La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est un concept émergent en Afrique, mais encore mal connu d’une grande majorité de dirigeants et cadres d’entreprises du Continent.
Cependant, on observe depuis quelques années une progression de la RSE en Afrique. Un nombre croissant d’initiatives dans le domaine de la formation à la RSE voient le jour. L’Institut de la Francophonie pour le Développement Durable et l’Université de l’École d’administration publique du Québec développent par exemple pour les États africains un Programme National en Développement Durable et Responsabilité Sociétale des Organisations (PIDDRSO) qui donne lieu à des sessions de formation dans les pays d’Afrique francophone. Les labels RSE voient le jour.
Au Sénégal, la RSE suscite beaucoup d’intérêts avec la création en 2008 de l’initiative RSE Sénégal. Elle a comme objectif la promotion de la responsabilité sociétale des entreprises dans le dit pays et en Afrique de l’ouest.
Initiée en 2012 par l’Initiative RSE Sénégal et par le Conseil national du patronat (CNP), la Charte RSE et développement durable des entreprises a été élaborée par onze (11) entreprises de différents secteurs (mines, industrie, BTP, banque, hôtellerie, etc.) en tenant compte à la fois de leurs préoccupations communes et des enjeux du développement durable au Sénégal.
En matière de RSE, le Maroc fait clairement figure de bon élève sur le continent. Mis en place en 2006, son label est totalement conforme à la norme internationale ISO 26000, qui donne aux organisations les lignes directrices de la RSE. Délivré par la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), ce label requiert une évaluation de l’entreprise candidate par un cabinet indépendant. Aujourd’hui, plus d’une centaine d’entreprises sont labellisées dont seulement un tiers de PME alors même qu’elles constituent 80% du tissu économique marocain.
La Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), créée en 2011, propose quant à elle, le même outil, et le Conseil national du patronat du Sénégal (CNP) a lancé le sien en 2022. Sans oublier l’initiative de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) qui doit permettre à ses 17 pays membres de déployer le label RSE le plus important du continent.
Au Mali, il s'est tenu un forum sous régional de réflexion des organisations d'employeurs d'Afrique francophone sur la responsabilité sociale des entreprises en août 2007. Organisé par le Conseil National du Patronat du Mali (CNPM) en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT) et l'Organisation Internationale des Employeurs (OIE), ce forum, premier du genre dans le milieu des employeurs d'Afrique francophone, avait pour objectif de « dégager une stratégie africaine commune de promotion de la RSE sur le Continent ».
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De ce qui précède, le constat est que les organisations patronales de certains pays africains sont fortement engagées dans la labélisation RSE. Quid de la Côte d’Ivoire ?
En Côte d’Ivoire, la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) à travers sa Commission Gouvernance, Ethique et Responsabilité Sociétale des Entreprises (GERSE) veut impulser la dynamique de la gouvernance et de la RSE auprès du Secteur privé ivoirien. C’est dans ce cadre qu’elle organise régulièrement des ateliers de formation et des sessions d’information à l’endroit de ses membres. Une charte RSE a même été signée.
Le constat est que de plus en plus d’entreprises en Côte d’Ivoire s’approprient la RSE, mais en copiant machinalement les procédures et mécanismes des headquarters sans toujours tenir compte des réalités locales et des besoins de leurs stakeholders. La problématique qui résulte de ce constat est la suivante : les politiques RSE des entreprises ivoiriennes pourront-t-elles atteindre leurs objectifs et répondre efficacement aux attentes de leurs parties prenantes ?
Au sens de la norme ISO 26000, la RSE repose sur sept (7) piliers :
1. La responsabilité de rendre compte,
2. La transparence,
3. Le comportement éthique,
4. Le respect des intérêts des parties prenantes,
5. Le respect du principe de laïcité,
6. Le respect des normes internationales de comportement,
7. Le respect des droits de l'Homme.
Considérant chacun de ces piliers qui constituent l’essence même de la RSE, comment les entreprises ivoiriennes doivent les adapter à la réalité de leur contexte économique, environnemental et social ?
Une approche de solution est de réadapter les textes et lois relatifs à la RSE au contexte ivoirien en s’appuyant sur la Confédération Générale des entreprises de Côte d’Ivoire. Peut-être faudrait-il écrire et publier un label exclusif à la Côte d’Ivoire à l’instar des pays ci-dessus mentionnés ?
C’est à ce prix uniquement que la RSE en Côte d’Ivoire pourra apporter et avoir une valeur ajoutée pour les entreprises ivoiriennes. Et si on prenait ce pari ? Et si la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) cédait sa place à la Responsabilité Sociétale Ivoirienne (RSI) pour avoir tout son sens et non pour un effet de mode ? E si le label Responsabilité Ivoirienne des Entreprise se mettait en place sous l’instigation de la Confédération Générale des entreprises de Côte d’Ivoire?
Dr Rachel YOUANT KOFFI