DOSSIER TOGO / Jonas DAOU - Président de l’Association des Grandes Entreprises du TOGO - « Nos compétences locales, made in Togo, accompagnent la performance de nos entreprises »

Pensez-vous que les défaillances dans nos sociétés peuvent impacter le choix des Hommes dans nos Organisations ?

Nos sociétés ont été tellement transformées que parfois nous commettons des impairs sans nous en rendre compte. Le cas de l’exclusion des femmes à certains postes ou à certains niveaux de la société en est un exemple patent. J’ai une partie de mon activité qui est essentiellement composée de manutention, un métier pas très adapté aux femmes selon certains. Mais il a seulement fallu que nous achetions 3 ou 4 chariots élévateurs pour nous rendre compte que les femmes sont, à ce niveau, aussi efficaces que les hommes. Sinon pour le reste, c’est une question d’adaptation. Par exemple, lorsque vous recrutez un handicapé, vous ne lui demandez pas de travailler de la même manière que les autres. Il suffit simplement d’aménager votre infrastructure de sorte à l’adapter à la personne en face. Vous ne pouvez pas donner le même outil à des personnes différentes et espérer les mêmes résultats.Tout est une question d’adaptation des outils et même des hommes. Les cultures même évoluent et s’adaptent également, donc c’est notre rôle, en tant qu’humains, d’en faire de même. Nous devons faire confiance aux femmes et aux hommes de nos entreprises, les challenger et ils nous surprendront.

Le recrutement de jeunes managers en position de management d’équipes ne peut-il pas être conflictuel avec notamment les seniors qui composent ces équipes ?

Il ne faudrait pas voir cette situation en apparence comme un conflit mais plutôt comme un atout qui devra être certainement appréhendé avec le temps.Je pense même qu’aujourd’hui, il revient aux seniors de chercher à s’adapter au management de la jeune génération et non l’inverse. C’est Steve Jobs qui avait très bien compris l’entreprise d’aujourd’hui lorsqu’il disait : « Cela n'a aucun sens d'embaucher des gens intelligents et de leur dire quoi faire. Nous embauchons des gens intelligents pour qu'ils puissent nous dire quoi faire ». Il faut que les collaborateurs fassent preuve d’adaptabilité parce que l’environnement du travail évolue à une vitesse fulgurante à l’image de l’histoire des entreprises comme Shell ou Samsung. Si donc les gens que vous embauchez n’ont pas la capacité d’apporter du nouveau savoir-
faire, d’adapter votre organisation et que c’est vous qui devez continuer à leur dire ce qu’il faut faire, alors c’est l’échec assuré.
C’est donc important d’avoir aujourd’hui des jeunes qui intègrent nos entreprises avec leurs compétences pour préparer les challenges de demain déjà à nos portes. Il faut leur permettre d’accéder à des postes stratégiques qui intègrent déjà les nouveaux besoins. Et on ne peut régler ces questions qu’en disposant de ressources humaines adaptées et les plus agiles possibles.

Président, votre avis sur ceux qui pensent que les DRH sont les futurs directeurs généraux des entreprises

(Rires)... Je partage cet avis mais je suis désolé de vous dire que ce n’est pas dans le futur mais nous y sommes déjà ! Dites-moi, lorsque vous décidez de construire une usine industrielle, à ce moment précis, de qui avez-vous besoin ? C’est d’un directeur des travaux pour bâtir l’architecture de cette infrastructure. La seconde étape sera de payer les fournisseurs, s’assurer d’une gestion efficiente des comptes. De qui aurez-vous besoin ? C’est bien d’un directeur comptable et financier. Une fois sur le marché, vous aurez besoin d’être connu, de vendre vos produits, de rembourser vos dettes. Ce sera bien l’apanage d’un directeur commercial et communication. Une fois toutes ces personnes parfaitement installées dans leurs domaines de compétences respectifs, de qui aurez-vous en tant que chef d’orchestre pour mettre tout cela en musique ? C’est bien d’un DRH.
Voici la réalité des faits et cela fait sens. Pour un chef d’entreprise qui décide de s’engager dans un business, la priorité à ce moment est de se doter de l’essentiel des compétences pouvant être à même d’asseoir l’ossature de celui-ci. Une fois l’entreprise assise, en pensant à sa réorientation ou en se projetant vers l’avenir, cela devient une question de RH et de leadership. En général, ce n’est pas nécessairement le background dont disposent ces personnes dont on a besoin, mais plutôt leur capacité d’anticipation sur les humains. C’est pour cela que l’on estime que le premier DRH d’un département, c’est le chef de ce département au regard de objectifs RH qui lui sont assignés. Juste pour dire que cette assertion présente parfaitement le tableau mais cela va malheureusement bien au-delà. C’est en cela que la fonction RH devient une fonction clé de l’entreprise, d’où leur position de partenaire stratégique au sein des organisations.

De plus en plus, beaucoup d’observateurs perçoivent une Afrique décomplexée qui est entrain de s’imposer au monde dans divers domaines notamment avec ses RH. Que dites-vous sur le niveau de recours de l’expertise locale au sein de nos entreprises ?

En général, nos entreprises sont composées de beaucoup de locaux. Nos compétences locales, made in Togo, accompagnent la performance de nos entreprises. Nous n’avons pas la prétention de vraiment tout savoir, raison
pour laquelle lorsque nous avons besoin d’apprendre dans un domaine donné, nous allons chercher l’expertise mais il faut la limiter dans le temps. Je ne vais pas me permettre d’affirmer que le recours à l’expertise expatriée n’est pas une bonne chose parce que j’ai été également expatrié à une certaine époque de ma vie. Pour dire que c’est un processus orienté dans les deux sens. Cependant, après tout, je pense que la notion d’expertise doit reposer prioritairement sur une confiance inébranlable dans le modèle à promouvoir. Au fil du temps, ce choix peut révéler certaines insuffisances. Le plus important, ce n’est pas de perdre le temps sur ce qui nous manque, mais c’est plutôt de nous concentrer sur ce qu’on peut construire pour le rayonnement de notre continent.

Comment est-ce que vous êtes parvenu à piloter vos RH durant la période de la Covid ? Votre regard sur cette nouvelle forme de travail appelée travail hybride ?

La Covid a certainement frappé de plein fouet bon nombre d’entreprises les obligeant pour certaines à mettre la clé sous le paillasson et pour d’autres à se réinventer ou adapter leurs process.
En même temps, on ne peut aussi se contenter uniquement de trouver des inconvénients en une crise. En effet, la Covid a accéléré un certain nombre de transformations dans bien des domaines, notamment dans l’industrie, le digital, etc... Il faut savoir saisir les opportunités dans les crises que nous vivons, cela est possible seulement pour les personnes ambitieuses et qui y sont préparées. Et donc pour moi le problème en Afrique n’est pas lié à une question d’adoption de la technologie mais, je pense, plutôt à un déficit de RH capables de se positionner comme des champions dans son utilisation, son adaptabilité et dans sa transformation. C’est en cela que réside l’avenir des organisations locales et de l’Afrique.

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