aux professionnels et aux entreprises. Véritable innovation dans l’écosystème de la formation, nous avons rencontré son DG pour discuter de la formation professionnelle dans la transition énergétique, ainsi que des initiatives d’Eranove Academy pour répondre aux besoins croissants en compétences dans le secteur de l’énergie. Entretien…



Présentez Eranove Academy, les cibles et contenus des formations.

Le Projet Eranove Academy est un projet ambitieux qui regroupe Eranove, CIE, Sodeci et Eranove Academy. Le projet articule ces activités autour de trois sites dont le centre des métiers de l'électricité de Bingerville (CME) et le centre des métiers de l'eau de Yopougon (CMEAU). Depuis près de deux ans, Eranove Academy a ouvert ses portes dans la commune du Plateau, à l'Immeuble SIDAM, où nous disposons de locaux administratifs, d'un Techlab et de salles de formation. Nous y déployons une nouvelle offre de formation sur le marché ivoirien, élaborée à partir des besoins spécifiques du Groupe Eranove, qui se distingue par sa diversité dans les secteurs de l'énergie et de l'eau. Une grande partie des compétences requises se retrouve également dans l'ensemble du secteur industriel, tant en Côte d'Ivoire que dans la sous-région.

Notre vision n'est pas de devenir une école traditionnelle, mais de nous positionner comme une école d'entreprise, axée sur les métiers et les compétences en demande. Cela nous permet de former des professionnels pour le marché de l’emploi ivoirien, qu'ils aient un niveau BAC, BAC + 2 ou plus, la possibilité de réorienter leur carrière vers des compétences et des métiers en adéquation avec les besoins du Groupe Eranove et de l'économie ivoirienne.

Prenons deux exemples concrets. Nous avons déjà formé des personnes aux compétences en WMBI (Web Mobile Business Intelligence), dans le domaine de l'informatique. Nous avons collaboré avec notre DSI et plusieurs entreprises pour définir des modules de formation permettant d'obtenir un diplôme et des certifications CNAM, favorisant ainsi l'insertion sur le marché et la rétention de nos talents. En parallèle, nous formons également des professionnels au sein de l'entreprise, garantissant que les formations répondent aux besoins spécifiques des employeurs. Ce lien entre les exigences des entreprises et les centres de formation est au cœur de la stratégie d'Eranove Academy. Il est inutile de former des personnes qui ne correspondent pas aux besoins du marché, et nous nous efforçons d'anticiper ces besoins.

Quels sont les programmes phares de l’académie en matière de formation liée à l’énergie ?

Nous sommes attentifs aux discussions autour de la nécessité de « produire plus d'énergie ». Cependant, la première source d'énergie réside dans l'économie d'énergie. Cela concerne tout le monde, que ce soit des particuliers ou des entreprises, car cela se traduit par des économies sur les factures. C'est pourquoi, depuis le 9 décembre 2024, nous avons lancé une formation sur l'efficacité énergétique et le génie climatique. Nous formons les compétences nécessaires pour les nouvelles technologies, telles que les climatiseurs et la domotique, qui permettent de mesurer les consommations, ainsi que d’équiper par exemple des moteurs pour prévenir les pannes. Cela englobe toutes les méthodologies permettant de mesurer et de gérer la consommation d'énergie.

Nous nous inscrivons ainsi dans la lignée des recommandations du gouvernement ivoirien, qui impose aux entreprises industrielles de réaliser des audits de leur consommation énergétique et de mettre en œuvre des mesures d'amélioration. Ces entreprises auront donc besoin de compétences pour effectuer ces audits et gérer leur consommation. Nous sommes déjà en train de former des professionnels qui seront disponibles en 2025 pour accompagner les entreprises industrielles ivoiriennes dans leur démarche d'économie d'énergie. Nous avons anticipé ces besoins, car le Groupe Eranove est pleinement engagé dans la transition énergétique et la maîtrise de l'énergie, ce qui nous permet d'être réactifs.

Comment la formation professionnelle contribue-t-elle à la transition énergétique en Afrique, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire ?

Pour aborder la formation professionnelle, je vais évoquer nos modalités, qui s'appliquent à la transition énergétique et à toutes nos formations. Eranove Academy n'est pas une école comme les autres. Nous concevons nos modalités pédagogiques en tenant compte des contraintes de nos apprenants. Nos étudiants, qu'ils soient collaborateurs de CIE, GS2E, Smart Energy ou d'autres entreprises du Groupe, bénéficient de modalités pédagogies flexibles, avec l’ensemble des formations accessibles en e-learning, l’accès à notre Techlab et si besoin des travaux dirigés en soirée et des cours le week-end, afin de s'adapter aux réalités des professionnelles et de contraintes d'Abidjan.



Si nous ne prenons pas en compte ces contraintes, nous risquons de voir le nombre d'apprenants diminuer. Nous avons donc des horaires d'ouverture flexibles, avec des sessions jusqu'à 21h et le week-end, afin que tous ceux qui le peuvent puissent accéder à nos formations. C'est un élément essentiel.

Un autre exemple concerne un étudiant titulaire d'un BTS qui a dû accepter un emploi sans rapport avec sa formation. Grâce à nos modalités pédagogiques, il peut concilier son travail de chauffeur Yango et ses études.

Enfin, pour les jeunes étudiants, Eranove Academy leur offre un cadre scolaire, avec des cours le matin et le soir. Cependant, contrairement à une école classique, nous proposons un TechLab au Plateau, un environnement technologique où ils seront constamment en stage et en contact avec des professionnels. Nous créons ainsi un écosystème différent, visant à leur permettre d'acquérir des connaissances tout en travaillant sur des projets réels proposés par des entreprises. À l'issue de leur formation, ils obtiendront à la fois un diplôme et les compétences recherchées par les employeurs.

Quels sont les besoins en compétences identifiés dans ce domaine ?

En matière de compétences, il est essentiel de reconnaître que nous avons besoin de compétences transversales. Il est temps de changer notre perspective, qui se limitait à des domaines tels que l'électricité et l'eau. En réalité, nous avons besoin de compétences en automatisme, robotique, objets connectés, ainsi que de connaissances en programmation et en communication. Ces compétences sont pertinentes tant dans le secteur industriel que dans le cadre familial.

Nous formons donc des professionnels capables de piloter des drones dans l'agro-industrie, par exemple, pour surveiller les cultures, ou d'utiliser des robots pour trier des produits. Notre objectif est d'identifier ces compétences et de permettre aux apprenants, même s'ils se spécialisent dans l'énergie, d'acquérir des compétences transférables vers d'autres métiers. Cela nécessite d'élargir leur boîte à outils, car se limiter à un seul métier peut rendre difficile la reconversion.

Il est également crucial de tenir compte des réalités socio-économiques et locales. Nous devons offrir des modalités d'accès aux compétences pour le plus grand nombre, d'où l'importance du e-learning et des nouvelles technologies, qui sont des vecteurs de création d'emplois. Nous souhaitons contribuer à l'émergence de talents locaux, afin de réduire notre dépendance à l'importation de compétences et de créer de la valeur ajoutée. C’est ce que nous faisons par exemple en produisant en Côte d’Ivoire des contenus d’apprentissage en Réalité Virtuelle. Cela s'inscrit également dans notre volonté de promouvoir le contenu local, en favorisant l'accès à des compétences génératrices d’emplois pour les jeunes Ivoiriens.

L’intelligence artificielle (IA) fait un véritable bond dans la société… Quelle est sa place au sein de votre académie ? Est-ce une menace ou un avantage ?

L'intelligence artificielle représente un atout majeur, et non une menace. Nous avons récemment évalué son utilisation à Eranove Academy et identifié environ 85 cas d'usage. Grâce à l'IA, nous pouvons désormais produire des contenus et des illustrations en une semaine au lieu de deux mois, tout en améliorant l’efficacité pédagogique. Cela est particulièrement bénéfique pour les formations techniques, où nous pouvons créer des animatiques et des scénarios illustrant des situations en lien avec le contexte local.

Un domaine où l'IA est particulièrement efficace est la sécurité. Nous pouvons illustrer des situations et réaliser des vidéos pédagogiques. Nous accélérons l'adoption d'outils d'intelligence artificielle pour produire plus rapidement et à moindre coût. L'importance de réduire les coûts est cruciale pour allier efficacité pédagogique et accessibilité financière des formations. Le digital permet d'élargir notre audience, en passant d'une approche élitiste à une stratégie inclusive, visant à former le plus grand nombre.

Concernant l'efficacité énergétique, il est essentiel de sensibiliser chacun à son rôle, notamment face au changement climatique. Par exemple, des collaboratrices de la CIE ont récemment découvert qu'elles pouvaient utiliser leur téléphone portable comme un ordinateur pour se former. L'enjeu n'est pas l'IA en soi, mais l'usage que nous en faisons. Si nous l'utilisons pour le bien commun, cela devient un atout précieux. Bien sûr, il existe des risques de détournement, mais l'IA reste un outil essentiel.

Quels sont les projets futurs d’Eranove Academy pour continuer à soutenir la transition énergétique en Afrique ?

Notre avenir, qui est déjà une réalité, se concrétise avec le projet TECHLAB. Ce dernier est un concentré de technologies, ouvert à nos collaborateurs, aux professionnels, ainsi qu'aux familles et aux enfants les mercredis après-midi et samedis. L'objectif est de leur faire découvrir les métiers technologiques et de les orienter vers ces secteurs en pleine expansion.

Nous souhaitons que le TECLAB devienne un tiers-lieu, un espace de rencontre entre jeunes professionnels et experts, favorisant les échanges autour de la technologie. À l'image de la Silicon Valley, nous voulons stimuler l'innovation en réunissant des intelligences diverses.

Ce projet vise également à ouvrir Eranove Academy à la société environnante, permettant aux professionnels et formateurs de partager leurs connaissances sur les technologies du futur. C'est un défi que nous souhaitons relever pour le bien de tous. Nous voulons particulièrement encourager les jeunes filles à s'engager dans ces métiers, en leur offrant des opportunités et en leur montrant qu'elles peuvent également exceller dans ces domaines. C'est un de mes souhaits les plus chers.

 

 

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