Zoom sur les zones industrielles: Dur d’avoir du travail

Trouver un travail de journalier  dans une des Zones industrielles de Côte d'Ivoire n’est pas une sinécure. Incursion dans un univers implacable ou le népotisme semble être la seule règle du jeu.

Il est 6 heures du matin, mais le périmètre de la  Zone Industrielle de Yopougon, l’une des plus grandes de Côte d’Ivoire, connait un afflux important de travailleurs et de personnes en quête d’emploi. Des hommes et des femmes hâtent le pas vers les bâtiments qui abritent  les usines. Des taxis communaux bleus arrivent par vague avec à leurs bords des ‘’gens de la Zone’’. Gbaka  Anderson, habitant d’Andokoi, village Atchan de 300.000 âmes, riverain de la Zone industrielle, connaît bien cette plate-forme industrielle et ses réalités pour y avoir travaillé plusieurs fois comme journalier ou en CDD. Depuis deux mois, ce jeune homme dans la trentaine et titulaire d’un BTS a repris le chemin de la Zone:«  Je veux faire un commerce de chaussures. J’ai besoin d’argent. Si je fais les 11 mois de contrat que j’ai obtenu ici, je peux avoir la somme que je veux », affirme-t-il. Puis soudain une tache de tristesse vient assombrir son euphorie quand il évoque la dure réalité qui est celle de milliers de jeunes  en quête d’un emploi à la Zone :«  Tu vas voir toi-même comment c’est dur et frustrant. Ces gens se lèvent à 4 heures du matin pour venir faire la queue ici jusqu’à 7 heures ou 8 heures, dans l’espoir de décrocher un job de journalier. Mais c’est très improbable si tu n’es pas parrainé,» explique-t-il.

L’indispensable parrainage

Devant une usine de parfumerie et de cosmétique protégée par une haute clôture de murs surmontée de barbelés, une queue s’est déjà formée. Avant de se mettre dans le rang, Gbaka Anderson est allé laisser sa carte d’identité auprès du vigile en jaune à l’entrée. Après une heure d’attente, la file ‘’des chercheurs de travail’’ s’est allongée d’une bonne douzaine de personnes : «   Venir tôt n’est pas une garantie pour avoir quelque chose. Il faut toujours avoir un parrain  à l’intérieur qui est embauché. Sinon, c’est un miracle si tu parviens à avoir du boulot  », fait-il savoir. Selon lui, le parent ou la connaissance qui est à l’intérieur est une sorte de garantie pour l’entreprise en cas de vol et de dégât du contractuel.A 7 H 45,  le lourd portail métallique s’ouvre et un vigile plastronnant sort pour faire l’appel. Tous ceux qui sont dans le rang  se sont entendus appelés.Cela  à l’apparence de choix faits au hasard. Pourtant, il n’en est rien.Anderson avant de passer de l’autre côté du portail, explique que tous ceux qui ont été appelés sont parrainés. « J’ai eu un contrat de 11 mois. Et c’est grâce à mon ''vieux-père'' (mentor) du quartier qui bosse ici depuis longtemps que cela a été possible.
Avant de rentrer dans la Zone, il faut que tout soit déjà calé». Ces propos d’ Anderson sont corroborés par Koné Stéphane, embauché dans une société de la Zone: «  C’est mon grand frère qui m’a fait entrer ici. Lui également il avait été parrainé par quelqu’un. Moi à mon tour je n’hésiterai pas à venir en aide à un parent ou un ami qui veut venir travailler ici  », s’exprime-til.
Selon lui, le système de parrainage est encouragé par des employeurs qui craignent d’éventuelles poursuites en justice de la part des travailleurs. « Si le journalier a un comportement qui ne plait pas au patron, celui-ci appelle le parrain afin qu’il raisonne son poulain.
Comme le parrain craint lui-aussi d’être en mauvaise posture, il fera tout pour ramener son ‘‘petit’’ à la raison. C’est un système qui est plus rassurant pour des patrons peu à cheval sur la réglementation », explique-t-il.



« Certains payent pour avoir de l’emploi »
Les journaliers sont rémunérés au jour le jour ou en fin de semaine, ou encore par quinzaine.  Le salaire journalier dans la très grande majorité des entreprises oscille entre 1700 et 2000 Fcfa. Et il est généralement  payé en fin de semaine, le vendredi. Le journalier perçoit 14.750, et 17.750 Fcfa si le samedi est inclus. Malgré la modestie de la paye, ils sont des milliers d’Ivoiriens qui sont prêts à payer de l'argent pour travailler à la zone. Faute d’avoir eu un parrain naturel comme un parent ou un ami, ils payent leurs places dans les entreprises. «  Certains, affirme Koné Stéphane, payent de l’argent à des personnes embauchées afin qu’elles leur trouvent du travail à la zone. Ils peuvent payer jusqu’à 25.000Fcfa.
Mais parmi eux il y en a beaucoup qui se font ‘’doubler’’ car ils payent mais n’obtiennent jamais le travail». Une autre formule consiste pour des embauchés, notamment des chefs de personnel et des doyens, à parrainer des travailleurs et à se faire payer 500 ou 700 sur leur paye quotidienne.
Toute chose que reconnaît François Assémian, un journalier: «   Moi, dans mon cas, j’offre de temps en temps quelques bières à mon bienfaiteur quand on se croise dans un maquis au quartier. Donc il ne me demande rien de plus. Mais j'en connais chez qui on prélève de l'argent». 

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