Relations filles de ménage-employeurs : Je t’aime, moi non plus !

Employées de tout temps par des familles relativement aisées, devenues indispensables pour bon nombre de foyers, les filles de ménages en Côte d’Ivoire sont l’objet de récriminations diverses. A l’inverse celles-ci ne tarissent pas de griefs contre ceux qui les emploient. Lucarne sur un bien difficile ménage.

Deux-Plateaux. La petite maison de placement ‘’ONG Victoire’’, perdue entre les commerces, accueille des filles en quête d’emploi. A vue d’œil, certaines n’ont de fille que de nom, car elles sont des femmes mariées, des mères de famille. Elles semblent bien connaître la propriétaire des lieux, Hortense, qui n’en finit pas de parler au téléphone. « Excuse-moi mon frère,  j’ai des clients en ligne. Je finis avec eux et je suis à toi», nous lance-t-elle familièrement. Les bibelots, les citations bibliques sur des tableaux et les icônes chrétiennes indiquent que ‘’ONG Victoire’’ à son encrage dans la foi chrétienne. Pourtant si la nuance est entretenue, cette structure n’est en rien caritative. Car le placement du personnel de maison est un business qui nourrit son homme. « Les clients recherchent des  filles honnêtes, respectueuses, qui connaissent leur travail. En somme des filles qui inspirent confiance. Certains recherchent des filles qui répondent à des critères religieux ou régionaux. Par exemple si le futur employeur est de l’Ouest, il cherche de préférence une fille qui peut lui préparer les mets de sa région. S’il est musulman, il préférera une fille de la même obédience religieuse que lui. Car cela facilite le contact et la cohabitation», explique Hortense. Selon Elle, les relations difficiles proviennent principalement  du manque de vérité dès le départ, de part et d’autre. «  Parfois les employeurs viennent dire qu’ils ont besoin des filles pour uniquement faire la cuisine. Mais à la pratique, ils font faire d’autres travaux aux filles. Pour ce qui concerne les filles, certaines ne disent pas la vérité sur le temps qu’elles veulent passer chez leur employeur. Si une fille de ménage veut travailler seulement pendant un ou deux mois, elle ne le dira pas de peur de ne pas trouver de travail. Et puis un jour, sans crier gare, elle s’en va alors que ses patrons ne s’y attendent pas», affirme Hortense. Fin connaisseuse du milieu, elle explique également que certains employeurs sont trop exigeants et peu respectueux de la personne humaine. «  Ils traitent les filles comme des sous-hommes. Les filles ne durent pas chez des gens qui sont trop exigeants  », ajoute-telle.
Du côté des filles de ménage, le coupable est tout désigné.

« Le problème, c’est avec les femmes »
« Le problème, c’est avec les femmes les patronnes sont trop exigeantes, au-delà de ce qu’elles sont en droit d’attendre de  nous.  Elles nous exploitent et, parfois, ne nous considèrent pas  ». déplore P. Affouet Lucie. « Depuis 2000 je fait ce métier. J’ai travaillé chez de nombreuses personnalités. Notamment des ministres, des directeurs généraux....
Mais il y a une   expérience qui m’a marquée plus que toutes les autres. Une année, je suis allée travailler pour un couple à la Riviera. En fait, le monsieur vivait en Côte d’Ivoire et sa femme au Canada. Et la servante qui travaillait pour cette famille est allée en congé pour un mois.  J’étais donc la remplaçante de cette dernière, juste pour 30 jours, à raison de 60.000 fcfa. Mon arrivée a coïncidé avec l’arrivée de l’épouse du Canada. Le comportement de la dame était si désobligeant que je n’ai pas pu terminer le mois. Dès qu’elle descendait de sa chambre, c’était  : «  Tu me vois venir et tu es là, dégage  !  » Franchement, son comportement ne s’explique pas. Il faut le vivre pour le croire. Aucun respect  ! On supporte beaucoup de choses parce qu’on a besoin d’argent pour aider nos maris et nos familles, mais là, c’était insupportable. Je suis tombée malade, mais ce n’était pas son problème. J’ai croisé des gens méchants, mais aucun n’arrive à sa cheville», raconte-t-elle. Puis elle enchaine avec une autre mésaventure : «  Une autre fois, j’ai travaillé pour un couple. Là-bas, quand je préparais, je n’avais pas droit à la nourriture. S’il y avait des restes, la patronne demandait qu’on les mette au frigo. C’est le mari qui, de temps en temps, quand il y avait des réceptions, lui demandait si tel ou tel employé de la maison avait mangé.
C’est en ce moment qu’elle nous invitait à venir prendre les restes pour manger. Sur 10 employeurs, il n’y en a pas plus de deux qui sont gentils ».

« Ils ont un nom mais  ne  payent pas bien »
« Quand tu travailles chez des ministres ou des DG, les amis et connaissances t’envient. Ils pensent qu’on te paye bien alors que c’est loin d’être le cas. C’est rare de voir un employeur qui paye à la hauteur des efforts fournis. Tu les vois, ils sont grands, mais quand tu travailles chez eux, tu vas voir une autre image.
Par exemple j’ai  travaillé chez un DG qui surveillait tout lui-même. C’est lui-même qui faisait le marché et la plupart des achats dans la maison en lieu et place de sa femme. Il comptait tout dans la maison,  contrôlait tout dans la cuisine. Je ne peux pas dire qu’il était méchant mais c’était stressant.
Les hommes se cachent derrière les femmes
Pour Aïcha Koné, elle aussi doyenne dans le métier,  les hommes ont le même comportement que les femmes.
Parfois ils sont pires. «  Les hommes se cachent derrière les femmes. S’il passe et qu’il voit une tache, il ne te dit rien, mais il va le dire à sa femme qui vient et se met à te gronder comme un enfant. Quand parfois, les patrons te draguent et que tu refuses, ils montent la femme contre toi. Moi j’ai connu un patron qui me harcelait. Et comme je refusais, il a dit des choses à son épouse, une femme gentille. Du jour au lendemain, elle s’est mise à me faire des reproches à longueur de journée. J’ai été obligée de partir».


« Les filles de ménages  sont des vipères»
Les employeurs reprochent aux agences de placement d’envoyer des filles de mauvaise moralité chez eux. Et ce n’est pas Mme Agnès Koutouan, cadre de banque, qui dira le contraire  : « Mon époux et moi avons été durablement marqués par le comportement d’une de nos servantes.
La jeune fille en question avait l’air bien et l’agence nous avait rassurés sur son cas. Mais elle était tout sauf ce qu’elle laissait voir d’elle. Elle se mêlait de choses qui ne la regardent pas et rapportait des secrets de notre maison aux voisins.  Pis, comme mon époux et moi travaillions, en notre absence,elles avaient une conduite intolérable avec les enfants. Elle les maltraitait, les manipulait et leur faisait du chantage…
Chaque fois que les enfants venaient me dire des choses, elle niait. Un jour,  je suis rentrée précipitamment du  travail et quand j’ai vu dans quel état était ma fille, j’ai été scandalisée et je l’ai renvoyée sur le champ», raconte-t-elle. Poursuivant, cette mère de 2 enfants, explique qu’elle n’a aucune chance avec les servantes: « J’ai eu une autre servante qui retenait de l’argent sur la popote en dépit du fait que je lui payais correctement ses 25.000 Fcfa comme convenu.  Au final, elle m’a volée et  s’est enfuie. Celles qui sont bien ne durent pas à leur poste. Au moment où tu as le plus besoin d’elle, elle décide de partir parce qu’elle a atteint l’objectif qu’elle s’est fixé. On ne peut pas leur en vouloir pour ça, mais c’est un perpétuel recommencement. Ce que je déplore, c’est que les filles ou les agences  nous cachent la vérité sur la réelle disponibilité des filles. Affaire de servantes, c’est trop compliqué ! » lâche-t-elle, dépitée. Amie de Mme Koutouan, Mme Silué Rokia, épouse N’Dri, n’est pas du tout tendre avec les servantes: «  Ce sont des vipères.  Quand elles viennent, tu fais tout pour les mettre à l’aise. Mais si tu leur tends la main, elles veulent prendre tout ton bras. Il y en a une chez moi qui a pensé que mon foyer était un terrain de jeu où elle pouvait s’amuser avec mon mari. Mais je lui ai montré de quel bois je me chauffe. Aujourd’hui, je suis très rigoureuse avec les servantes. Ce n’est pas de la méchanceté mais il faut un minimum de rigueur sinon elles vous pourrissent la vie», assène-t-elle. 

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