Le sexisme est
de moins en moins toléré. Preuve en est l’indignation
générale provoquée par une simulation de viol infâme sur la chaîne NCI. Néanmoins,
derrière cet épisode anecdotique, il faut prendre du recul, adopter une
perspective globale et identifier le problème systémique. En
Afrique comme ailleurs, l’actualité
révèle une triste réalité difficile à nier pour l’observateur objectif : le sexisme est un phénomène sociétal qui traverse toutes les
couches de populations, y compris les professionnelles.
Identifier le sexisme avant de le condamner
Officiellement, les codes de travail et règlement internes en entreprises condamnent fermement les
agissements sexistes. Ces derniers sont définis comme
toute action liée au sexe d’une personne portant atteinte à sa dignité ou
contribuant à la création d’un environnement intimidant, hostile ou dégradant. Officiellement. Car en pratique, le
sexisme est une réalité quotidienne dans beaucoup d’entreprises, difficile à
identifier et donc, à solutionner.
Le sexisme est polymorphe. C’est-à-dire qu’il peut adopter plusieurs formes, plus ou moins subtiles. Or, cette subtilité fait le lit de l’ambivalence : était-ce un agissement sexiste ? Ou une blague maladroite ? Une remarque innocente ou un mépris déguisé ? Il n’existe pas de règle stricte qui permette de trancher avec justesse dans la totalité des cas, mais il est clair que le sexisme demeure un problème d’actualité dans beaucoup d’entreprises. Ainsi, les femmes sont responsables de 60 % du travail effectué dans le monde, mais ne gagnent que 10 % des revenus et 1 % des biens. En Afrique, 70 % des femmes sont exclues financièrement. Le continent a un écart de financement de 42 milliards de dollars entre les hommes et les femmes. Autant de statistiques qui démontrent un réel champ de travail, structurant et structurel.
Les différents degrés de sexisme au travail
Dans le milieu professionnel, rares sont
ceux qui expriment des opinions sexistes de manière hostile. Cependant, ce phénomène n’est pas forcément malveillant, ni même
conscient :
• Le sexisme
inconscient : de nombreux
stéréotypes demeurent, à ce jour, profondément ancrés dans notre société, émanant des
traditions, de certaines théories scientifiques, voire de
certaines lois. Les auteurs de ce type sexisme ne
réalisent pas nécessairement que leur comportement est discriminatoire.
• Le sexisme
bienveillant : cette forme de sexisme se caractérise
par des propos et attitudes, d’apparence favorables aux femmes, mais en réalité
infantilisant. Les acteurs de ce type de sexisme en
sont généralement inconscients, voire nourrissent de bonnes intentions.
• Le sexisme
sournois : un sexisme conscient mais discret. Les auteurs peuvent même défendre publiquement l’idée de
l’égalité des sexes. Leurs actes révèlent néanmoins
leur pensée : interruption des propos, remise en cause
des compétences, propositions ignorées…
• Le sexisme
hostile : ce type de sexisme est intentionnel et bel
et bien conscient. L’opinion négative de l’auteur est
généralement verbale et clairement affichée. La
sensibilisation et l’évolution des mœurs aidant, cette forme de sexisme est de
moins en moins courante.
Un coût d’opportunité
faramineux pour les entreprises
Bien que les femmes en soient autant
capables vis-à-vis des hommes ou d’elles-mêmes, les auteurs de sexisme
demeurent en majorité des hommes. Les stéréotypes
liés aux genres expliquent en partie pourquoi hommes et femmes se concentrent
dans des domaines professionnels différents. Alors
que les femmes sont surreprésentées dans les soins et l'éducation préscolaire,
les hommes dominent la politique et les domaines liés aux sciences, à la
technologie, à l'ingénierie et aux mathématiques.
Cet écart génère également un faisceau de
discriminations allant du processus de recrutement
jusqu’à l’évolution salariale, généralement au détriment des femmes jugées
incapables de diriger des équipes, de créer un équilibre entre la vie familiale
et professionnelle ou même de résoudre des problématiques complexes et intenses
en entreprise. En somme, le sexisme limite fortement
les capacités des femmes à développer leurs compétences et donc leurs
potentiels dans les milieux professionnels. Les
entreprises y perdent également en termes de performance et de biais
d’innovation et de compétitivité.
Solutions structurelles pour problématique
complexe
Il n’existe pas de solution simple ou rapide
au sexisme, notamment celui du travail. Ceci dit,
toute entreprise peut mettre en place des solutions structurelles ainsi que des
procédures en vue d’améliorer sensiblement le climat de travail et de
contribuer à une justice professionnelle tenant compte des stéréotypes de
genres et des discriminations culturelles et sociétales. Enfin,
dans des cas plus graves, notamment d'harcèlement et autres
situations similaires, il ne faut pas hésiter à faire appel à l’autorité
légale.
C’est à travers une mobilisation
collective, des hommes et des femmes, que nous parviendrons à réduire le
sexisme, tant en société que dans les lieux de travail. Certes,
la route est longue pour parvenir à une équité parfaite, mais comme le dit le
proverbe africain « Si tu veux aller vite, marche seul, mais si tu veux aller loin,
marchons ensemble ».
Mini bio de Leïla Richard Touma, auteure de cet article
Leïla Richard Touma, franco-marocaine est mère de deux enfants. Véritable entrepreneuse, elle est notamment la
fondatrice du cabinet de recrutement et de chasse de têtes Grey Search Africa, un cabinet expert en la
matière (grise) dédié à l’accompagnement des
talents et entreprises en Afrique. Elle est
singulièrement connue pour avoir publié le premier « Guide des Salaires 2021 »
en Côte d’Ivoire.