Tant que l’entreprise aura besoin de produire, elle aura toujours besoin des achats et de la logistique...

Kacou Emmou Edwige est la responsable Achats du géant européen de l’emballage, Eviosys. « Focus Métiers » l’a rencontrée, à ses bureaux sis à Abidjan-Marcory, Boulevard Valéry Giscard D’Estaing pour nous faire connaître la fonction Achats tout en faisant un clin d’œil à sa pendante, la Logistique.

RH Mag : Quel est le rôle de la fonction Achat-Logistique dans une entreprise ?
Le rôle des fonctions Achat- Logistique est d’assurer la continuité et la fiabilité des flux des marchandises depuis l’entrepôt du fournisseur jusqu’à la réception par le demandeur (le client interne). Il a un rôle clé dans la compétitivité de l’entreprise. L'achat est l'acquisition d’un bien ou d'un service en contrepartie du paiement de son prix. Toute entreprise, qu’elle soit commerciale ou non, achète des produits qu’elle revend, qu’elle inclut dans son processus de production ou qu’elle consomme. L’ensemble des biens (marchandises, matières et fournitures) et services acquis par l'entreprise représentent parfois jusqu’à 50% de ses charges. Une attention particulière doit par conséquent être accordée à l’ensemble du processus d’approvisionnement, achat et logistique.
Il y a quelques années, les métiers des achats et de la logistique étaient des supports ; nous supportions la production. Mais aujourd’hui, la Direction de la Logistique et celle des Achats font partie du Comité de Direction communément appelé CODIR. D’où leur importance dans les organisations, notamment dans la nôtre qui est une entreprise de production. Les Achats ont un rôle clé dans la mesure où ils doivent être en contact permanent avec les prestataires pour les achats d’outils et de pièces de tout genre afin d’éviter un arrêt de travail ou un manque de production. Et faut-il le rappeler, en matière d’achat dans les entreprises avant c’était du désordre, un peu du n’importe quoi, permettez-moi l’expression. Tout le monde voulait acheter parce que chacun a un prestataire qui peut résoudre un besoin ponctuel et cela provoquait parfois des dysfonctionnements dans l’organisation. Aujourd’hui, les Achats sont là pour centraliser tous les besoins de l’entreprise et procéder à leur achat de manière professionnelle et efficace.

Les métiers de la logistique poursuivent leur montée en puissance et occupent aujourd’hui une position clé dans les entreprises. Il est maintenant fréquent que les Directeurs Supply Chain siègent dans les comités de direction où leurs capacités à établir des stratégies et à gérer les contraintes internes et externes sont valorisées. Comment pourriez-vous expliquer cela et pensez-vous que cette tendance soit tenable ?

Les matières premières nécessaires pour la production et la satisfaction du client, demeurent la clé et l’essence même d’une activité industrielle. Le transport de ces matières premières et des produits finis vers sa clientèle est très important dans le process, d’où l’implication au quotidien de la supply chain, qui devient incontournable. Alors la tendance est forcément tenable, d’ailleurs elle ira crescendo vu que les besoins en entreprise sont sans cesse en évolution. Qui de mieux placés que les métiers des achats et de la logistique pour faire correctement ce boulot ? Dans notre cas par exemple la matière première vient de l’Espagne ; pour le transfert du fournisseur à l’entreprise, il faut bien une planification de cette opération et ce rôle est dévolu aux achats et à la logistique. Tant que l’entreprise aura besoin de produire, elle aura besoin de la logistique et des achats pour planifier le transfert de marchandises. Ce sont deux fonctions primordiales.

La fonction achat a deux objectifs principaux : s’assurer de la fiabilité des fournisseurs et l’obtention des meilleures conditions de vente. Est-ce suffisant pour assurer la survie de la fonction ?

Largement suffisant je pense parce que c’est l’essentiel même d’une bonne productivité en entreprise. Si vous avez un fournisseur qui n’est pas fiable, vous risquez soit d’avoir de mauvais produits, soit d’avoir une rupture de stock à un moment donné. Dans les deux cas, la productivité et la performance de l’entreprise auront un coup de mou. C’est pareil si vous ne pouvez pas acquérir un bien de bonne qualité à un coût raisonnable ; vous n’êtes pas efficace et vous ne faites pas preuve d’efficience. En d’autres termes plus techniques, on dira que des achats mal négociés ou de mauvaise qualité, le mauvais choix du réseau logistique, la mauvaise détermination des modes de transport peuvent occasionner diverses formes de gaspillages : les 3M (Muda, Mura et Muri), qui s’évaluent en grosses pertes financières.
Le rapport qualité-prix doit être toujours notre leitmotiv, c’est la démarche qui nous guide pour permettre à l’entreprise d’être productive et performante. A ces objectifs, nous pouvons ajouter, les achats dits responsables, en vue de la préservation de l’environnement. Nous veillons à ce que nos prestataires respectent les normes en matière de préservation de l’environnement. Nous menons donc une enquête de conformité RSE avant de signer un contrat avec tous nos prestataires ; nous sommes très engagés dans la RSE, notamment avec nos partenaires. Une preuve de plus que les fonctions logistique et achat sont pérennes.

Les chiffres des dernières années montrent clairement que les postes et les métiers sont nettement en progression dans le métier. Comment gérez-vous cette situation et comment qualifierez-vous les ressources humaines de ces métiers ?

Tous les corps de métiers sont aujourd’hui soumis à cette évolution. Nous avons des process généraux et d’autres en interne qui nous permettent de faire face à cette situation qui, pour le moins sont appliqués pour faire progresser le métier. Les ressources humaines des métiers des achats
et de la logistique tiennent leur place en entreprise et même dans la société. En effet, les acteurs de ces métiers permettent d’établir des stratégies devant les crises économiques, sanitaires et même la cyber corruption. Aujourd’hui, les ressources humaines de ces corps de métiers sont spécifiquement formées au métier. Elles ne sont plus choisies par défaut dans les entreprises pour assurer les rôles d’acheteurs ou de logisticiens. Il existe des filières pour former à ces différents métiers, il y a même des masters en Achats-vente. En plus, il y a la formation continue pour les professionnels du métier à travers les séminaires, les colloques etc. Tout cela pour vous dire que les ressources humaines de ces métiers sont bien formées et cela se ressent dans la performance des entreprises. Ce n’est plus comme par le passé où on faisait face à des reconversions c’est-à-dire que le directeur désignait un commercial, un comptable ou même un technicien pour devenir acheteur par exemple.

Le numérique a-t-il fait évoluer la fonction achat- logistique ? Si oui, comment ?

Naturellement, cette nouvelle ère permet au métier de comprendre, d’influencer et de développer le marché local et externe. L’avènement des nouvelles technologies a imposé à l’ensemble des acteurs de l’entreprise de revoir leurs modèles organisationnels. C’est notamment le cas dans les fonctions achats des secteurs du transport et de la logistique. Au niveau des achats par exemple, l'utilisation de logiciels spécifiques à l'approvisionnement permet de structurer la gestion des dépenses fournisseurs et suivre l'ensemble des flux dans un support centralisé. Non seulement cela permet de réduire nos coûts, mais aussi d'avoir des informations sur nos dépenses en temps réel. Les bénéfices de la digitalisation pour la fonction Achats sont multiples. Le travail quotidien se voit optimisé grâce à des solutions agiles qui allient automatisation des processus, ergonomie et amélioration de la collaboration entre les équipes, les services internes et les partenaires externes.

Le plus gros risque de la fonction se résume à quoi ?

Eviter les ruptures d’approvisionnement. Pour cela, il faut une bonne maîtrise de sa gestion de stock. Avec le digital, si les avantages du passage au numérique sont considérables, il subsiste encore des barrières à la transformation digitale. Les questions relatives au budget, à l'urgence organisationnelle et à l'introduction de nouvelles technologies représentent les plus grands obstacles à la « digitalisation des achats ». Voilà essentiellement les risques auxquels sont confrontés les achats.

Si vous vous projetiez, comment voyez-vous le métier dans quelques années ? Quel pourrait-être son plus gros défi ?

L’acheteur occupe aujourd’hui une fonction stratégique au sein de l’entreprise. Fonction évolutive avec la digitalisation – les contextes de crise (sanitaire et économique) mais aussi l’engagement RSE, les enjeux sont nombreux et intègrent cette fonction à tous les niveaux.

Interview réalisé par
Alexis Kacou Bi

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