03-07-2025
Avis d'experts

Youssouf Carius, Président-Fondateur PULSAR PARTNERS : "Il ne faudrait pas présenter l’entreprenariat comme un choix par défaut"

Youssouf Carius est diplômé d’un Master en statistiques et économétrie de Toulouse School of Economics obtenu en 2008. Après un passage réussi chez Bloomfield Investment, il fonde, à 31 ans, Pulsar Partners, un fonds d’investissement lancé en 2016 et dont il assure la présidence depuis lors. Modèle du jeune entrepreneur ivoirien plein de promesses, ce self-made man ouvre à RH Mag l’univers de ses ambitions. Interview...

RH Mag : Une idée de Pulsar Partners…

Youssouf Carius : Pulsar Partners est une société d’investissement que nous avons créée il y a moins de deux ans dans l’objectif de construire une passerelle entre les investisseurs désireux de profiter des possibilités de rendement qu’offre notre continent et des opportunités d’investissement à fort potentiel. Mes expériences passées m’ont permis de rapidement lire les opportunités du marché et les contraintes du terrain pour des investisseurs internationaux. Les opportunités sont foisonnantes en Côte d’Ivoire comme sur le reste du continent et il y a encore tout à construire. Mais des barrières subsistent. Pulsar Partners souhaite lever ces barrières et accélérer l’investissement sur le continent via une stratégie d’investissement adaptée aux opportunités terrain mais aussi alignées sur les standards internationaux de gouvernance. Nous disposons de deux fonds d’investissement sous gestion avec des stratégies bien particulières. Pulsar Capital Investment est un véhicule d’investissement dédié aux opportunités immobilières. Nous investissons sur des maturités très courtes avec un profil de rendement au-dessus des benchmarks du marché. Figa Investment Limited est notre véhicule de “Private Equity’’ dédié aux jeunes startups en amorçage. Nous choisissons de travailler sur des idées innovantes, voire même révolutionnaires. C’est un véritable pari risqué sur le futur que nous assumons pleinement. Nous parions sur la technologie dans un continent qui en reste dépourvu. Nous suivons de près les idées les plus innovantes qui ciblent des marchés de grande taille (régionaux, continentaux voire mondiaux).

Qu’est-ce qu’un fonds d’investissement et quelle est la particularité de votre entreprise ?

Un fonds d’investissement est une forme de société destinée à injecter du capital provenant d’investisseurs sous plusieurs formes possibles dans des projets, des entreprises ou sur les marchés financiers. Cette structure est gérée par une société de gestion qui a mandat pour exécuter ces investissements et gérer les capitaux alloués au fonds. Investir est un véritable métier. Tout investissement est soumis à une variété relativement hétérogène de risques (risque juridique, risque politique, risque opérationnel, risque de change pour ceux qui investissent en devises étrangères…) susceptibles de freiner votre performance, voire de vous faire perdre votre capital. Ces risques sont parmi les principaux freins aux investisseurs internationaux. Un bon gestionnaire de fonds doit bien connaître son environnement et apprécier les risques à leur juste valeur. Chez Pulsar Partners, la particularité de notre stratégie d’investissement nous permet d’absorber une bonne partie de ces risques ou de les réduire. Nous faisons migrer une partie du risque juridique sur des places judiciaires maîtrisant les problématiques d’investissement. Nous tenons systématiquement à contrôler une bonne partie des opérations liées à nos investissements afin de pouvoir réagir aux contraintes opérationnelles, à moindre coût. Nous avons mis en place une méthodologie d’investissement spécifique au continent, permettant de réduire les coûts, les contraintes et les risques, tout en restant aligné sur les normes internationales de gouvernance et de gestion.

 Qu’est-ce qui freine encore les investisseurs internationaux en Côte d’Ivoire ?

La Côte d’Ivoire bénéficie d’un profil économique parmi les plus attractifs du continent. De nombreux investisseurs essaient d’accélérer leurs actions dans ce pays considéré comme une véritable pierre angulaire de la région ouest africaine. La Côte d’Ivoire présente tous les atouts pour devenir un véritable hub d’investissement régional (la croissance et les opportunités, les infrastructures, l’évolution de son cadre des affaires, l’apaisement politique et sa position centrale dans l’ensemble de la région). Cependant, il y a encore des défis à relever, dont deux qui, pour nous investisseurs, restent primordiaux. Les traités avec les places financières importantes dont l’Ile Maurice. De nombreux investisseurs mauriciens s’intéressent à la Côte d’Ivoire et souhaitent y prendre des engagements mais ils restent encore freinés par le cadre réglementaire et fiscal. Il y a encore quelques mois se préparait un traité de non double imposition entre la Côte d’ivoire et l’Ile Maurice qui, il me semble, attend d’être ratifié. Les banques et fonds d’investissement ont déjà fait le pas vers le pays en ouvrant des succursales entre l’Ile Maurice et Abidjan afin de fluidifier ces investissements. La ratification de cet accord pourrait considérablement accélérer les investissements. L’efficacité administrative sur les actes importants est le deuxième frein. Les relations avec les différentes administrations publiques sont parfois très complexes et lentes. La délivrance des actes de propriété, des agréments et parfois même la prise de décision est considérée par les investisseurs comme des barrières à leurs investissements. Il faut garder en tête qu’un fonds d’investissement a une durée de vie limité et doit pouvoir cantonner sa phase d’investissement dans un laps de temps bien déterminé. Tout élément venant ralentir sa phase d’investissement est considéré comme un risque important.

L’Etat de Côte d’Ivoire encourage l’auto-emploi comme alternative à la question de l’emploi des jeunes. Quel est votre avis ?

L’entrepreneuriat est une brique essentielle à l’économie de la Côte d’Ivoire. Nous souffrons d’un déficit très important d’entrepreneurs locaux, du fait probablement de notre culture et de nos modèles académiques. En dehors des matières premières et agro-industrielles que nous exportons, une grande majorité de nos biens de consommations proviennent de l’extérieur du continent. Cela représente un risque perpétuel pour le panier de la ménagère mais aussi un vide à combler par des initiatives locales. Cependant, il ne faudrait pas non plus tomber dans la facilité de présenter l’entrepreneuriat comme un choix par défaut face à la difficulté de trouver un emploi. Ce serait une grave erreur de croire ou faire croire aux jeunes qu’il est plus facile pour eux d’entreprendre que de travailler comme salarié. L’entreprenariat demande un dévouement et un courage à toute épreuve.