Persuadé qu’un individu ne naît pas leader mais qu’il le devient, le PDG de l’entreprise VICKS a lancé différentes recherches sur les qualités managériales menées par l’institut « Center for Creative Leadership » en 1970 aux USA, qui ont conduit à la mise au point du 360, qui s’est ensuite étendu dans le monde notamment en Europe.
Lorsqu’on pense au système d’évaluation 360 degré, plusieurs questions peuvent se poser : Quels sont les véritables enjeux de l’évaluation à 360° ? Est-il adapté à toutes les entreprises ? Peut-il s’appliquer dans l’écosystème ivoirien, et a tous les collaborateurs ? Comment et pourquoi le mettre en place ?
Comme son nom l’indique, le système d’évaluation à 360° conduit à une analyse et à une évaluation complète du collaborateur concerné.
Il s’agit précisément d’un système d’évaluation faisant intervenir toutes les parties prenantes qui ont un lien, direct ou indirect, en amont ou en aval, avec le collaborateur évalué dans le cadre de son travail. Il s’agit généralement du supérieur hiérarchique, des collègues, des subordonnes N-1, mais aussi des clients, des fournisseurs et des partenaires… Le terme 360 degré ne fait pas seulement référence aux intervenants mais aussi aux éléments qui seront évalués à savoir les compétences techniques, les compétences comportementales, les compétences managériales, les aptitudes relationnelles, le pilotage de l’activité…
Il peut s’adresser à tous les collaborateurs mais il est principalement à destination des managers, des responsables de service, des cadres et cadres dirigeants, et tous ceux qui doivent, dans le cadre de leur travail, collaborer avec différents niveaux hiérarchiques et interagir avec des personnes externes tel que les commerciaux
La mise en place de ce type d’évaluation peut servir deux buts principaux.
- S’auto évaluer : le manager peut lui-même souhaiter connaitre ses points forts et faibles dans un objectif de perfectionnement et de performance personnel,
- Evaluer les managers : cette méthode peut être exigée par la hiérarchie avec pour objectif notamment de prendre une décision relative à une promotion, à une augmentation de salaire ou encore pour avoir un avis sur le management des managers.
De manière générale, nous pouvons retenir que l’objectif d’une évaluation à 360 degrés est de permettre d’évaluer les compétences d’un manager mais aussi de mettre en exergue les divergences de perception entre ce que le manager pense bien faire dans le cadre de son travail et la façon dont cela est perçu par son entourage professionnel.
En effet, la plupart du temps, les individus croient que ce qu'ils pensent est vrai et ils comprennent la plupart des choses basées uniquement sur leur système de pensée.
Cela est tout aussi vrai dans les relations qu’entretient le manager ou le cadre dirigeant avec ses interlocuteurs et peut être à l’origine de nombreuses tensions.
Il est donc important que le celui-ci prenne du recul et puisse avoir un retour sur son travail en tant que manager dans un objectif d’efficacité.
Comment se fait cette évaluation ?
L’entretien à 360° répond à une méthodologie particulière qui comprend 4 phases. Avant la réalisation proprement dite, il faut que la préparation se fasse avec rigueur et organisation. L’élaboration du questionnaire doit se faire avec le plus d’objectivité possible et ne peut être général, ou être utilisé pour toutes les entreprises, car chaque organisation possède des caractéristiques spécifiques, une culture personnelle et une méthode de leadership.
Les questions ne doivent pas laisser place à de l’ambiguïté et le nombre doit être suffisant mais pas excessifs, afin d’avoir des résultats exploitables sans prendre trop de temps aux évaluateurs, au risque de les décourager.
Il faudra ensuite choisir avec minutie les personnes qui évalueront le collaborateur, car le choix des évaluateurs est tout aussi important pour garantir l’objectivité de la méthode.
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Par ailleurs, pour que cette évaluation soit un véritable succès, le service RH de l’entreprise de l’évalué doit impérativement susciter l’adhésion de tous les acteurs en effectuant une communication claire et précise en amont, qui portera sur l’objectif à atteindre, le processus d’évaluation, la confidentialité des informations requises ainsi que sur le déroulé.
Il est aussi important de digitaliser les étapes afin de faciliter l’analyse des résultats. Les phases sont les suivantes :
- Phase de l’auto évaluation du manager : le manager évalué va d’abord s’auto évaluer en remplissant le questionnaire préparé
- Phase de l’évaluation : dans cette phase, les évaluateurs désignés remplissent le questionnaire anonymement et sans connaître les réponses de la personne évaluée.
Phase de l’interprétation ou analyse des résultats : Une fois que les données sont recueillies, il faut les segmenter et les analyser pour en tirer des conclusions, notamment en utilisant un logiciel d’évaluation des compétences.
Ces logiciels vont permettre de comparer les écarts existants entre la perception qu’à l’évalué de son travail et ce qu’en pense son entourage. Cela peut se faire par la Direction des RH ou par un prestataire externe.
- Phase de restitution : Les analyses sont transmises au collaborateur évalué accompagné d’un plan de développement des compétences permettant d’engager les changements nécessaires (comme la mise en place d’outils ou de formations).
Les avantages d’une telle évaluation sont de plusieurs ordres :
- Elle évite les biais car elle permet d’obtenir des résultats provenant de sources diverses et variées. En effet, grâce à la multiplicité des répondants, cette méthode permet de s’assurer que les résultats sont objectifs, complets et fiables. Plus il y a de réponses diverses, plus l’on se rapproche de l’objectivité….
- Elle permet de produire un plan d’action personnalisé pour chaque personne évaluée, en dégageant des pistes de progression adaptées.
- Elle permet à l’évalué de connaître la perception qu’ont ses collaborateurs de son travail, de savoir quelles compétences il maîtrise et quelles sont celles à améliorer.
Il a ainsi un avis empirique qui lui permet de mieux appréhender son cadre de travail.
- Elle permet de recueillir de nombreuses informations en matière de management, de communication, d’aptitude relationnelle…
Cette évaluation encourage la communication horizontale
L’évaluation à 360 degré est une pratique très développée dans les entreprises des pays d’Europe du Nord car la culture managériale de ces pays est intrinsèquement plus participative que dans d’autres pays.
En effet, on observe que l’inconvénient majeur réside dans la difficulté d’implémenter
Cette méthode dans les entreprises qui ont des cultures hiérarchiques très fortes.
Dans ce type de culture, l’autorité prône et chaque salarié à un rôle à jouer, certains étant décisionnaires, d’autres étant exécutants. Il serait donc bien difficile de mettre en place ce type d’évaluation à 360 degré, qui requiert une certaine vision managériale et une ouverture d’esprit basé sur une remise en question de son travail par ses collègues et ses N-1 notamment.
De ce fait, on constate que la question est étroitement liée au style de management et de culture d’entreprise présentes dans les organisations voire dans l’écosystème professionnel.
Par ailleurs, il peut être difficile d’analyser des résultats provenant de sources diverses, d’où la nécessité de recourir à des logiciels spécifiques pour le traitement des données.
Il requiert plus de planification et d’organisation que les autres types d’évaluation car s’il n’est pas fait correctement, il peut engendrer des tensions entre collaborateurs.
La confidentialité demeure un aspect important dans cette méthode.
Toutefois, certaines entreprises peuvent opter pour une évaluation à 180 degré qui consiste à évaluer l’impact managérial des responsables d’équipe, par les équipes elle-même.
Il permet donc au manager de recevoir un feedback sur son management.
Les N+1, les collègues, les interlocuteurs extérieurs ne sont pas concernés par ce type d’évaluation qui peut apparaitre comme un bon compromis entre l’évaluation classique et celle à 360 degré.
Qu’en est t il en Côte d’Ivoire ?
Ce type d’évaluation n’est pas très répandue dans notre pays notamment du fait que la culture managériale la plus appliquée reste la culture hiérarchique. L’intérêt et l’objectif n’est pas suffisamment bien perçu par les dirigeants qui craignent certainement les tensions que cela peut engendrer.
Néanmoins, il serait intéressant que plus d’entreprises intègre cette méthode car elle garante d’une volonté de performance professionnelle.
Instaurer l’évaluation à 360 degré doit être vu comme un outil de développement des compétences managériales et un cadre de référence concret pour une meilleure connaissance de soi.
Ainsi, l’évaluation à 360 degré peut avoir un bel avenir si seulement les prérequis, à savoir principalement une culture d’entreprise plus participative et une organisation rigoureuse, sont mis en place.